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6-7 septembre 2012, 20h, 8 septembre 2012, 16h
NosferatuNosferatu
Texte, mise en scène, fabrication, jeu : Denis Athimon et Julien Mellano

L'an dernier, Bob Théâtre a fait sensation au festival Les Trois Jours de Casteliers avec Princesse K. Mais le premier passage très remarqué de la compagnie au Québec remonte à 2004 avec Nosferatu... il y a de cela presque une génération. Ils nous font le plaisir de revenir nous donner le frisson cette année.

La légende... En 1838, un jeune clerc de notaire, Hutter, quitte sa ville de Viborg pour aller conclure une vente avec un châtelain de Carpates. Sur son chemin s’accumulent rencontres menaçantes et mauvais présages. Il parvient tard dans la soirée au château où l’accueille le comte Orlock qui semble être le croisement d’une chauve-souris et d’une gousse d’ail. Après, ça se gâte... Bref, de terrrribles circonstances pour trrrrembler r-ensemble dans le noirrrr. 

La vraie peur au théâtre est assez rare, celle qui nous fait sursauter puis rire. Dans le cadre particulier du théâtre d’objets – où ampoules, moulins à café et multiprises prennent vie –, les deux marionnettistes virtuoses Denis Athimon et Julien Mellano jouent à se faire peur. Présenté en proximité avec le public, Nosferatu se nourrit de plusieurs envies comme celle de raconter une histoire horrible, d’être un peu méchant et de ne pas trop faire de concessions. 

Créé en 2003, ce Nosferatu malaxe les inspirations tirées de l’esthétique du film Nosferatu de Murnau, de l’émotion du roman Dracula de Bram Stocker, de l’élégance de Bela Lugosi, de la vivacité de Dracula par Coppola, de l’ambiance pesante de la fin tragique du Nosferatu d’Herzog, et d’un peu d’étrangeté du Vampyr de Dreyer. 


Spectacle muet à texte, en noir et blanc colorisé

Lumières, fabrication, dénichement d’objets : Alexandre Musset
Musique : Olivier Mellano

Production Bob Théâtre
Une présentation de Casteliers en collaboration avec Aux Écuries
L'Internationale du théâtre d'objets


Aux Écuries
7285, rue Chabot
Billetterie : 514 328-7437

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 Critique
Critique

par David Lefebvre


Crédit photo : Bob Théâtre

Le Bob Théâtre est de retour au Québec après un court mais remarqué passage au plus récent festival Les Trois Jours de Casteliers, où la compagnie française présentait l’extraordinaire pièce Princesse K. Cette fois-ci, à l’invitation des Écuries et du Théâtre de la Pire Espèce, les deux comparses, Denis Athimon et Julien Mellano, s’arrêtent trois petits jours au théâtre de la rue Chabot pour présenter Nosferatu, une création de 2003 qu’ils ont eu la chance de jouer ici, lors de l’édition 2004 des Coups de théâtre. Lors d’une sympathique discussion avec Denis Athimon en mars dernier, celui-ci me confiait avoir très hâte de (re)proposer aux Montréalais, puis aux spectateurs de ManiGanses à Saguenay, ce surprenant et efffffrayant récit, largement inspiré des contes vampiriques et du cinéma, dont Murnau, Lugozi et Coppola.

Spécialisé dans le théâtre d’objets, le Bob Théâtre nous en fait voir de toutes les couleurs, même si le spectacle est pratiquement en « noir et blanc ». Les différentes marionnettes sont généralement créées par la lumière, une idée géniale et absolument bien maîtrisée – par exemple, Hutter, le clerc chargé d’aller dans les Carpates vendre une maison au Comte Orlock, ainsi que sa femme Hélène, sont des ampoules aux yeux dessinés. S’ils respirent, l’intensité de la lumière change, s’ils dorment, l’ampoule s’éteint. Simple, mais d’une grande efficacité. Le Comte se matérialise sous une large cape noire, laissant dépasser un visage blafard, aux yeux globuleux et au corps indistinct, qui peut pourtant prendre des proportions démesurées.

Athimon et Mellano connectent rapidement avec le public, qu’ils mettent dans leur poche dès les premières secondes. Pour créer une certaine tension, pour épouvanter, ou pire, faire s’esclaffer l’auditoire, ils s’amusent à changer d’expression, à narrer intensément dans un faisceau de lumière verdâtre (conception d’Alexandre Musset), à disparaître dans l’obscurité ou à bouger rapidement, stupéfiant le public. La musique, d’Olivier Mellano, parfois classique, parfois électro, colle parfaitement à l’ensemble.

Le récit et la mise en scène sont précis, haletants ; avec un minimum d’accessoires, les deux comédiens et conteurs hors pair arrivent à créer un monde mystérieux et surnaturel. Seule une table meuble la scène, recelant mille et un trucs, dont une nappe interminable qui représente, lorsque l’on tire dessus, le long voyage de Hutter à travers l’Europe – et la forêt transylvanienne.

L’atmosphère qui règne sur la scène des Écuries, frôlant l’expressionnisme allemand, est absolument fantastique : on navigue au cœur d’une horrible histoire tout aussi hilarante que surprenante. La sombre menace de Nosferatu flotte au-dessus de nous, et on échappe avec plaisir au happy ending qui conclut habituellement les pièces pour jeune public. Ici, la mort rôde, comme la peste, et permet d’explorer la peur au théâtre comme rarement on l’a fait. Frissons, rires, émerveillement, autodérision ; inutile de résister, ce Nosferatu vous charmera à « sang pour sang ». Jouissif.

07-09-2012