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La Mondiola
Du 4 avril au 7 juin 2018
20 places seulement par représentation

La Mondiola commence sur un air de fête. Camille, aidée de sa fille Lolie, organise une soirée pour le 50e anniversaire de son chambreur Antonio. Au moment où la fête commence, une inconnue se présente sous prétexte d’avoir vu son adresse en rêve. Ouvrant le sac de sa visiteuse, Camille découvre des objets évoquant la présence de son défunt mari, cinéaste aventurier et buveur, activiste de la démesure affublé d’un magnétisme ensorceleur. Les spectateurs sont alors plongés peu à peu dans une atmosphère surréelle. Ils sont à deux pas des personnages qui les entraînent dans cet univers insolite et les amènent à poser des gestes complices dont ils ne connaissent pas l’issue.


Idée originale Ximena Ferrer
Texte et mise en scène Julie Vincent
Avec Omar Alexis Ramos, Stéphanie Dumont, Ximena Ferrer, Liliane Boucher


Crédits supplémentaires et autres informations

Conseiller en dramaturgie Paul Lefebvre
Scénographie Livia Magnani
Conception musicale Michel Smith et Sandra Wong
Vidéos et photos Rodolphe St-Arneault
Assistance et régie Marie-Hélène Grisé
Direction de production et surtitrage Philippe Chevalier
Photo Rodolphe St-Arneault

Mercredi, jeudi et samedi à 19 h
4-5-7 | 11-12-14 | 18-19-21 AVRIL
16-17-19 | 23-24-26 | 30-31 MAI
2-6-7 JUIN

Tarif : 28$

Production Singulier Pluriel


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Critique disponible
            
Critique

Pour le critique, certaines expériences théâtrales l’éloignent de la conception cérébrale ou « objective » préconisée pour sa pratique. Avec La Mondiola, Singulier Pluriel préconise une approche (justement) singulière où les spectatrices et les spectateurs se retrouvent plongés dans l’action, ou du moins, au plus près des sensations.






Crédit photos : Alain St-Onge

Précédemment, la compagnie codirigée par Julie Vincent et Ximena Ferrer (l’instigatrice du présent projet) avait tissé des liens sur l’axe nord-sud entre les réalités québécoises et celles des pays d’Amérique latine dans Le Portier de la Gare Windsor et Soledad au hasard. Alors que ces deux créations ont été présentées dans des lieux institutionnels, La Mondiola ouvre un nouveau cycle en se produisant dans une maison (le 1955 rue Fullum, à deux pas de l’Espace Libre). Ferrer a voulu instaurer cette pratique alternative très populaire à Montevideo et à Buenos Aires depuis la crise économique de 2001-2002 qui a secoué, entre autres, l’Uruguay et l’Argentine. Ce type de théâtre, bien exploité dans la proposition, entraîne l’abolition d’une certaine distance entre l’artiste et le public. Par ailleurs, la demeure acquiert au fil de la représentation une dimension poétique, puisant dans les eaux du réalisme magique. Si certaines troupes ont déjà présenté du théâtre à domicile, rarement le lieu même a occupé comme ici une dimension aussi tangible dans l’aventure.

Si dans la vie réelle, La Mondiola constitue un quartier italien de Montevideo, celle-ci devient dans le présent récit un petit pays inventé d’Amérique latine. Pendant près d’une heure et demie, l’histoire enchevêtre le passé et le présent, le quotidien et les fantasmes. Elle s’amorce dans une ambiance de fête alors que la vingtaine de personnes réunies (le public), d’abord dans le salon, est invitée à porter le chapeau conique de circonstance. Avec l’aide de sa fille Lolie (Stéphanie B. Dumont), Camille (Liliane Boucher) organise une soirée spéciale pour les 50 ans de son chambreur, Antonio (Omar Alexis Ramos). L’action se déplace dans le couloir d’entrée où toutes et tous lui chantent en chœur un joyeux anniversaire. La sonnerie de la porte retentit. Apparaît une inconnue (Ximena Ferrer) dont le sac semble contenir des objets ayant peut-être appartenu au mari décédé de Camille, un cinéaste à l’âme écorché et dont la présence continue de hanter ses proches (par la voix du poète et comédien acadien Gabriel Robichaud). Jusqu’à la fin, une ambiance surréaliste teinte cet univers aux nombreux secrets. « L’étrangère » porte, par ailleurs, le nom d’Anna Magnani, comme la célèbre actrice italienne. En plus des interprètes, Sandra Wong s’amuse avec une vingtaine d’instruments. Avec son allure souvent vaporeuse, elle apporte à de nombreuses reprises des touches oniriques à l’ensemble.     

Pour apprécier l’aventure à sa juste valeur, les gens se doivent de laisser leur esprit cartésien à la porte, car la progression dramatique se laisse aller à un imaginaire de plus en plus métaphorique. Après notre départ du corridor d’entrée, nous nous retrouvons autour de la table de la cuisine où les hôtes nous offrent des verres de shooter. Les rancœurs se déballent, les langues se délient; les drames n’empêchent aucunement les moments cocasses. En effet, Sandra Wong suscite notre participation pour un exercice de karaoké avec un air de circonstance: Repartir à zéro, une chanson popularisée dans les années 1980 par Joe Bocan, qui témoigne des préoccupations sociales des artistes de la troupe, en plus de constituer un ver d’oreille toujours fort agréable à entendre.

Écrite à partir d’improvisations d’actrices, l’œuvre de Julie Vincent contient, comme ses autres réalisations d’autrice, d’abondantes références, comme autant de souvenirs marquants du temps qui passe. Si les ombres de Michèle Lalonde et Gaston Miron planaient dans Le Portier de la Gare Windsor, d’autres créatrices et créateurs surgissent comme des brises chaleureuses tout au long de l’intrigue. Nous entendons notamment les mots toujours puissants d’Hubert Aquin (« Cuba coule en flammes au milieu du Lac Léman…», du roman Prochain épisode, rendus avec éloquence par Omar Alexis Ramos, et un extrait du poème Massawippi (le magnifique lac des Cantons-de-l'Est) de France Boisvert. Le cinéma occupe également une place non négligeable. En plus du fantôme d’Anna Magnani, nous voyons sur un écran dans la cuisine un extrait du long-métrage néoréaliste en noir et blanc Rome, ville ouverte de Roberto Rossellini (avec la comédienne dans l’un des rôles principaux). En souvenir de son père, Lolie cite le classique québécois Pour la suite du monde de Marcel Carrière, Pierre Perrault et Michel Brault. Pluridisciplinaire, la production conjugue une musique originale de Michel Smith aux allusions à Besame mucho et à Jean-Sébastien Bach, sans oublier quelques solides pas de tangos exécutés par Liliane Boucher et Ximena Ferrer.      

Parmi une distribution dirigée avec dynamisme, soulignons l’excellente prestation de Stéphanie B. Dumont, très forte en adolescente à la parole radicale et à la gestuelle assumée.

Cette ensorcelante Mondiola peut se raconter certes dans un compte-rendu, mais mérite d’abord d’être vécue et ressentie de l’intérieur.

10-04-2018
 
Une maison
1955 rue Fullum
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INFO : singulierplurielmontreal@gmail.com | 514 598-0145