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La Détresse et l'Enchantement
Du 27 février au 10 mars 2018

Parue en 1984, un an après la mort de son auteure, l’autobiographie de la romancière Gabrielle Roy n’a cessé depuis de toucher des dizaines de milliers de lecteurs. La vie y palpite avec un irrésistible accent de vérité, entre les éblouissements et la noirceur, entre la plénitude des joies et l’angoisse du vide, entre les incertitudes paralysantes et ces révélations qui changent une destinée entière. Pour déployer pleinement cette parole d’une exceptionnelle humanité, Marie-Thérèse Fortin et l’auteur-metteur en scène Olivier Kemeid ont réalisé un montage théâtral de ces mémoires dont le je, si proche et si émouvant, permet à une comédienne, seule en scène, de recréer toute une vie.

La naissance d’une romancière, voilà ce vers quoi tend tout entier ce récit où l’auteure crée sous nos yeux son propre personnage. Elle raconte son enfance au Manitoba au sein de la petite communauté canadienne-française de Saint-Boniface, son travail d’enseignante dans des villages perdus, sa passion du théâtre qui la pousse à aller en Europe où elle réalise obscurément que sa vocation n’est pas d’être comédienne mais autre chose. Et c’est dans un Montréal gris, englué dans un hiver glauque, alors que la guerre s’apprête à éclater, qu’ellese pose seule, fragile. Pour écrire.


Texte Gabrielle Roy
Mise en scène Olivier Kemeid
Avec Marie-Thérèse Fortin


Crédits supplémentaires et autres informations

Conception Virginie Leclerc, Caroline Ross, Lionel Arnould
Assistance à la mise en scène Catherine La Frenière

Mardis 19h30, mercredis au samedis 20h, certains samedis 15h

Discussion avec l'équipe du spectacle aprèes la représentation du 3e mardi

Coproduction Théâtre du Nouveau Monde, Théâtre du Trident et Trois Tristes Tigres


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Critique disponible
            
Critique



Crédit photo : Yves Renaud

Près de 35 ans après qu’un infarctus l’ait emportée, voilà que Gabrielle Roy, grande icône de la littérature québécoise, reprend vie sur la scène du TNM. Pendant 90 minutes consécutives, la comédienne Marie-Thérèse Fortin lui prête généreusement corps et voix afin qu’elle puisse venir témoigner de la détresse et de l’enchantement vécus de la petite enfance à la découverte de sa véritable vocation : l’écriture. Basé sur son autobiographie posthume La détresse et l’enchantement, le collage éponyme retrace les grandes lignes de la période à partir de laquelle la sensation d’être étrangère dans son propre pays commence à peser lourd sur la conscience de celle-ci. C’est l’association avec le metteur en scène Olivier Kemeid qui a permis à Fortin, grande admiratrice de l’écrivaine, de concrétiser un tel projet d’adaptation. Les deux créateurs convient, donc, le public à un spectacle qui, malgré son allure de récital, se révèle plutôt assez théâtral.

Sans surprise, l’unique interprète se dévoile dans toute sa splendeur. Arrivant sur scène dans un nuage de fumée, elle apparaît déjà comme dans un songe, à la fois en personnage de théâtre et en femme accomplie. Son bonheur d’être là transparaît dans son regard passionné et convainc de son travail acharné. Malgré certaines difficultés de prononciation qui viennent quelque peu ternir l’éclat de son jeu, il est évident que ce petit défaut ne demande qu’un minime ajustement pour disparaître. D’autant plus qu’à entendre la longueur des applaudissements de la foule lors du salut de la comédienne, cette petite faiblesse semble vite oubliée. D’ailleurs, supportée par la conception vidéo mouvementée de Lionel Arnould, cette dernière réussit brillamment à nous faire voyager dans les différents lieux qui ont marqué sa mémoire. Sa force réside, néanmoins, dans son habileté à incarner les différents acteurs de son passé avec précision. Belle diversité d’intonations et d’attitudes qui garantissent le plaisir de tous !

Le texte devient rapidement un enchaînement de paroles fluides d’une surprenante vivacité. L’introduction et la conclusion qui s’avèrent un peu plus statiques et récitées s’en trouvent donc excusées. Considérée comme une femme plutôt solitaire et introvertie de son vivant, Gabrielle Roy semble avoir tout de même laissé des traces d’une insouciante jeunesse que le duo Fortin-Kemeid a su exploiter avec brio. Sans s’aventurer dans la caricature, la jeune Gabrielle s’empare du corps de son interprète pour rappeler combien la naïveté d’un enfant représente le plus bel enchantement de l’humanité malgré une vie de détresse qui s’en suit bien souvent. Accumulant les accessoires sur le bord de la mer que constitue l’espace scénique, l’actrice met en évidence tout le temps qui passe et l’inspiration utile à la création de son œuvre que lui permet d’acquérir ses expériences de vie. Devant une image aussi onirique, il est difficile de ne pas apprécier le doux son des vagues qui se font subtilement entendre à certains moments pour offrir autant une ambiance agréable que tourmentée. Difficile de ne pas en sortir enchantés.

Que ce soit l’occasion de faire connaissance avec une grande auteure d’ici ou celle d’y découvrir la forme théâtrale de l’œuvre autobiographique de cette dernière, La détresse et l’enchantement demeure un magnifique exemple alliant cohérence et simplicité à faire rêver.

02-03-2018


 
TNM
84, rue Sainte-Catherine Ouest
Billetterie : 514-866-8668 ou en ligne

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