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Rouge
Du 25 février au 21 mars 2020 CERTAINES REPRÉSENTATIONS ANNULÉES - COVID-19

1958. Mark Rothko, peintre américain contemporain de Jackson Pollock, reçoit la plus grande commande d’oeuvre de l’histoire de l’art moderne. Pendant deux ans, il y travaille avec son jeune assistant, qui subira le caractère de ce maître intransigeant jusqu’à ce qu’un jour, il décide de s’affranchir et de l’affronter.

Scénariste de Skyfall, L’aviateur, Gladiateur, entre autres, John Logan a écrit un formidable duel d’acteurs qui met en lumière le rapport complexe du maître et de l’élève, de l’ancien et du nouveau, de l’art et de l’argent. Quand un artiste devient célèbre, est-ce le début de sa fin ?


Texte de John Logan
Traduction Maryse Warda
Mise en scène Olivier Normand
Avec Michel Nadeau et Steven Lee Potvin


Crédits supplémentaires et autres informations

Assistance à la mise en scène : Élizabeth Cordeau Rancourt
Décor : Véronique Bertrand
Costumes : Julie Morel
Lumières ; Elliot Gaudreau
Musique : Nicolas Jobin
Crédit photo Guillaume Simoneau
Conception graphique : Ogilvy

LES MARDIS-RENCONTRES
Chaque mardi de la deuxième semaine de représentations, retrouvez les artistes dès leur sortie de scène pour des discussions conviviales sur le spectacle.

Mardi au samedi 19h30, sauf deux dernier samedis 16h
L'heure de la représentation du 3e mercredi est variable (13h ou 19h30). Consultez www.bordee.qc.ca pour l'horaire à jour

TARIFS
Régulier : 40 $
60 ans et plus* : 35 $
30 ans et moins* : 30 $
Le deuxième samedi de chaque production, la paire de billets est au coût de 28 $ pour les 30 ans et moins.

* Une pièce d’identité sera demandée lors de l’achat et/ou lors de l’entrée en salle.
Les tarifs incluent les frais de service et les taxes.
Fortfaits de groupes disponibles
Possibilité de changer de date jusqu’à 24h d’avis à la billetterie. Des frais de 3 $ par billet s’appliquent.
Aucun remboursement sur les billets.

Une production de La Bordée


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Critique disponible
            
Critique

Si John Logan s’est fait connaître du très grand public grâce à une filmographie spectaculaire – il aura écrit entre 1999 et 2017 plusieurs superproductions, dont Any Given Sunday, Gladiator, The Last Samurai, The Aviator et travaillé sur deux des James Bond les plus appréciés, soit Skyfall et Spectre mettant en vedette Daniel Craig – l’homme sévissait au théâtre depuis le milieu des années 80. Sa pièce Red, créée à Londres en 2009, a remporté le prix Tony de la meilleure pièce dramatique en 2010. Red (Rouge en français, superbement traduite par Maryse Warda) nous entraine dans l’atelier du célèbre peintre américain Mark Rothko, une dizaine d’années avant sa mort. En cette année 1958, cet expressionniste abstrait, qui maintient une vision de l’art assez conservatrice tout en étant significative, a accepté de produire une série de tableaux pour l’un des restaurants les plus chics de New York, le Four Seasons. Ken, son jeune assistant, prendra de l’assurance au cours des deux années au service de l’artiste, questionnant de plus en plus le maître sur ses théories artistiques et ses réelles intentions en rapport à la commercialisation de ses oeuvres.






Crédit photos : Renaud Philippe

Grâce à une exceptionnelle joute verbale entre deux générations d’artistes, entre un maître-employeur et un élève-employé, Logan plonge dans une profonde réflexion sur l’art, de son étude à son appréciation, en passant par le processus de création. Un duel qui prend une forme encore plus fascinante dans cette production de la Bordée, puisque Michel Nadeau (qui foule les planches pour la première fois en 11 ans) a été le professeur de son comparse, Steven Lee Potvin, lors de ses années au Conservatoire. Physiquement près du réel Rothko, lunettes et moustache incluses, Nadeau impressionne encore, incarnant l’artiste à la forte personnalité avec fougue, mais aussi avec beaucoup d’écoute et de sensibilité. Le Ken de Steven Lee Potvin s’inscrit dans son époque : d’abord timide, admiratif, ouvert d’esprit, puis impulsif, il finira par confronter directement son employeur. Ken incarne alors tout autant l’ange que le démon assis sur les épaules du grand Rothko qui, devant ses tableaux rouges, se posent une myriade de questions, inconsciemment ou non.

Grâce à une exceptionnelle joute verbale entre deux générations d’artistes, entre un maître-employeur et un élève-employé, Logan plonge dans une profonde réflexion sur l’art, de son étude à son appréciation, en passant par le processus de création.

L’écriture de Logan est précise, tout comme l’est Rothko lorsqu’il demande à son assistant de lui décrire ce qu’il voit. Et répondre « rouge » n’est certes pas une option. Rothko cherche l’exactitude, l’émotion : « Il y a de la tragédie derrière chaque coup de pinceau ». Si Ken analyse le noir qui envahit les plus récentes toiles peintes comme étant la peur d’être oublié, ou l’absence (Rothko dira : « je ne crains qu’une seule chose dans la vie… un jour le noir va avaler le rouge »), c’est le blanc qui effraie le jeune homme, pour des raisons encore plus effroyables ; un élément de plus qui oppose les deux hommes. La plume de l’auteur américain est aussi très savoureuse, soignée, et chaque fin de scène propose une phrase choc qui happe le spectateur. Après une altercation plutôt solide, Ken demandera s’il est congédié. « Non, répondra Rothko, pour la toute première fois, tu existes ».

Les références artistiques sont légion et entrainent le spectateur dans une spirale parfois étourdissante. Heureusement, quelques pièces maîtresses du discours, dont La conversion de Saul du Caravage, Le studio rouge de Matisse, Le Festin de Belshazzar de Rembrandt et le Campbell’s Soup Cans de Warhol, se voient projetés sur les nombreuses toiles vierges suspendues dans le studio de Rothko. Si les premières projections, plutôt sombres, sont plus difficiles à observer, elles s’éclaircissent durant la seconde moitié de la représentation. Et elles deviennent réellement intéressantes surtout lorsqu’elles nous propulsent dans les années soixante grâce à une superbe mosaïque style pop art très colorée. La musique, importante dans le récit, surtout pour Rothko qui tente de s’approcher de l’idéal Gesamtkunstwerk (ou art total), ajoute une couche supplémentaire à la dualité Rothko-Ken, alternant entre classique et jazz, alors que valsent les vinyles sur le petit tourne-disque du studio.

Olivier Normand signe une mise en scène somme toute classique, mais foncièrement efficace. Il utilise les effets visuels avec parcimonie et beaucoup d'intelligence, où la couleur rouge prend de plus en plus de place. L'un de ces effets est d'ailleurs fort réussi, alors qu'il transforme le public en tableau vivant, lorsque Ken observe l'une des toiles du maître en regardant directement le public éclairé de rouge grâce à de nombreuses ampoules disposées sur tout le cadre de scène.

« Qu’est-ce que tu vois? » répète Rothko tout au long de la pièce, tentant toujours de changer la perspective usuelle de voir et de comprendre la peinture, dans le but de (faire) vivre une expérience artistique plus émotionnelle et investie. Une réflexion qui s’applique aussi au théâtre ; une belle leçon que Logan nous fait, sans être moralisateur, avec ce texte brillant, porté par une distribution et une mise en scène solides.

01-03-2020



La Bordée
315, Saint-Joseph Est
Billetterie : 418-694-9721

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