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Je me soulève
Du 23 avril au 18 mai 2019

Vingt actrices et acteurs et un essaim d’enfants s’emparent de ce matériau magique, brûlant, dangereux: les mots. Et si la poésie attisait ce qu’il y a de plus vivant en nous? Et si nous étions plus libres qu’on veut bien nous le faire croire? Dans une vaste exploration de l’identité en tant que futur commun, armée des présages des poètes de notre temps, c’est toute une foule qui investit la scène pour faire du grabuge, des miracles et des dégâts. Par quoi commence-t-on? Contre tout ce qui nous sépare et nous éteint, comment riposter? Dans un mélange jubilatoire de protestations et de chants sacrés, la poésie se dressera comme un tumulte salvateur pour réparer l’ancien monde et inventer celui à venir.


Texte d'une vingtaine de poètes québecois
Mise en scène Gabrielle Côté et Véronique Côté
Interprétation Olivier Normand, Maxime Beauregard-Martin, Anne-Marie Côté, Alexandrine Warren, Leïla Donabelle Kaze, Sarah Villeneuve-Desjardins, Jean-Philippe Côté, Elkahna Talbi, Ania Luczak-Leblanc, Marc-Antoine Marceau, Mykalle Bielinski, Josué Beaucage, Olivier Arteau, Gabrielle Ferron, Mélissa merlo, Ariel Charest, Gabriel Fournier, Marjorie Audet


Crédits supplémentaires et autres informations

Direction musicale et musique Mykalle Bielinski
Musique Josué Beaucage
Scénographie Marie-Renée Bourget-Harvey
Lumière Christian Fontaine
Assistance à la mise en scène Joée Lachapelle

Costumes Marie McNicoll

Mardis et mercredi 19h30, jeudis au samedis 20h, dimanches à 15h et les deux derniers samedis à 16h

Durée : à venir

Mardi au dimanche
Adulte 52$
Ainés* 46$
Étudiants** 39$

Les taxes sont incluses dans les prix affichés, mais les frais de service en ligne doivent être ajoutés.

Ce projet est l’un des 200 projets exceptionnels soutenus par le programme Nouveau chapitre du Conseil des arts du Canada. Avec cet investissement de 35M$, le Conseil des arts appuie la création et le partage des arts au cœur de nos vies et dans l’ensemble du Canada.

Production Le Trident
En coproduction avec le Théâtre [MO]


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Critique disponible
            
Critique

Montréal avait déjà eu, à plusieurs reprises, ses impétueuses soirées de poésie. Mentionnons le fameux Poésie, sandwich et autres soirs qui penchent, d’abord présenté au FIL, au FTA puis à la Place des Arts, en plus de revoir le concept cette année (Chansons pour filles et garçons perdus, au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui) ; il était plus que temps que Québec emboite le pas avec une création originale. Le Trident clôt sa programmation 2018-2019 avec le fort attendu Je me soulève : alors qu’on anticipait un happening, une fête exubérante de notre langue, le spectacle nous plonge plutôt dans une célébration théâtralisée un peu fou, un peu sage, de poèmes québécois, qui soulève autant l’admiration qu’elle laisse légèrement sur notre appétit.








Crédit photos : Stéphane Bourgeois

À l’instar d’Attentat– spectacle qui avait ravi public et critiques à Montréal comme à Québec – les sœurs metteuses en scène Gabrielle et Véronique Côté offrent cette fois près d’une quarantaine d’extraits de poèmes québécois dans un joyeux maelstrom un brin trop organisé. Divisés en tableaux relativement distincts, les mots d’Hugo Latulippe, de Marie-Andrée Gill et une vingtaine d’autres écrivain.e.s résonnent superbement sur la grande scène Octave-Crémazie, dans des mises en scène statiques ou dynamiques, mettant de l’avant la nature (humaine). Si le jeu théâtral de quelques scènes vient dynamiser certains textes, plusieurs spectateurs pourraient être gênés par cet élan ; les mots frappent parfois plus fort quand ils prennent toute la place, sans flafla. Par exemple, si l’idée d’une mêlée de presse aux questions fort pertinentes et idéologiques s’avère excellente, l’on retiendra pourtant davantage la boue que lance la politicienne aux journalistes que les questions posées.

Même si chaque poème saura toucher l’un ou l’autre des spectateurs pour des raisons bien personnelles, quelques œuvres se démarquent : notons le superbe Filles et fils de, texte inédit d’Elkahna Talbi ; le crasseux et poignant Boulevard Hamel de Marie-Hélène Voyer ; l’exaltant La brigade de Marjolaine Beauchamp (rarement on aura entendu fuck you de manière aussi harmonieuse) ou encore le mignon Je te lègue de Dany Boudreault. Les paroles de certaines chansons s’immiscent dans le spectacle : celles de Jean Leloup, de Jean-Loup Dabadie ou de Richard Desjardins qui voit tout le texte de sa mythique pièce Les Yankees jaillir, prendre racine et vivre sur scène ; un tableau de style courte forme frôlant la perfection.

Je me soulève s’avère un hymne au féminisme, une ode à la résistance, à la désobéissance, à l’amour, au « nous ». Un regard-collage très actuel sur les dérives environnementales et individuelles.

Avant le début du spectacle, devant un immense rideau blanc mettant en lumière une citation du poème Un bon matin d’Hugo Latulippe, un sac de plastique tournoie, piégé par près d’une dizaine de ventilateurs qui soufflent vers lui. Sa danse crée une certaine poésie visuelle, qui s’enrichit avec l’arrivée des interprètes qui lancent d’autres sacs. L’idée n’est malheureusement pas nouvelle : la compagnie Non Nova avait fouillé le concept dans L’Après-midi d’un foehn – version 1, et ce, d’une manière encore plus poétique. Néanmoins, lorsqu’un couple, au milieu de ce vortex de déchets, se déclare violemment son amour, l’image est surprenante. Plusieurs autres images (plus ou moins) choc viendront frapper l'imaginaire, dont une traversée en canot (porté à bout de bras par quatre porteurs) dans lequel se tient debout, impérieusement, Leïla Donabelle Kaze. Il y a aussi cette file de gens ordinaires, attendant l’autobus, qui semble se muer en tableau de Léonard de Vinci, ou encore ce doux moment entre Maxime Beauregard-Martin qui lègue la curiosité sous forme de ballons à une jeune fille. Car en plus des 18 interprètes – tous admirablement justes – viennent courir, jouer et s’accrocher aux corps 16 enfants de tous âges, couleurs et grandeurs. Notons d’ailleurs une certaine diversité dans la distribution, non pas seulement de nationalités, mais aussi de langues, avec la Polonaise Ania Luczak-Leblanc, au français légèrement cassé, mais ô combien rafraichissant. Si la première apparition des enfants s’avère relativement clichée, créant une certaine crainte pour le reste du spectacle, leur présence gagne en pertinence intellectuelle et émotionnelle au fur et à mesure de la représentation.

Le spectacle n’est pas dénué d’humour, même si les rires arrivent un peu tard au cours de la représentation, grâce à un tableau hilarant signé Olivier Normand qui démontre avec ironie et une certaine acuité le « combat » d’une personne se levant un lundi matin, tentant simplement de déjeuner. Ensuite, la lecture d’extraits de catalogues d’IKEA (idée originale de Gabrielle Ferron), rappelant au passage avec cynisme l’ouverture du mégamagasin en 2018, fait largement sourire, tout comme une partie du célèbre jeu du téléphone arabe qu’on aurait bien aimé plus improvisée qu'interprétée.

De l’espace nu – les coulisses n’existent même pas – aux rideaux blancs sur lesquels sont imprimées des citations, toute la scénographie (Marie-Renée Bourget Harvey) joue un rôle très « frontal » dans ce spectacle qu’on a voulu percutant. À l’arrière-scène, sur une passerelle installée en hauteur, s’activent les talentueux musiciens Mykalle Bielinski et Josué Beaucage. Derrière leurs consoles et leurs instruments respectifs, ils imposent leur signature musicale distinctive dans l’une ou l’autre des compositions originales ou remixées (souvent accrocheuses), folk ou l’électro, donnant le tempo, créant l’ambiance parfaite ou insufflant un rythme particulier et bienvenu à chaque tableau.

Je me soulève s’avère un hymne au féminisme, une ode à la résistance, à la désobéissance, à l’amour, au « nous ». Un regard-collage très actuel sur les dérives environnementales et individuelles. Et si le spectacle peut aider un tant soit peu à faire en sorte de ne plus jamais entendre qu’il « faut de l’audace et du courage » pour monter sur scène la poésie contemporaine, ce sera déjà un accomplissement majeur.

26-04-2019


 

Théâtre du Trident
269, boul. René-Lévesque Est
Billetterie : 418-643-8131 - 1-877-643-8131

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