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Five Kings - L'histoire de notre chute
Du 12 septembre au 7 octobre 2017

Ils sont cinq, ils se succèdent, se détestent, s’aiment, se trahissent et sont du même sang. Ils proviennent du fond des âges et, pourtant, ils sont d’aujourd’hui. Ils passent leur vie à attendre d’être au sommet et sitôt la montagne gravie, leur chute s’amorce. Autour d’eux, leurs alliés et leurs conspirateurs. Au-dessus d’eux, les femmes, à la fois souveraines et victimes, broyées par les mâchoires de l’Histoire en marche, se défendant corps et âme pour ne pas que tout sombre. Five Kings est une expérience théâtrale d’envergure, une immersion dans le grand mécanisme des joutes de pouvoir qui font notre monde. Une relecture des rois shakespeariens à travers le prisme des cinq dernières décennies de notre époque; depuis l’explosion des valeurs familiales des années 60 jusqu’à l’ascension actuelle de l’individualisme.

Une épopée fascinante qui dévoile l’ambition brûlante des dictateurs.


Texte Olivier Kemeid d’après les pièces de Shakespeare Richard II, Henri IV, Henri V, Henri VI et Richard III
Direction artistique Patrice Dubois
Mise en scène Frédéric Dubois
Interprétation Olivier Coyette, Jean-Michel Déry, Patrice Dubois, Hugues Frenette, Jonathan Gagnon, Louise Laprade, Marie-Laurence Moreau, Étienne Pilon, Jack Robitaille, Isabelle Roy, Emmanuel Schwartz, Alexandrine Warren, Alex Desmarais


Crédits supplémentaires et autres informations

Son : Nicolas Basque, Philippe Brault
Accessoires : Fanny Denault
Costumes : Romain Fabre
Maquillages et perruques : Sylvie Rolland Provost
Conception vidéo : Silent Partners
Assistance à la lumière et environnement sonore Marie-Aube St-Amant-Duplessis

Mardis et mercredi 19h30, jeudis au samedis 20h, certaines matinées à 15h e 16h le samedi ou le dimanche

Une version de 4h a été présentée au public de l'Espace Go du 20 octobre au 8 novembre 2015 - voir notre critique

Durée : à venir

Avant-premières Mardi au dimanche
Adulte 40$ 45$
Ainés* 35$ 40$
Étudiants** 25$ 35$

Les taxes sont incluses dans les prix affichés, mais les frais de service (variant de 4 $ à 5,50 $ par billet) doivent être ajoutés.

Une production du Théâtre des Fonds de Tiroirs, Théâtre PàP et de Trois Tristes Tigres en coproduction avec le Théâtre du Trident, le Théâtre français du CNA et le Théâtre de Poche


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Critique disponible
            
Critique

autre critique disponible, publiée lors de la création

Le Trident ouvre sa saison 2017-2018 avec Five Kings — L’histoire de notre chute, une proposition théâtrale dense, souvent captivante et relativement audacieuse. Le texte d’Olivier Kemeid, qui se base très librement sur les pièces shakespeariennes Richard II, Henry IV, Henry V, Henri VI et Richard III, propose la terrifiante histoire de trois familles, les Plantagenêt, les Lancaster et les York, qui se déchirent le pouvoir d’un pays conquis, et ce, sur près de cinq générations. Créée à Espace GO, à Montréal, en 2015 (voir lien plus haut pour la critique), la pièce durait alors 4 h ; la présente proposition se voit raccourcie à 3 h 20 avec entracte, mais conserve néanmoins certaines longueurs, notamment dues au ton emprunté pour chaque chapitre.






Crédit photos : Stéphane Bourgeois

Car la mise en scène de Five Kings, mené par un inspiré Frédéric Dubois, s’avère, d’une certaine manière, évolutive, et fait feu de tout bois, pour le meilleur et pour le pire. Tout d’abord, l’action est amenée entre 1965 et 2017, officieusement sous cinq titres, dans l’ordre : le temps des pères, des poètes, des héros, des barbares et des bouffons. Les protagonistes — les Richard, Edmond, Aumerle, Henry, Harry, Percy, Édouard, George, Cécile, etc. — ont des résonnances contemporaines parfois évidentes, ou plus mystérieuses. Ici, la robe rose rappelle une Jackie Kennedy. Là, on peut déceler très vaguement des traits d'un Hollande, d'un Trump, d'un Trudeau. Là encore, le jeans évoque la libération de la jeunesse des années 70. Les costumes de Romain Fabre, sobres, mais efficaces, collent parfaitement aux époques évoquées.

Chaque chapitre se concentre sur un « roi » et une époque bien distincte. Il y a d’abord les années 60 et Richard II, superbement défendu par Étienne Pilon. La mise en scène se veut frontale, presque rigide, ou muséale : les personnages s’adressent en faux apartés au public et aux autres protagonistes, en ne bougeant que très peu, avec le regard toujours porté vers la salle. Ils avancent à pas menus sur une scène légèrement en pente ; on est dans la tragédie pure et simple. La proposition aurait pu être austère, mais elle est portée avec beaucoup de tension par les comédiens sur scène. Puis, viennent les années 70 avec Henry, interprété par Olivier Coyette, plus convaincant ici que lors de la première partie, durant laquelle il semble désincarné, ne jouant pas à la même intensité que ses collègues. Avec l’arrivée du fils Harry (Alex Bergeron), de Falstaff (spectaculaire Jack Robitaille) et du révolutionnaire Percy (incandescent Jean-Michel Déry), on change radicalement de registre. On se retrouve dans les bas-fonds de la ville, à l’intérieur d’un bar éclairé aux néons de couleur. La langue emprunte des accents québécois, créant une dichotomie surprenante, mais pas nécessairement à l’avantage de la pièce : l’affrontement entre le père, au parlé plus normatif, et du fils, beaucoup plus relâché, donne davantage dans la comédie que le drame, bien malgré lui. Alors que la scénographie ne tournait autour que d'une chaise, elle se veut de plus en plus élaborée ; la projection vidéo fait son entrée, mais sera utilisée à son plein potentiel seulement lors de la dernière partie.

Septembre 90, Harry, devenu chef, reçoit des balles de golf (!) de la tribu ancestrale du pays : pour lui, c’est une déclaration de guerre. Il propose une « guerre préventive » ; les thèmes du terrorisme et du soulèvement populaire s’élèvent. Août 2002, Cécile, fille d’Aumerle York, fomente un complot pour se retrouver à la tête du pays et mettre ses quatre fils au pouvoir. Vengeance, rétablissement des droits acquis et de l’honneur, « défense » des « valeurs et de la langue » : les têtes dirigeantes s’embrasent, la xénophobie s’accentue. Olivier Kemeid sait décrire avec justesse les soulèvements, la répression, les manipulations du pouvoir. Les bouffons entrent en scène, les différences de tons sont de plus en plus marquées : certains dialogues, exagérés, semblent venir tout droit de sitcoms mal joués, surtout entre Edouard (Hugues Frenette) et sa « belle », Elisabeth Grey (Alexandrine Warren qui incarne avec justesse et humour la blondasse de service).

Puis, septembre 2017, c’est la décadence, la débandade : l’image prône. Le chapitre est découpé en quelques épisodes de type telenovela, avec répétitions du générique. Quelques échos à la politique québécoise font mouche (« je veux nous sortir du cynisme ambiant », déclare le difforme Richard York, dit Richard III (Patrice Dubois)), pour se terminer comme tout a commencé, dans le sang. L’arbre généalogique politique est enfin déraciné.

On ne peut que saluer le travail abattu par l’équipe de création, dans la continuité de celui entamé par Orson Welles durant les années 30, puis le reste de sa vie, notamment au travers un collage démesuré, présenté sur scène (un échec, selon ce qu’on en dit), et un film, Chimes At Midnight (ou Falstaff en français). Five Kings se veut une fresque familiale épique, de membres qui s’aiment, se détestent, se déchirent, s’entretuent, au nom de quelque chose qui finit par leur échapper. Si les rois sont ici des hommes, il faut tout de même souligner l'apport important des personnages féminins dans l'histoire, qui sont, pour certaines d'entre elles, le moteur des désirs masculins, interprétées par Louise Laprade, Marie-Laurence Moreau, Alexandrine Warren et Isabelle Roy.

L’une des grandes qualités du spectacle, mis à part son universalité très shakespearienne, demeure sa profonde limpidité : l’histoire se concentre sur les protagonistes importants, simplifiant le plus possible leurs liens et la trame narrative autour d'eux. Five Kings devient ainsi une réflexion spectaculaire et atroce, soit, mais poétique, sur les idéologies, le pouvoir, les dirigeants et ceux et celles qui les laissent faire à leur guise — nous. Malgré les différents registres qui s’entrecroisent, un élément qui pourrait créer, chez certains spectateurs, une réaction de distanciation, décrochant ainsi du récit ou des émotions que la mise en scène désire véhiculer, la pièce et ses nombreux personnages fascinent véritablement.

15-09-2017


 


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Billetterie : 418-643-8131 - 1-877-643-8131

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