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Amadeus
Du 24 avril au 19 mai 2018

Nous sommes à Vienne en 1781, le compositeur Salieri jouit de la faveur de l’Empereur. Mais un jeune prodige insolent du nom de Wolfgang Amadeus Mozart parcourt l’Europe et fait irruption à la cour. Précédé d’une flatteuse réputation, Mozart est en voie de devenir le plus grand compositeur du siècle. Face à un tel talent, Antonio Salieri devient dévoré par la jalousie. Qu'une musique aussi belle puisse émaner d'un être aussi vulgaire lui apparaît comme l'un des tours les plus cruels de Dieu. Comprenant la menace que représente le jeune Mozart, il tente de l’évincer tout en essayant de décortiquer son génie exceptionnel.

Amadeus demeure une pièce forte en émotion, drôle, cruelle, haletante, qui parle d’indulgence, de jalousie, et nous montre à quel point l’être humain est capable du meilleur comme du pire.

Une oeuvre mythique à l’image du compositeur qui l’a inspirée.


Texte Peter Shaffer
Traduction Pol Quentin
Mise en scène Alexandre Fecteau
Interprétation Bertrand Alain, Roxanne Bédard, Nancy Bernier, Israël Gamache, Marie Gignac, Pierre-Olivier Grondin, Jacques Leblanc, Véronika Makdissi Warren, Mary-Lee Picknell, Lucien Ratio, Réjean Vallée


Crédits supplémentaires et autres informations

Scénographie Michel Gauthier
Costumes Kate Lecours
Assistance à la mise en scène Elizabeth Cordeau Rancourt
Direction musicale Anne-Marie Bernard
Les chanteurs : Marie-Andrée Mathieu (mezzo-soprano), Keven Geddes (ténor), Jonathan Bédard (baryton), Roxanne Bédard (soprano)
Quintette : Alexandre Sauvaire (violon), Jean-Michel Marois (violon), Rachel Baillargeon (violoncelle), Karina Laliberté (alto) et Anne-Marie Bernard (piano)
Arrangements Jean-François Gagné

Mardis et mercredi 19h30, jeudis au samedis 20h, certaines matinées à 15h e 16h le samedi ou le dimanche

Durée : à venir

Avant-premières Mardi au dimanche
Adulte   52$
Ainés*   46$
35 ans et -   52$
Étudiants**   39$

Les taxes sont incluses dans les prix affichés, mais les frais de service (variant de 4 $ à 5,50 $ par billet) doivent être ajoutés.

Production Le Trident


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Critique disponible
            
Critique







Crédit photos : Stéphane Bourgeois

Pour clore sa saison, le Trident convie les spectateurs à l’une sinon la plus audacieuse des productions de Québec des derniers mois (près de 20 acteurs et musiciens sur scène!), soit la relecture de la pièce Amadeus de l’Anglais Peter Shaffer par Alexandre Fecteau (Les fées ont soif, Hôtel-Dieu). Pour la petite histoire, Shaffer s’était inspiré d’une pièce en un acte de l’auteur russe Pouchkine qui décrivait la rivalité fictive de deux grands créateurs bien réels de leur époque, Antonio Salieri et Wolfgang Amadeus Mozart.

Plusieurs connaissent le film oscarisé des années 80, moins de gens ont pu voir la pièce ; les deux oeuvres sont, comme le mentionne le metteur en scène dans le programme, deux entités plutôt distinctes. Fecteau a voulu ici réfléchir sur le concept de génie, sur le sort de ces gens souvent incompris, puis consacrés post-mortem ; sur l’épanouissement, les iniquités ou les injustices qu’ont vécu les deux hommes. Sur leur soif de rédemption, d’adoration, de gloire : si l’un priait Dieu, l’autre ne composait que pour son père. Il s’est ensuite posé, semble-t-il, une autre question : est-ce qu’un génie peut être transposé à toutes les époques sans que celui-ci ne soit altéré ?

Alexandre Fecteau déplace donc ses personnages près de deux cents ans après les faits, soit au cœur des dernières décennies, dans un espace-temps fantasmé. Les rumeurs de cour font place aux tweets et aux textos ; le fauteuil roulant de Salieri, en fin de vie, se transforme en marchette moderne ; les communications traditionnelles (bouche-à-oreille, lettres), en appels téléphoniques. On se permet même un clin d’œil peu subtil à la guerre Mac vs PC, qui feront passablement rire les plus geeks de la salle. Même si le tout fonctionne, une question demeure : après avoir prouvé l’intemporalité du génie, que fait-on ? Tout en appréciant les effets d’un tel choix (dehors, les perruques bouclées, les costumes poussiéreux), on peut tout de même s’interroger sur la pertinence finale de ce choix.

Si les Bertrand Alain (complice Rosenberg), Marie Gignac (un Van Swieten davantage figé qu’expressif), Réjean Vallée (en Empereur Joseph II), Mary-Lee Picknell (Constanze, femme de Mozart, tout aussi amoureuse, dévouée que dévergondée), ainsi que Nancy Bernier (Strack), Israël Gamache, Véronika Makdissi-Warren et Lucien Ratio (en « venticelli », et autres personnages), c’est au sommet que nos regards se posent. Encore une fois, Jacques Leblanc embrasse, évoque, donne littéralement vie à ce « fameux, sinon infâme » Salieri dans une brillante performance d’acteur. On ressent toute la ferveur et la jalousie envers le jeune Mozart, qui le rongent, s’extasiant devant chaque note de l’Allemand tout en faisant au pire pour le faire tomber. La magnifique traduction de Pol Quentin (exécutée pour Roman Polanski au début des années 80), permet à Salieri, entre autres, de s’exprimer si élégamment sur le travail de Mozart qu’on ne peut, paradoxalement, qu’apprécier encore plus celui-ci. Face à lui, le comédien qui allait donner ses traits à Mozart se devait d’être solide, flamboyant : Pierre-Olivier Grondin relève le défi. Cabotin, présomptueux, au rire d’âne, mais toujours à la recherche de grandeur et de pureté dans la mélodie, même s’il avoue à plusieurs reprises que « la musique, c’est facile », ce Mozart au destin funeste ne peut que fasciner. Les deux comédiens s’exécuteront même sur le clavier d’une réplique de clavecin, appliquant ainsi une couche de réalisme supplémentaire sur le vernis de la représentation.

À l’instar de la poésie, la musique, comme le dit l’adage, « ne s’explique pas, elle se vit » ; le jeune metteur en scène propose donc, avec cet Amadeus, une expérience sensorielle plutôt complète. D’abord, grâce à la composition visuelle magnifique, signée Michel Gauthier, rappelant certains effets contemporains muséaux (des panneaux blancs amovibles, arborant la signature des deux hommes), tout en noir et blanc, avec quelques touches de rouge (la royauté, le vice), par l’entremise, entre autres, d’un beau fauteuil « Egg Pod », et Jean-François Labbé aux éclairages, qui met, ici, en lumière le public quand on l’invoque, et garde, là, dans l’ombre, certains bouts de monologues.

Ensuite, par les costumes de Kate Lecours qui emprunte un peu partout : alors que le premier acte démontre une certaine extravagance (jusqu’à transformer Constanze en une Cindy Lauper en puissance), sauf pour ce cher Salieri, de brun et de beige vêtu, le deuxième acte s’assagit, pour renverser la balance et permettre au vieux maître de briller, grâce à un complet totalement doré, exhibant à la face du monde sa gloire montante face à un Mozart qui n’arrive pas à s’élever.

Finalement, par la présence d’un quatuor à cordes (Rachel Baillargeon au violoncelle, Karina Laliberté à l’alto, Alexandre Sauviaire et Jean-Michel Marois au violon), d’une pianiste (Anne-Marie Bernard, aussi à la direction musicale) et de chanteurs.euses, dont Marie-Andrée Mathieu (mezzo-soprano), Keven Geddes (ténor), Jonathan Bédard (baryton) et Roxanne Bédard (soprano), qui joue aussi Katerine Cavalieri, élève et maitresse de Salieri. Le talent est certain, l’immersion musicale est sublime : certains des airs les plus connus de Mozart enchantent (encore et toujours), les extraits d’opéras (Le mariage de Figaro, Don Giovanni…) divertissent et la soprano nous permet d’apprécier et de savourer pleinement chaque note cristalline de la partition si précise de l’aria de la Reine de la nuit du second acte de la célèbre Flûte enchantée (opéra que Robert Lepage présentera d’ailleurs, cet été, au Festival d'opéra de Québec).

Si la durée (près de 3 heures) peut rebuter le plus enthousiaste des spectateurs, cette version décalée, mais gentille, d’Amadeus ne peut que plaire, voire séduire son auditoire.

27-04-2018


 

Théâtre du Trident
269, boul. René-Lévesque Est
Billetterie : 418-643-8131 - 1-877-643-8131

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