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Festival TransAmériques - Du 5 au 7 juin 2016, 21h
multiform(s)
Danse
Un spectacle de Amanda Acorn
Chorégraphie Amanda Acorn
Cocréation et interprétation Amanda Acorn, Jonathan Adjemian – Hoover Party, Meryem Alaoui, Ellen Furey, Jolyane Langlois, Germaine Liu, Ann Trépanier

Cinq corps pulsent, se balancent et ondulent. Une musique envoûtante électrise les danseuses. Machine infernale ou tempête sensorielle, multiform(s) puise dans l’inlassable force de vie, l’inépuisable énergie de mouvements répétés à l’infini. L’artiste torontoise Amanda Acorn captive par sa poésie brute, son univers magnétique hors du commun qui confirme son statut de figure montante de la scène contemporaine.

Est-ce un seul et même cœur qui bat, un mécanisme géant ou un rêve océanique ? Exigeant une véritable immersion du spectateur qui surplombe et entoure une arène, multiform(s) hypnotise. Tableau mouvant et vibrant inspiré des pigments vifs des toiles de Mark Rothko, la performance transporte dans un état second, fascine et ensorcèle. Hors du temps, hors du réel, Acorn réussit, par un subtil et complexe dialogue des corps, à créer un moment d’une rare beauté. Un voyage des sens, un pur plaisir d’abstraction.

Amanda Acorn (Toronto)

Interprète et chorégraphe originaire de Calgary, Amanda Acorn vit à Toronto où elle a collaboré entre autres en tant qu’artiste à la compagnie Dancemakers pendant quatre saisons.

Après plusieurs projets de création collectifs, elle présente la première du solo you/me/us(prologue) à Dancemakers en 2013. Elle y explore les notions d’intimité, de participation et la relation changeante avec le spectateur. Puis, elle crée le solo multiform pour la scène en 2014, qui sera ensuite développé en une pièce pour cinq danseuses et deux musiciens. Présentée en première au festival SummerWorks en 2015, la nouvelle version y reçoit le Prix de la meilleure mise en scène et connaît un vif succès auprès de la critique.

Nouvelle voix prometteuse de la danse contemporaine canadienne, Amanda Acorn s’intéresse au dialogue entre les corps : celui du spectateur et du performeur, comme ceux des danseurs entre eux. Ses œuvres sensorielles et intimes investissent des espaces conventionnels et non conventionnels et font preuve d’une grande rigueur qui captive l’attention. Dans une forme répétitive et hypnotique, multiform(s) est la première création pour plusieurs danseurs d’Acorn, une œuvre étonnante et marquante qui laisse présager un bel avenir à l’artiste.


Section vidéo


Composition et performance sonore Jonathan Adjemian – Hoover Party, Germaine Liu
Costumes Sarah Doucet
Lumières Paul Chambers
Direction des répétitions Kate Nankervis
Photo Yuula Benivolski

Durée : 1 h

Tarif 25 $ à 30 $

6 juin, rencontre après la représentation

Création au Summerworks Festival, Toronto, le 6 août 2015

Création avec le soutien de Dancemakers – Centre for Creation (Toronto)

amandaacorn.com


FTAEspace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : En ligne : fta.ca
Par téléphone 514 844 3822 / 1 866 984 3822
En personne :
La Vitrine, billetterie officielle du FTA* - 2, rue Sainte-Catherine Est (métro Saint-Laurent)
*En personne, les billets pour les spectacles présentés à la Place des Arts ne sont pas en vente à La Vitrine, mais exclusivement à la PDA.

 
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Critique

En ce dimanche nuageux entre deux averses de pluie, c’est au tour de l’interprète et chorégraphe Amanda Acorn de venir fouler les planches du FTA avec multiform(s). Sur le plateau de l’Espace Libre, sa proposition artistique, à la fois singulière et représentative de certains courants actuels de la danse contemporaine, comporte de fort bons moments.


Crédit photo : Yuula Benivolski

Née en l’Alberta, l’artiste désormais résidente de Toronto a présenté pour une première fois une version solo de cette œuvre dans un festival de sa province d’origine. Dans cette transposition fta-esque pour cinq interprètes féminines, elle s'interroge sur les résonnances du travail en groupe, tout comme sur la pertinence de la représentation scénique dans toute son essence et ses ramifications. 

Pendant un peu moins d’une heure, nous faisons connaissance en quelque sorte avec cinq corps féminins, déjà en place au moment où les spectatrices et spectateurs entrent à tour de rôle dans une salle où les sièges sont repartis sur quatre côtés. Cette disposition donne une atmosphère de combat de lutte, avec une scène légèrement plus basse, comme si la représentation devenait également un prétexte à une épreuve d’endurance. La musique joue en boucle, à la fois angoissante et exaspérante, comme un long cri tonitruant qui déchire une nuit aux apparences tranquilles. Les éclairages de Paul Chambers baignent la scène dans des teintes de couleur rose saumâtre. Cette ambiance onirique tire son inspiration des toiles du peintre Mark Rothko (dont la vie a été traitée dans la très bonne pièce Rouge, déjà présentée au Théâtre du Rideau Vert) qui puisent dans les sujets de nature et d’urbanité, avec une touche nietzschéenne. Les cinq danseuses, aucunement déconcentrées par le va-et-vient des pas qui défilent autour d’elles, exécutent d’abord une répétition de mouvements qui s’apparentent à ceux des réchauffements (tortillement du bassin ou étirement des jambes par exemple). Tout au long du spectacle, jamais leurs regards ne croisent le nôtre, leurs gestes se trouvent absorbés dans leurs bulles personnelles, et par la suite, collectives.     

La production prend le temps, mais pas trop, d’installer un climat propice à sa démonstration d’un monde où les désirs tentent de s’extirper des cadres rigides. Elle atteint un premier instant de beauté lorsque les interprètes amorcent une série de gestes chorégraphiques avec synchronisme. En harmonie les unes avec les autres, celles-ci semblent enfin communiquer entre elles après un travail qui semblait les confiner dans leur monde solitaire. Une création québécoise de la présente édition du FTA, Fin de série de la chorégraphe Manon Oligny et de l’essayiste Martine Delvaux, traitait des dangers de l’uniformisation des identités féminines par la société consumériste. Dans cet esprit, il est rafraichissant de voir ici une démarche comme celle d’Acorn où les personnalités artistiques, autant dans les costumes de Sarah Doucet que les apparences physiques, gardent leurs particularités et leurs différences. Ses interprètes réussissent ainsi à concevoir leurs échanges comme un chœur aux pulsions intuitives. Sans une parole énoncée, elles parviennent tout de même à interpeller l’auditoire avec un propos sur une civilisation où les contacts entre les êtres humains deviennent plus complexes à établir.


Crédit photo : Yuula Benivolski

Si la trame sonore semble à priori farouche à nos oreilles, par ses accents de musique bruitiste communément connus sous le nom anglais de noise, elle évolue agréablement au fur et à mesure de la soirée, tout en gardant ses couleurs inquiétantes. Ses concepteurs Jonathan Adjemian – Hoover Party et Germaine Liu participent en chair et en os à l’aventure. Cette dernière se promène devant les gens avec plateau circulaire entre ses mains, où elle s’amuse à faire tourner de petites billes bleues. Par la suite, elle dépose dans un grand bol d’eau des petits éléments percussifs sur lesquelles elle tape avec des bâtons. Ces interventions donnent du relief à l’expérience sensorielle par leur approche plus expérimentale, près du domaine de la musique électroacoustique.

L’autre séquence forte arrive vers la fin, peu avant d’éteindre les lumières. Le quintette de danseuses cesse subitement leurs séries de gestes, en communion les unes avec les autres. De telles étincelles, où l’ensemble dépasse l’accumulation des parties séparées, donnent d’agréables chocs au public et ajoutent des couches plurielles à ces multiform(s). Le résultat donne le goût de revoir dans un avenir rapproché Amanda Acorn et sa troupe dans la métropole.        

06-06-2016