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Festival TransAmériques - 23 mai 2015, 7h, en continu
Tout Artaud ?!
Performance + création
Un spectacle de Christian Lapointe et de Recto-Verso
Textes Antonin Artaud
Concept et interprétation Christian Lapointe

Sur le plateau : Christian Lapointe, les 28 volumes qui constituent l’œuvre complète du mythique Antonin Artaud et le strict nécessaire pour lire et (sur)vivre. Parce que l’acteur et metteur en scène entreprendra la lecture à haute voix des écrits du poète en continu, le jour comme la nuit, sans s’arrêter, jusqu’à l’épuisement. Avec l’électrisante possibilité de fracasser le record mondial de lecture en continu — 113 heures et 15 minutes. 

Artaud, le prophète d’un théâtre tendu vers l’impossible, que Christian Lapointe prend au mot en se faisant « athlète affectif » : un acteur qui « rejette les limitations habituelles de l’homme ». Car Artaud, dans une langue hallucinée, appelle un théâtre de la cruauté cosmique, un théâtre de la transe qui s’adresse directement aux nerfs, un théâtre pour accéder, par une poésie sauvage, aux mystérieuses puissances sacrées qui animent l’univers. Christian Lapointe, être entier, artiste total, se lancera à corps perdu dans ce singulier rite initiatique : une prouesse démesurée pour accéder à la fulgurance de la pensée d’Artaud — ultime acte artaudien, s’il en est un. 

Accéder par la chair à la pensée d'Artaud 
Le singulier parcours de Christian Lapointe, amorcé en 2001 par Le chien de Culann d’après William Butler Yeats, se distingue dès le début par une théâtralité atypique et une énonciation du texte fondée sur un déploiement du sens plutôt qu’une mimêsis de la parole quotidienne. S’intéressant d’abord aux symbolistes — Yeats au premier chef, mais aussi Villiers de l’Isle-Adam dont il met en scène l’injouable Axël (2006) —, Christian Lapointe a par la suite progressivement orienté sa recherche vers une mise sous tension de la part de réel qu’exige au théâtre tout acte de représentation. En témoignent des spectacles comme Vu d’ici (2008), d’après le roman de Mathieu Arsenault, Sepsis  (2012), L’enfant matière (2012) de Larry Tremblay et Oxygène d’Ivan Viripaïev, Prix de la critique pour la saison 2013-2014. Il est fondateur du Théâtre Péril, créateur associé à Recto-Verso depuis 2011 et a été nommé en 2013 codirecteur artistique du Théâtre Blanc, à Québec. Le FTA a présenté de lui CHS en 2007 ainsi qu’Outrage au public et L’homme atlantique (et La maladie de la mort) en 2013.

Créé en 1984 et établi depuis plus de vingt ans dans la ville de Québec, l’organisme Recto-Verso produit et diffuse des œuvres expérimentales qui fusionnent pratiques, langages et procédés technologiques. L’organisme présente chaque année à Québec un festival international d'arts multidisciplinaires et électroniques intitulé le Mois multi. Depuis 2011, le comité de direction artistique de Recto-Verso est constitué de Daniel Danis, Christian Lapointe et Line Nault.


Section vidéo


Rédaction  Paul Lefebvre
Crédit photo Sylvio Arriola

Création au Festival TransAmériques, Montréal, à partir du 23 mai 2015

Durée : en continu

Entrée libre apportez des fleurs

FILMS
- En compagnie d'Antonin Artaud
Mercredi 6 mai 2015, 19h
Cinémathèque québécoise
335, Boulevard de Maisonneuve Est
France, Gérard Mordillat + Jérôme Prieur, 1993, 90 min, V. O. FR.
Après neuf ans d'internement, Antonin Artaud quitte l'établissement d’aliénés de Rodez pour rentrer à Paris. Il s’y lie d’amitié avec le jeune poète Jacques Prevel, qui l’accompagnera les deux dernières années de sa vie, consignant dans ses carnets leurs pérégrinations illuminées.

- La véritable histoire d'Artaud le momo
Dimanche 10 mai 2015, 17h
Cinémathèque québécoise
335, Boulevard de Maisonneuve Est
France, Gérard Mordillat + Jérôme Prieur, 1993, 170 min, V. O. FR.
En mai 1946, un petit groupe de fidèles obtient qu’Antonin Artaud sorte définitivement de l’asile. Près d'un demi-siècle plus tard, ses plus proches amis font revivre l’être d'exception et artiste de génie qui a bouleversé leur vie.

Codiffusion Théâtre La Chapelle
Présentation en collaboration avec la librairie Gallimard de Montréal en soutien à la Fondation pour l'alphabétisation


Communiqué

source : FTA


Crédit photo : Sandrick Mathurin

La folle aventure TOUT ARTAUD?! de Christian Lapointe s'est terminée au Théâtre La Chapelle en plein coeur de la nuit du 25 au 26 mai à 2h45 am, après 2 jours, 19 heures, 45 minutes, 2528 pages lues, 57 heures et 36 minutes de lecture, 3h20min de sommeil et 6h49 de pauses diverses.

Sa dernière phrase, tirée du tome 11 de la lettre à Jean Paulhan écrite le 10 janvier 1945 de Rodez, aura été : "Je suis à vous du fond du coeur."

Merci aux 1611 spectateurs du Festival TransAmériques qui ont déposé une fleur, signé le registre et fait un don à la Fondation pour l'alphabétisation depuis le début de l'événement le 23 mai à 7h.

Joignez la page Facebook de l'événement.

#ToutArtaud
#FTA2015

 


FTALa Chapelle
3700, rue Saint-Dominique
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est

 
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 Critique
Critique

par Sara Thibault

Le mandat que Christian Lapointe s’était donné était ambitieux : lire en continu les 28 volumes des œuvres complètes d’Antonin Artaud.

C’est à 7h, le matin du 23 mai, que Lapointe faisait son entrée dans l’univers de l’écrivain et poète français. Avec une fleur comme billet, les spectateurs étaient invités à pénétrer à La Chapelle à toute heure du jour ou de la nuit pour assister à cette performance mystique.

Christian Lapointe a commencé sa lecture de manière mécanique, comme s’il s’adonnait à un réchauffement qui le préparerait à faire face à l’exercice de longue haleine qui l’attendait. Avec un objectif de 68 pages à l’heure, Lapointe cherchait à maintenir un débit rapide, mais intelligible. Son but était non seulement de parcourir l’œuvre d’Artaud, mais d’en faire découvrir la profondeur poétique et philosophique. Il avait pour seuls accessoires un fauteuil jaune – vestige de la pièce Vu d’ici, mise en scène par Lapointe à l’hiver 2012 – et une toilette. Se sont rajoutés au fil des heures un bac de recyclage, un cône de construction orange et des centaines de fleurs de toutes sortes : des lilas, du muguet, des roses, mais aussi des fleurs en papier et en plastique.

L’entreprise de Lapointe inscrivait un rapport très particulier au temps. Même si les secondes qui passaient étaient froidement indiquées sur un écran fixé au haut de la scène, on aurait dit que le temps était aboli dans la salle. Hypnotisés par la voix de l’acteur, les spectateurs pouvaient passer des heures à l’écouter, restant parfois la journée entière à boire les paroles d’Artaud. Pendant que François Bugingo était pris dans un scandale de faux reportages et qu’une commission d’enquête spéciale se penchait sur la mort du jeune garçon heurté par une voiture de police, Christian Lapointe continuait sa lecture, complètement coupé du monde. Cette posture rappelait fortement la période d’internement d’Artaud, durant laquelle il a rédigé la majorité de ses écrits.

C’est dans la nuit du 25 au 26 mai que Christian Lapointe a mis un terme à son projet ou, pour reprendre ses mots, que « ça a arrêté ». Après avoir terminé la lecture d’une lettre écrite le 10 janvier 1945 à Jean Paulhan, Lapointe s’est mis à pleurer, a pissé et a sommé les spectateurs de quitter la salle les informant que la performance ne reprendrait pas. Même si sa condition physique lui aurait permis d’aller au bout des cinq jours prévus pour sa lecture, Lapointe a cessé au moment où il a pris conscience qu’il ne lisait plus Artaud, mais qu’il faisait une écriture de plateau de son texte. Il voulait également éviter que son événement se change en freak show, ce qui aurait fait perdre au projet tout son sens.

Avec son soluté, Lapointe ressemblait par moment à un mourant à qui chacun venait faire ses adieux. Au lendemain du spectacle, l’artiste a d’ailleurs mentionné être « revenu parmi les vivants » tant son expérience a été éprouvante. Il a beaucoup insisté en conférence de presse sur le fait que l’écriture d’Artaud est toxique et qu’il est difficile de ne pas se laisser affecter par cette toxicité. Pour cette raison, il était nécessaire pour lui de mécaniser sa lecture, de permettre à son esprit de penser à autre chose pendant que son corps gardait le cap. Son entreprise était très instinctive et laissait une grande place à l’imprévu. Ainsi, un cône sur la tête, Lapointe se transformait en magicien mexicain, puis allait s’installer dans le public avec sa lampe pour adopter une posture similaire à celle d’un conteur. Lapointe a d’ailleurs insisté sur la difficulté de maintenir le sacré du théâtre tout en développant une complicité avec le public. Malgré plusieurs éléments profanes, notamment le fait qu’il dormait et urinait sur scène, le maintien de l’aspect cérémonial du spectacle était très important pour lui.

Même si le racisme, l’antisémitisme et la misogynie d’Artaud transparaissent dans plusieurs passages des textes, Lapointe insiste sur l’actualité des propos et sur la lucidité extrême de l’écrivain. La présence de notes, de commentaires et de lettres pour éclairer les histoires racontées a permis au comédien de prendre conscience du fonctionnement du cerveau, qui archive en direct des informations et permet un jeu de renvois entre les connaissances emmagasinées. Cette réflexion sur la réactivation constante du souvenir est d’ailleurs au cœur de son travail créateur et de celui de sa compagnie.

Pour la démesure et la force de la charge émotive du spectacle, Tout Artaud ?! fera définitivement partie des moments forts du FTA 2015.

27-05-2015