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Du 15 au 17, 21, 23 et 24 février 2016, 20h, 22 février 19h, 18 et 25 février 16h
Avril 2017 - Maisons de la culture (voir plus bas)
Lignedebus
Texte et mise en scène Marilyn Perreault
Avec Victoria Diamond, Nora Guerch, Alexandre Lavigne, Marilyn Perreault, Annie Ranger, Hugues Sarra-Bournet et Victor Andrés Trelles Turgeon

Sandy, Rachel, Jimmy, Daniela et Henri se trouvent dans un autobus de ville quand une explosion y entraîne la mort de tous les passagers. Les premières images qui sortent ensuite dans les médias et réseaux sociaux sont celles de la caméra de surveillance de l’autobus et celles d’un téléphone intelligent; on y voit Jimmy, un jeune étudiant arabe, et Daniela, sa copine, entrer dans l’autobus avec un air suspect et un sac à dos. Avant même que débute l’enquête policière, on conclut à un acte terroriste perpétré par Jimmy. Mais était-ce vraiment le cas? Chargée de faire la lumière sur cette tragédie, la coroner se battra contre ses propres préjugés et sera aidée par Sandy, une jeune collégienne de 15 ans décédée dans le même autobus à un moment antérieur.


Scénographie Patrice Charbonneau-Brunelle
Assistance à la mise en scène Clémence Doray
Costumes Elen Ewing
Vidéo Thierry Francis
Éclairages Martin Gagné
Musique Michael Leon
Photo Eugène Holtz

Rencontre-débat avec le public après la représentation du 22 février « Terrorisme et Médias de masse. »

Plein tarif : 27 $
30 ans et moins, membre de la Fadoq, détenteur d’une carte Accès Montréal : 24 $
65 ans et plus : 24 $
Travailleur culturel, membre de la RAIQ, la FADOQ ou l’AQAD: 22 $
Étudiant : 21 $
Groupe (15 personnes et plus) : 19 $
12 ans et moins : 17 $

Les vendredis soir de représentation, tu dis ton prix!

Sera aussi présenté du 11 au 15 octobre 2016 au Périscope (Québec)

Sera aussi présenté :

- 4 avril 2017, 19h, Maison de la culture Frontenac, 2550, rue Ontario Est, 514-872-7882 - billets disponibles le 27 mars

- 8 avril 2017, 19h30, Centre culturel Notre-Dame-de-Grâce, 6400 ave. Monkland - billets disponibles le 25 mars *posssiblement présenté en anglais

- 13 avril 2017, 19h30, Maison de la culture Ahuntsic-Cartierville, 10300 rue Lajeunesse, 514-872-8749 - billets disponibles le 28 mars

Production Théâtre I.N.K.


Section vidéo


Aux Écuries
7285, rue Chabot
Billetterie : 514 328-7437

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Dates antérieures

Du 4 au 22 février 2014 - Aux Écuries

 
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Critique

Fort d’un beau succès depuis sa création en 2014 par la compagnie Théâtre I.N.K, ainsi que d’une tournée d’une cinquantaine de dates en français et en anglais, Lignedebus revient ce mois-ci au Théâtre Aux Écuries. L’auteure et metteure en scène Marilyn Perreault y tient aussi le rôle discret, mais essentiel, d’une coroner chargée d’enquêter sur l’explosion d’un autobus, dans le centre-ville de Montréal.


Crédit photos : Eugène Holtz


Crédit photo : Andrée Lanthier

C’est évidemment ce bus, planté au centre du plateau, qui prend toute la lumière dès le lever du rideau. Nous sommes sur une scène de crime, les médias pressent la coroner de leur livrer les résultats de l’instruction, et tous les soupçons se portent sur le coupable le plus évident : un jeune homme d’origine arabe entré dans le bus avec un sac à dos. Rapidement cependant, cinq victimes, qui se trouvaient dans le véhicule au moment de l’attentat, réclament la parole. Pour dire ce qu’elles savent, pourquoi elles se trouvaient là, qui elles étaient, surtout. Pour ne pas rester un simple numéro dans cette tragédie, qui partage avec toutes les tragédies le fait d’être imprévisible et « nécessaire, pour ne pas que le public s’ennuie », souligne un personnage, dans l’une des nombreuses adresses aux spectateurs.

Rachel la serveuse, Jimmy l’étudiant en droit, Tom, le gardien de nuit, Henri le chauffeur de bus et Daniela l’infirmière vont donc rejouer les quelques semaines, jours, heures et minutes qui ont précédé leur mort, afin d’aider la coroner à dissiper ses doutes, à déchiffrer des images de vidéosurveillance ou issues d’une vidéo amateur filmée grâce à un téléphone intelligent. Ils seront aussi épaulés par Sandy, une lycéenne de 15 ans morte sur la même ligne peu de temps auparavant et dont le fantôme, très expressif, n’a pas quitté l’habitacle.

Pendant 1h45, une véritable enquête se déroule sous nos yeux, avec son lot de suspense et de fausses pistes. Loin d’être un simple décor, l’autobus, démontable et remontable à souhait, devient le terrain de jeu de la petite troupe, qui s’accroche aux sangles, grimpe aux poteaux, se déplace dans le couloir, dans un très beau mélange entre danse, cirque et théâtre. C’est aussi sur sa carrosserie que se retrouvent projetées les images de chaines de télé ou les conversations par texto entre les personnages. Ce mélange des formes et des techniques, parfaitement fluide et maîtrisé par les comédiens acrobates, est le plus marquant de cette mise en scène, qui semble parfois  s’inspirer du genre de la comédie musicale. Lorsqu’ils parlent à l’unisson, les interprètes nous renvoient aux chœurs du théâtre antique. Lorsque les mots fusent, et rebondissent d’un personnage à l’autre pour former une même phrase, on pense à des notes égrenées sur une partition.

Le texte, lui, est l’occasion pour Marilyn Perreault d’évoquer avec intelligence les apparences, souvent trompeuses, les préjugés tenaces dans notre société sur les étrangers, les parcours individuels, toujours liés à la notion d’identité, et la fragilité de tout être humain lorsqu’il ne trouve pas autour de lui le soutien dont il aurait besoin. Sur le fond comme sur la forme, Lignedebus est une franche réussite. Et une ovation debout de cinq minutes, lors de la première, ne saurait mentir.

19-02-2017

critique publiée en 2014


Crédit photo : Eugène Holtz

D'abord, il y a Tom, jeune universitaire à la situation familiale difficule qui voit sa vie chamboulée par une crise aigüe de schizophrénie de son frère ainsi que le départ de sa copine, Daniela, une infirmière séduite par Jimmy, un jeune musulman étudiant les relations internationales. Il y a Rachel, une serveuse amoureuse d'Henry, un chauffeur d'autobus tiré à quatre épingles, qu’elle cherche les week-ends, empruntant toutes les lignes possibles de la ville. Puis il y a Sandy, une collégienne morte il y a cinq ans, hantant l'autobus qui réunit tout ce beau monde lors d’un moment fatidique, une explosion fauchant plusieurs vies innocentes. Mais qu'est-il arrivé exactement ? Pourquoi est-ce arrivé ? C'est ce qu'une coroner tente d'élucider, dans Lignedebus.

Inspirée par des notes prises lors de voyages en autobus, captant ici et là des bribes de conversations, ainsi que par une quinzaine de rencontres avec différents immigrants, Marilyn Perreault voulait d’abord parler des transports, des grands comme des petits, des machines comme des émotions. À l'instar de ces précédents textes coup-de-poing (Les apatrides, Roche, papier, couteau et Britannicus Now), elle explore dans ce tout nouveau texte l’amour-passion, la haine, la vengeance, l’obsession. Elle s’intéresse aussi, indirectement, aux maladies mentales et à ses répercussions, et, plus précisément, aux opinions fallacieuses et insolentes qu’un immigrant doit subir dans la société qui l’accueille alors que lui-même se cherche ; aux relations humaines – froides, anecdotiques, surprenantes – dans les transports en commun et au phénomène de l’hypermédiatisation, qui fait en sorte que le citoyen ordinaire porte des jugements de plus en plus prématurés et trop souvent erronés sans avoir accès à toutes les informations.


Crédit photo : Eugène Holtz

Alors que l’auteure, qui signe ici sa première mise en scène, aurait pu perdre le fil de son propre texte et sombrer dans la surenchère, elle réussit pourtant, et avec brio, à transposer sur scène l’univers singulier de son Lignedebus, utilisant l’acrobatie, la danse contemporaine et le multimédia pour rendre les propos de son texte encore plus percutants et poétiques. La carcasse de l'autobus, éventré et carbonisé par l'explosion, qui sied sur la scène des Écuries, devient le canevas métaphorique des réflexions de la coroner/auteure, qui décortique ses personnages, les faisant parler et les extirpant d'un anonymat plus ou moins confortable pour les amener vers une reconnaissance publique, qu'ils auraient voulue bien différente. Tour à tour, les cadavres numérotés deviennent des personnes répondant à des prénoms, dévoilant peu à peu leur vie, leurs secrets, quitte à les ramener sur le droit chemin s'ils se permettent des entorses à leur histoire, ne collant plus aux faits que la coroner a pu glaner lors de son enquête.

Adepte du théâtre physique – rappelons les récents Britannicus Now et L'effet du temps sur Matèvina dans lesquelles elle a jouées – Marilyn Perreault n’hésite pas à transformer l'autobus en un terrain de jeu circassien, où les poutres métalliques et les sangles permettent aux comédiens plusieurs acrobaties et des chorégraphies souvent impressionnantes, sur des airs connus de Moriarty, Radiohead et David Bowie. Certaines scènes sont chorégraphiées d'une main de maître, comme celle où Jimmy et Daniela font enfin connaissance, irrésistible danse de leur amour naissant, au gré de la route qu'emprunte l'autobus, tentant d'aider l'autre avec sa chemise alors que les deux vêtements se séparent de leur corps respectif ou se boutonnent l'un à l'autre.


Crédit photo : Eugène Holtz

Les projections au mur, en arrière-scène, et sur le flanc du véhicule viennent habiller la scène ou appuyer l'enquêteuse dans sa démarche ; elle repasse ainsi en boucle les images qu'une passagère a pu capter avec son cellulaire avant la déflagration, ainsi que celles de la caméra de surveillance de l'autobus, en plus d’afficher de façon fort judicieuse les textos échangés entre les personnages et leur entourage.

Le casting multiculturel n'est pas fortuit, bien au contraire. Il est superbe de voir les Victoria Diamond (Sandy), Nora Guerch (Daniela), Hubert Lemire (Tom), Annie Ranger (Rachel), Hugues Sarra-Bournet (Henry) et Victor Andrès Trelles Turgeon (Jimmy) jouer ensemble, avec cohésion et plaisir, dépeignant une image plutôt réaliste de la faune urbaine. Si le jeu manquait encore de naturel lors de la première médiatique, il saura trouver un ton juste et équilibré au fil des représentations.

Si l'on devait reprocher une chose à Lignedebus, c'est de se terminer sur une note trop précise, élucidant en bonne partie le mystère qui aura réuni dans la mort ces quelques personnages qui voulaient tant exister. Pourtant, ceux-ci, alors qu’ils s'adressaient au public au tout début de la représentation, l’invitaient à se faire sa propre opinion sur l’événement à partir des fragments de vies qui allaient lui être révélés. Le suspense prend alors une tournure définitive ; si certains peuvent en sortir satisfaits, d'autres auraient sûrement préféré continuer de réfléchir et établir des hypothèses sur les véritables causes du funeste épisode. Cela dit, Lignedebus est une pièce solide, souvent charmante, à la mise en scène fougueuse, éloquente et d’une grande efficacité ; jamais morbide, malgré le sujet initial, elle se teinte agréablement d’une poésie corporelle prônant l’amour et la vie dans ce qu’elle a de passionnel et de rythmé, désamorçant toute la violence et la cruelle réalité qu’imposent la mort et la disparition.

07-02-2014