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Du 10 au 28 février 2015, 20h, samedi 16h
La beautéLa beauté du monde
Texte Olivier Sylvestre
Mise en scène Marilyn Perreault
Avec Sandrine Bisson, Marilyn Castonguay, Laurence Dauphinais, Benoît Landry, Xavier Malo et Marcel Pomerlo

Olivier marche dans un parc avec Maryline, sa copine, quand d’un coup, sa relation avec elle et le monde qui l’entoure lui apparaissent d’une futilité insupportable. Tout bascule. Apercevant un bloc d’appartements miteux qui l’interpelle, Olivier décide d’y emménager en emportant avec lui seulement trois boîtes de carton. Dans ce demi sous-sol glauque où il se réfugie pour vivre l’abîme d’une peine d’amour, Olivier se fera littéralement avaler par le bloc et ses habitants.

Par le biais de ce texte écrit par Olivier Sylvestre, lauréat du Prix Gratien-Gélinas en 2012, on se demande comment les autres peuvent influencer le retour au monde d’un individu qui a voulu s’en éloigner, comment cet individu peut se réconcilier avec la vie et y retrouver un peu de beauté après une telle plongée dans le béton et en lui-même.

Pour soutenir le propos dans l’esthétique du Théâtre I.N.K. où mouvement et images sont intégrés à la mise en scène, le spectacle sera créé dans une scénographie incluant la possibilité de jeu physique et d’acrobatie, c’est-à-dire un appartement dont les murs sont ouverts en trois pentes. Dans ce décor escarpé, on travaillera une gestuelle de déséquilibres, suspensions et tombées dans le vide inspiré des effets d’une peine d’amour sur le corps de ceux qui la subissent.


Assistance à la mise en scène Annie Ranger
Costumes Elen Ewing
Musique Michael Leon
Lumières André Rioux
Décors Patrice Charbonneau-Brunelle

Carte Prem1ères
Date Premières : 10 au 14 février / 17 et 18 février 2015
Régulier 25 $ (en ligne 28 $)
30 ans et moins 22 $ (en ligne 25 $)
Carte premières : 12,50$
Ce spectacle est disponible dans la formule «3 spectacles pour 39$» jusqu'au 28 octobre 2014.

Une production de Théâtre I.N.K.


Aux Écuries
7285, rue Chabot
Billetterie : 514 328-7437

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 Critique
Critique

par Geneviève Germain


Crédit photo : Eugène Holtz

Qui n’a jamais eu envie de tout plaquer dans sa vie ? De se sortir d’une situation qui lui semble insupportable et de s’isoler pour oublier, pour se chercher, pour se retrouver ? Dans La beauté du monde, première pièce d’Olivier Sylvestre, on explore ce moment de fuite où l’on quitte ce monde devenu trop lourd et où l’on remet tout en question. Récipiendaire du prix Gratien-Gélinas en 2012 pour le meilleur texte de la relève, le jeune auteur s’est inspiré de ses propres expériences de vie pour créer cette histoire où tout bascule. Le personnage principal, du même prénom que l’auteur, quitte sa copine Maryline en plein milieu d’une balade dans un parc pour se réfugier dans un vieux bloc de béton. Il devient alors le nouveau locataire d’un appartement exigu dans un demi-sous-sol et se laisse entraîner par les résidents de l’étrange immeuble tout en tentant de se remettre de son immense peine et de redéfinir sa propre identité.  

L’histoire et le texte vertigineux d’Olivier Sylvestre ont trouvé une complice tout indiquée en la metteure en scène Marilyn Perreault : elle utilise le décor et la scène pour ajouter une dimension sensorielle au récit, imageant l’état d’esprit des personnages par un jeu très physique, où les corps se tordent, se replient, se déplient et se roulent le long des pentes du décor. D’ailleurs, le décor astucieux d’Elen Ewig permet aux personnages de circuler au travers des murs cartonnés de l’immeuble, devenus des sortes de membranes en ce lieu qui se veut vivant où l’on entend les souffles et les murmures ambiants. Certaines apparitions se font par les fenêtres, comme lorsque Marilyne tente désespérément de ramener Olivier à la raison, dans un dialogue où elle demeure casée à l’extérieur de ce nouvel univers qu’Olivier a choisi, gisant ensuite sur le mur en angle en attendant que son amoureux sorte de sa torpeur.


Crédit photo : Eugène Holtz

La beauté du récit qui nous est offert réside dans l’espace-temps qui est en suspens. Olivier ne compte pas les minutes, il n’a plus aucune notion du temps qui passe, il se laisse plutôt guider par ses colocataires qui projettent sur lui leurs propres aspirations. La frontière entre le réel et l’imaginaire demeure poreuse et les personnages plus grands que nature viennent provoquer plusieurs réflexions chez Olivier (Benoît Landry). De Sylvie (Sandrine Brisson) qui se veut la mère des locataires et ne s’est jamais remise d’une peine d’amour, à Monsieur Picard (Marcel Pomerleau) maladroitement amoureux de Sylvie et qui se plaint du bruit, en passant par Dany (Xavier Malo) qui partage des trips de drogues avec Olivier, sans oublier l’androgyne Alex(e) (Marilyn Castonguay) qui repousse les limites des genres sexuels, tous influencent Olivier dans un tourbillon d’interactions qui le réduisent tranquillement à néant. Ce n’est qu’une fois rendu à un état quasi animal, où on lui sert des boulettes dans un bol à chien, qu’il décide de sortir de ce lieu qui l’avait englué.

L’écriture d’Olivier Sylvestre est riche de mots simples qui en dévoilent juste assez sur la peine vécue par le personnage principal, sur ses intentions, sur ses pensées. L’auteur réussit à mettre de l’avant l’immensité de la chute que peut provoquer une rupture avec son quotidien, ses buts, ses amours, tout en laissant planer un certain mystère. Les acteurs sur scène font preuve d’un grand talent d’interprétation et saisissent l’occasion d’incarner des personnages singuliers et colorés dans un univers hors-norme, donnant vie et saveur à cette histoire qui se rapproche de la fable.

La beauté du monde est une pièce qui n’offre pas de réponses définitives à cette quête d’identité et d’absolu, mais elle réussit à illustrer le gouffre qui peut nous envahir lorsque l’on remet tout en question grâce à une écriture habile et introspective, une mise en scène créative et un jeu d’acteur sans compromis.

13-02-2015