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Du 17 au 21 janvier 2017, 20h
Jerk
Théâtre
Conception et mise en scène Gisèle Vienne
Dramaturgie Dennis Cooper
Musique originale Peter Rehberg et El Mundo Frio De Corrupted
Créé en collaboration avec, et interprété par Jonathan Capdevielle

Dernière chance de voir ce solo culte pour un marionnettiste, Jerk est une reconstitution fantasmée des crimes perpétrés par le serial killer américain Dean Corll, qui, avec deux adolescents, David Brooks et Wayne Henley, a tué plus d’une vingtaine de garçons au Texas au milieu des années 70. Raconté du point de vue de David Brooks, purgeant une peine à perpétuité, Jerk mêle sans complexes sexualité et violence, dans un registre flirtant avec l’esthétique gore. Le comédien Jonathan Capdevielle, dans un tour de force ventriloquiste, navigue dans les eaux troubles entre fantasme et réalité, offrant son corps et son âme à ce récit en mal d’humanité.

Gisèle Vienne a fait des études de philosophie, puis à l’École Nationale Supérieure des Arts de la Marionnette où elle a rencontré Jonathan Capdvielle. En 2004 elle rencontre l’écrivain Dennis Cooper puis les musiciens Peter Rehberg et Stephen O’Malley, avec lesquels elle collabore depuis. Elle a mis en scène et chorégraphié, entre autres, I Apologize , Une belle enfant blonde/ A young, beautiful blonde girl , « This is how you will disappear », The Ventriloquists Convention (FTA 2016), et Kindertotenlieder présenté à l’Usine C dans le cadre du festival Actoral 2014.


Section vidéo


Lumières Patrick Riou
Voix enregistrées Catherine Robbe-Grillet et Serge Ramon
Stylisme Stephen O’malley et Jean-Luc Verna
Marionnettes Gisèle Vienne et Dorothéa Vienne Pollak
Maquillage Jean-Luc Verna et Rebecca Flores
Confection des costumes Dorothéa Vienne Pollak, Marino Marchand et Babeth Martin
Formation à la ventriloquie Michel Dejeneffe
Traduction du texte de l’américain au français Emmelene Landon
Avec l’accompagnement technique de l’équipe Du Quartz – Scène Nationale De Brest
Direction technique Nicolas Minssen
Régisseur lumières Christophe Delarue
Photo Alain Monot

Durée 1h

Discussion avec le public après la représentation du mercredi 18 janvier

Tarifs : Rég. 35$ | Aîné 32$ | Réduit 30$

Production Déléguée Dacm Avec La Collaboration Du Quartz - Scène Nationale De Brest
Coproduction Le Quartz - Scène Nationale De Brest, Centre Chorégraphique National De Franche- Comté À Belfort Dans Le Cadre De L’accueil-Studio Et Centro Parraga – Murcia.
Avec le soutien de la Ville De Grenoble, Du Conseil Général De L’isère, Et La Ménagerie De Verre Dans Le Cadre Des Studiolab.


Usine C
1345, avenue Lalonde
Billetterie: 514-521-4493

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Dates antérieures (entre autres)

Du 16 au 20 février 2010 - La Chapelle

 
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Critique

Au cours des dernières années, l’Usine C a beaucoup contribué à faire découvrir au public québécois le travail de l’artiste franco-autrichienne Gisèle Vienne. Son spectacle Kindertotenlieder a été présenté lors du festival Actoral (2014), puis The Ventriloquists Convention a été programmé au FTA en 2016. Pour commencer l’année 2017, l’Usine C présente Jerk, un solo pour marionnettiste créé en 2008 en collaboration avec l’acteur, performeur et metteur en scène Jonathan Capdevielle, ainsi qu’avec le dramaturge Dennis Cooper. Cooper est notamment reconnu pour ses textes dramatiques percutants, proches de l’écriture queer, qui accordent une grande place au sexe, à la drogue et à la violence.


Crédit photo : Alain Monot

Jerk consiste en la reconstitution fantasmée des crimes perpétrés par les adolescents Dean Corll, David Brooks et Wayne Henley au Texas dans les années 1970. Le spectacle débute alors que Capdevielle se présente comme David Brooks, et se prépare à raconter sa version de son histoire devant une classe d’étudiants universitaires en psychologie. Non seulement les événements racontés sont ouvertement inspirés de faits réels, mais aucune distance n’est établie entre le marionnettiste et son personnage durant la représentation. Ce jeu avec le réel participe à l’étrangeté du spectacle. Le manipulateur reste assis presque immobile sur sa chaise et invite le public à l’écouter raconter son récit. Le spectacle implique des allers-retours entre la représentation théâtrale menée par Brooks et la lecture d’un fanzine qu’il aurait conçu en prison. À deux reprises, le public est invité à lire un passage du fanzine dans une ambiance sonore électronique et stridente conçue par Peter Rehberg.

Les assassinats d’adolescents sont reconstitués dans une esthétique gore qui multiplie les allusions sexuelles et violentes. Outre David Brooks, qui est campé par le manipulateur, les autres personnages sont incarnés par des marionnettes aux traits animaliers. Il est intéressant de rappeler qu’à l’origine, le théâtre de marionnettes servait justement à rendre supportable la représentation de sujets violents ou transgressifs. Ainsi, Jerk renoue donc avec ce pan de l’histoire du théâtre en imposant aux spectateurs une posture de voyeur très déstabilisante.

La voix feutrée de Jonathan Capdevielle – à laquelle le public n’a pas le choix de prêter l’oreille – et son économie de mouvements contrastent grandement avec l’horreur des épisodes racontés. C’est toutefois dans la dernière partie du spectacle que l’étrangeté de la représentation atteint son comble, alors que le public assiste à un numéro de ventriloquie parfaitement maîtrisé, aussi impressionnant qu’angoissant. La bouche de Capdevielle reste immobile et son regard vitreux semble vidé de toute présence. Seul un filet de salive qui coule sur le sol trahit la difficulté et l’intensité de l’exercice. D’une manière absolument fascinante, Capdevielle continue à interpréter tous les personnages du récit, en abandonnant toutefois la manipulation des marionnettes pour n’en conserver que leur voix. Cette dépersonnalisation à laquelle s’adonne le manipulateur est d’ailleurs justifiée par le fait que David Brooks avait un rôle plutôt passif au sein du trio meurtrier à l’époque : il se contentait de filmer ses acolytes avec sa caméra super-8.

Si Gisèle Vienne a l’habitude de déjouer les attentes du spectateur et de le transporter sur des terrains inconfortables, Jerk occupe une place à part dans son travail, tant grâce à la maîtrise technique de Capdevielle que par la sobriété de la mise en scène.

20-01-2017


critique publiée en 2010

Jerk: a contemptibly naive, fatuous, foolish, or inconsequential person
(une personne naïve, idiote, folle, ou inconséquente)

- source: dictionary.reference.com


Crédit photo : Alain Monot

Gisèle Vienne est peu connue du public québécois. Jeune créatrice et metteure en scène française de talent, elle explore, depuis 1999, avec I Apologize, Une belle enfant blonde et Kindertotenlieder (trois textes de l’Américain Dennis Cooper), le rapport des corps animés et inanimés au fantasme, à l'érotisme et à la mort, par le biais du masque, de l'objet et de la marionnette. Jerk est la quatrième roue du projet, du même auteur, inspiré cette fois-ci de faits réel.

Le comédien Jonathan Capdevielle emprunte les traits de l’adolescent David Brooks, incarcéré pour complicité de crimes abominables, soit 27 meurtres et mutilations, commis par son copain Wayne Henley et le tueur en série Dean Corll. Alors qu'il est en prison, David utilise la marionnette pour faire face à ses démons et raconter son histoire ; une terrifiante thérapie. L'homme, par sa nervosité et sa folie passive, plonge littéralement le public dans une stupeur intriguée, blasé ou dégouté par le malaise causé par la cruauté des actes perpétrés. Pourtant, c'est avec une étonnante économie de mouvements et d'émotions que Capdevielle parvient à nous entraîner dans ce témoignage à la limite de la schizophrénie, tout près du gore symbolisé. Assis sur une chaise, il nous attend, fébrile, puis commence son récit en nous faisant lire un texte qui introduit sa propre narration. Malgré un appui parfois trop poussé et très long sur les effets sonores - bruits produits par la bouche du comédien, qui vient souvent faire décrocher le spectateur au lieu de l'horrifier - Jonathan Capdevielle est tout à fait remarquable dans ce rôle à la limite d’un déconcertant réalisme. Le visage stoïque, marionnettes à gaine dans chaque main, il modifie sa voix pour chaque personnage avec une incroyable facilité, sans pour autant dénaturer totalement la sienne. Il termine sa partie avec un numéro de ventriloque, qui nous mystifie par l’atrocité de ses propos et nous trouble tout autant par le détachement physique du personnage que la folie qui l'engloutit. Seulement par les mots susurrés, des images s'imposent alors à notre esprit, malsaines, macabres. Comme si on se projetait un snuff movie personnel.

La fiction et la réalité s'entrechoquent dans cette mise en abyme, et Jerk se questionne sans complexe ni censure sur les thèmes chers de Gisèle Vienne : le fantasme, la violence, la décadence, la peur et les troubles de l'acceptation à l'adolescence et, indirectement, de l'homosexualité. L'ambiance sonore originale de Peter Rehberg, mélange d'électro, de sons stridents et ambiants de prison, vient à l'occasion renchérir l'impact perturbant d'une mise en scène directe, restrictive, sans tape à l'oeil.

Spectacle phare de la saison 2009-2010 de La Chapelle, Jerk est une pièce angoissante, qui nous fait découvrir un comédien hors pair, mais qui comporte quelques scènes lourdes, à la limite de l'insupportable pour certains spectateurs.

16-02-2010