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8-9-10 octobre 2013, 20h
Running SushiRunning Sushi
Première québécoise
Autriche
Chorégraphie et interprétation Stephanie Cumming, Johnny Schoofs

Faisant allusion aux bars à sushi où les clients choisissent à leur guise les plats qui défilent sur un tapis roulant, Chris Haring de la compagnie Liquid Loft invite le public de Running Sushi à décider de l’ordre des séquences qui composent cette extraordinaire performance pour deux danseurs-acteurs. Cette création au déroulement aléatoire nous met face à notre perception de la danse et de la performance. Chaque soir, la représentation se construit selon une chronologie différente comme si les interprètes évoluaient dans les vignettes d’un manga qu’on s’amuserait à découper puis à recoller de façon anarchique. En découle un effet Pulp Fiction, où le fil narratif est démonté pour ne laisser paraître que les mouvements purs des danseurs en pleine exploration amoureuse. Jouant avec des baguettes chinoises ou mimant un film, leur chorégraphie rejoint la tradition burlesque et décortique avec humour la relation à deux. Mais au fur et à mesure que les séquences s’additionnent, le comique dérive vers le champ de la science-fiction et transforme les interprètes en semi-robots dans un monde constamment aux prises avec la machine.

La compagnie Liquid Loft est née de l’association du chorégraphe Chris Haring, du musicien Andreas Berger, de la danseuse Stephanie Cumming et du dramaturge Thomas Jelinek. Leurs performances et installations de réputation internationale mêlent danse contemporaine, théâtre, arts visuels et théorie pure. En intégrant les innovations technologiques au jeu, Liquid Loft invente un corps lié aux nouvelles réalités virtuelles. Récompensée à plusieurs reprises, la compagnie reçoit le Lion d’or de la « meilleure performance » à la Biennale de Venise en 2007.


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Direction artistique, concept, chorégraphie Chris Haring Son Glim (Andreas Berger)
Dramaturgie, Lumières Thomas Jelinek
Production Marlies Pucher
Scénographie Annja Krautgasser
Capsules BD Bert Könighofer
Vidéo Michael Loizenbauer
Diffusion internationale A propic Line Rousseau
Crédit photo Chris Haring

Régulier 30$ / Ainés 27$ / Réduit 24$
Durée 70 min

Coproduction ImPulsTanz Vienna International Dance Festival et Liquid Loft en coopération avec Choreographic Center Linz et TanzIst Festival Dornbirn
Avec le soutien de MA7 – Kultur Stadt Wien et BMUKK Sektion KunstT
Présentation Usine C
Avec le soutien du Conseil des arts du canada et du gouvernement autrichien


Usine C
1345, avenue Lalonde
Billetterie: (514) 521-4493

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 Critique
Critique

par David Lefebvre

De passage à l’Usine C pour quelques soirs seulement, la compagnie autrichienne Liquid Loft nous propose Running Sushi, un spectacle / performance séquentiel à la manière de ces tapis roulants sur lesquels des plats disparates circulent et desquels les clients prennent ce qu’ils veulent bien manger.

Au travers douze tableaux, les chorégraphes Chris Haring, Stephanie Cumming et Johnny Schoofs décortiquent la vie possible d’un couple, des rêves, des amants, des naissances, des mensonges, en s’inspirant largement de la culture japonaise, plus précisément du manga, mais de façon très européenne, décalée, biaisée.

Le récit se veut explicitement morcelé, non linéaire, sans fil conducteur précis ; chaque soir, une séquence nouvelle naît. Pour ce faire, juste avant d’entrer en salle, le public pige dans un plat de sushi et choisit ainsi, de façon aléatoire, l’ordre des tableaux. La perception du spectacle peut se faire sur deux niveaux, un peu comme si l’on ajustait des jumelles : d’une part, en tentant de reconstituer l’histoire, d’autre part, en se concentrant plutôt sur la danse. C’est-ce dernier niveau, d’ailleurs, qui importe ; l’intention étant justement de « redonner la place au corps et à sa personnalité » en cassant le fil conducteur, comme l’indique Haring lors d’un entretien au Théâtre Chaillot, repris dans le programme de la soirée.


Crédit photo : Loizen Bauer

Les mouvements exécutés par les deux interprètes (Stephanie Cumming et Johnny Schoofs), d’une précision sans faille, se situent toujours entre la pantomime et la robotique. Leurs corps et leurs lèvres suivent une trame sonore riche, ponctuée de cris, de bruits de bouche, de grincements, de paroles ou de murmures ; des coups sont portés, les corps se pointent, posent, s’animent, désirent machinalement et sensuellement. Les ventres ballottent, les seins aussi ; des baguettes chinoises viennent créer une jonction pseudo-organique entre les deux corps inertes jusqu’à ce qu’ils tombent et libèrent les deux amoureux. On s’amuse avec une orange en la piquant de baguettes, puis les langues se délient, parlant du stress de la vie. On se drague en inventant des définitions à certains mots japonais, dont maki (une boisson gazeuse), wasabi (une maladie de chat), teriyaki (un volcan), miso (un DJ à la mode) et autre sashimi (un film récent de Bruce Lee), ou on philosophe (un tableau beaucoup trop court) sur le concept de la profondeur, sur la superficialité qui devient l’unique réalité. Musicalement, seuls les violons de la partition « hiver » des Quatre saisons de Vivaldi viennent s’immiscer ici et là pour créer des moments plus dramatiques et plus théâtraux.

Haring, Cumming et Schoofs jouent beaucoup avec le concept du « plat », rendant l’expérience pratiquement bidimensionnelle, en plaçant les deux interprètes côte à côte sur une petite estrade, devant un immense écran. La magnifique conception d’éclairages vient créer de superbes contrastes de couleur - rouge sur bleu, rouge sur jaune, vert, blanc – pour pousser encore plus loin le concept du « superflat », inspiré de l’artiste Takashi Murakami.

Parfois grotesque, à l’humour très présent, Running Sushi se veut un spectacle fort accessible et très léger. Le quotidien d’un couple est ici magnifiquement déconstruit, fragmenté, déformé, puis reconfiguré, jouant avec les stéréotypes sans pour autant tomber dans les clichés. Malheureusement, certaines notions plus philosophiques, pourtant présentes, nous échappent, passant trop rapidement, et ce, au profit d’une esthétique plus pop. Comme un plat de sushi, quoi.

À noter, après la représentation, le film Running Sushi est projeté au café de l'Usine C et propose un regard très intéressant et encore plus « manga » sur le spectacle, grâce, notamment, aux prises de vue et aux angles de la caméra..

08-10-2013