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Du 19 au 21 septembre 2012, 20h, supplémentaires 22-27-28 septembre à 20h
WeillKurt Weill : Cabaret brise-jour et autres manivelles
Musique Kurt Weill
Textes Bertold Brecht, Robert Denos, Ira Gershwin, Maxwell Anderson, Jacques Deval, Ogden Nash
Mise en scène LODHO
Avec Danya Ortmann, Philippe Lessard-Drolet, Lyne Goulet, Simon Elmaleh, Simon Drouin, Jasmin Cloutier, Gabrielle Bouthillier, Bruno Bouchard)

En 2009-10, L’Orchestre d’Hommes-Orchestres (LODHO) posait à deux reprises son bric-à-brac musical à l’Usine C et faisait salle comble avec sa création Joue à Tom Waits. Après une tournée triomphale en Amérique et en Europe, sa folie contagieuse est de retour avec Kurt Weill : Cabaret brise-jour et autres manivelles.

Difficile de définir ce spectacle tant il échappe à toutes les étiquettes. LODHO a su concevoir un univers bien personnel qui navigue entre le cabaret disjoncté et le magasin d’antiquités. Mais attention : derrière ce chaos apparent se cache une très sérieuse formation qui multiplie les talents et est capable de créer de la musique avec tout ce qui passe entre ses doigts.

Cette fois, la compagnie nous entraîne sur les traces de Kurt Weill, génial compositeur entre autres de L’Opéra de quat’sous, ayant fui l’Allemagne en 1933 et qui s’est réfugié en France avant de s’envoler pour New York. Dans un mélange franco-germano-anglais, les huit musiciens-chanteurs-comédiens ravivent les affres de la guerre, les lumières de Broadway et l’atmosphère feutrée des music-halls. Intelligent et déroutant, Kurt Weill : Cabaret brise-jour et autres manivelles marie art actuel et art populaire pour réjouir tous les publics.

Fondé en 2002 à Québec, L’Orchestre d’Hommes-Orchestres est une formation musicale qui a rapidement élargi son champ de pratique pour mettre en place un véritable chantier artistique (musique, performance, théâtre de rue, interventions urbaines). Le résultat ressemble à un art du bricolage interdisciplinaire, en perpétuelle recherche sonore et performative par l’utilisation d’instruments inventés ou puisés dans le quotidien. As des accidents et des mises en danger scéniques, LODHO évite l’écueil de la standardisation.


Section vidéo
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Conception sonore Frédéric Auger
Lumières Philippe Lessard-Drolet
Machines théâtrales Pascal Robitaille
Crédits photo Guillaume D. Cyr

Production de L'Orchestre Hommes Orchestres


Usine C
1345, avenue Lalonde
Billetterie: (514) 521-4493

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Dates antérieures

Du 10 au 28 avril 2012, Prospero (Québec)

 
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 Critique
Critique

par Pascale St-Onge


Crédit photo : Guillaume D. Cyr

Après le succès mondial « Joue à Tom Waits », l'Orchestre d’Hommes d'Orchestre nous revient avec un nouveau spectacle, Kurt Weill : Cabaret Brise-Jour et autres manivelles, qui explore la « chanson » du répertoire du compositeur en y ajoutant une théâtralité incontestable et grandiose, sans pour autant se contenter des pièces les plus populaires.

Non, vous n'entendrez pas ici Alabama Song ou les airs de l'Opéra de quat'sous qui ont envahi nos scènes la saison dernière. Dans une sélection pertinente de morceaux parfois méconnus et qui traverse toute une oeuvre (ses débuts en Allemagne, son passage à Paris et la fin de sa vie sur Broadway), le collectif arrangent les airs à leur façon dans des styles diversifiés et mettant en valeur l'inventivité du groupe tout autant que les talents particuliers de chacun de ses membres.

Ce cabaret de salon prend place dans une scénographie où, malgré l'abondance d'objets insolites et le fouillis qui y règne, est réfléchi au centimètre près pour assurer un maximum de possibilités de mises en espace. Les huit performeurs se marchent sur les pieds dans ce bazar esthétiquement saisissant et nous surprennent à chaque numéro par les objets-instruments qui se dévoilent dans cet espace.

Ici, chaque numéro est considéré comme une oeuvre autonome et non plus comme la particule d'un théâtre musical entier. Aucune présentation de personnage, de mise en contexte ou autre, car les chansons sont abordées par un univers qui leur est propre, par ce qui s'en dégage distinctement. Si chaque transition était à risque d'imposer des longueurs inutiles au spectacle, nous sommes au contraire curieux et fascinés de découvrir de quelles bricoles sera composée la chanson suivante. Je nomme ici « bricoles » l'un des éléments qui compose le succès et l'intérêt de ce spectacle. Au-delà des multiples instruments traditionnels qui meublent la scène, des instruments fabriqués de toutes pièces (dont ce lustre à soufflets qui vole la vedette dans The Trouble with Woman) et des babioles diverses (balai, bouteille de parfum, etc.) ajoutent un aspect inattendu à la musicalité maîtrisée et aux arrangements de tout le spectacle. Même la voix devient un instrument, bricolé et trafiqué comme les autres. C'est ainsi que les chansons, retirées de leur contexte habituel, nous offrent un tout autre visage, une poésie nouvelle et singulière.


Crédit photo : Guillaume D. Cyr

La mise en scène, assumée par le collectif, présente certaines inégalités de numéro en numéro. De ce fait, certains d’entre eux marquent davantage l'esprit et semblent dotés d'une plus grande richesse visuelle, tel La Complainte de Fantomas, morceau clé de la deuxième partie du spectacle, par la spatialisation, par la cohérence de la relation entre le geste et la musicalité qui font passer la réception de l'objet d'étourdissante à complètement captivante. L'ensemble n'est pas parfait, on remet en doute notamment la participation minimale de l'une des performeuses, mais c'est cette imperfection qui fait croire à l'ensemble de la proposition. Un spectacle trop léché aurait semblé faux et imposteur à l'oeuvre qu'il explore.

La première partie laisse place à des morceaux où la folie du collectif semble plus retenue, comme si on laissait au public le temps d'apprivoiser l'étrange objet déployé pour eux. Ce n'est qu'en deuxième partie qu'une certaine anarchie prend sa place, que le désordre ne s'applique plus seulement à la scénographie, mais à l'ensemble des composantes, et ce, à notre grand bonheur. Car c'est dans ces conditions précises que se dévoilent toute la poésie et l'intelligence de ce spectacle. Certes, le divertissement est garanti, mais nous sommes davantage comblés de percevoir comment LODHO considère les subtilités de l'oeuvre entière de Kurt Weill, de façon à aussi bien les rendre dans un souci de modernité surprenant et de nous prouver que le compositeur traversera les âges.

Ceci n'est pas un hommage, c'est une appropriation nouvelle d'oeuvres majeures de la musique du siècle dernier, trop souvent oubliées. Le collectif LODHO y ajoute sa touche, explore cette forme trop sous-estimée qu'est le théâtre musical, traverse chaque chanson avec autant d'humour que d'intériorité. Ce grand bazar où rien n'est laissé au hasard est voué à un bel avenir de tournée et il est dommage d'avoir profité de ce bijou de scène dans une salle qui n'était pas remplie et que son passage sera trop court pour qu'il reçoive le public immense qui lui revient.

20-09-2012



par Odré Simard (Québec, avril 2012)

Délurés. Éclectiques. Cabotins. Chaotiques. Sincères. Fidèles à eux-mêmes, les membres de L'Orchestre d'Hommes Orchestre ont su préserver cet univers si particulier apparu dès leur premier opus « L'orchestre d'Hommes orchestres Joue à Tom Waits », qui fut d'ailleurs un vibrant succès. Ils se portent garant d'une folie qui déboussole, qui surprend et qui nous transporte à des lieues du quotidien. Toujours empêtré dans un magnifique bric-à-brac constitué d'objets hétéroclites qui serviront soit à produire son et musique ou tout simplement à créer une ambiance, LODHO sait allier inventivité et humour pour plonger cette fois dans le répertoire de Kurt Weill. S'étant déjà frotté à ce compositeur allemand dans L'Opéra de quat'sous présenté au théâtre du Trident en 2011, et ce, sous des airs de fanfare festive et toujours délirante, le collectif de musiciens bricoleurs et théâtraux ont dès lors échafaudé un nouveau répertoire diversifié qui leur sied à merveille. Les pièces sont chantées à tour de rôle dans les langues allemande, française et anglaise, démontrant quelque peu le parcours de l'homme derrière l'oeuvre. Kurt Weill dut au cours de sa vie s'exiler en France et aux États-Unis, puisqu'il était juif, son pays d'origine ne lui était plus clément au temps de la Deuxième Guerre mondiale.

Malgré des accrocs de soir de première et de petites insécurités dans le maniement des si nombreux fragments de décor constituant leur capharnaüm splendide, rien n'a réussi à entraver l'attitude désinvolte que les artistes ont adoptée d'entrée de jeu. Avec cette forme nommée alors « cabaret brise-jour et autres manivelles », LODHO a gratifié ce registre musical des années 1930-50 d'une saveur délectable venant à la fois chercher prestance et décadence afin d'aborder avec profondeur une oeuvre marquante du siècle dernier. Du point de vue musical, les arrangements sont tout à fait créatifs et audacieux et vaudraient l'écoute sans même l'enrobage théâtral, bien qu'on ne voudrait s'en passer! Chaque pièce musicale constitue un univers unique passant du mystère à la farce, en passant par la poésie et la fête, en utilisant toujours une nouvelle construction sonore ou une théâtralité venant nous saisir et conserver notre intérêt jusqu'à la dernière seconde, où l'on s'attriste de devoir quitter la salle.

11-04-2012