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Du 16 au 20 octobre 2012, 20h, 20-21 octobre 2012, 15h
VoodooVoodoo
Texte Martin Bellemare
Mise en scène Yvon Bilodeau
Marionnettistes interprètes Louis Ayotte, Christiane Berthiaume et Pier DuFour

Depuis toujours l’être humain déploie ses capacités et utilise son imagination afin d’apaiser ses tourments, ses grands questionnements, ses souffrances, son insécurité. Les solutions trouvées sont des plus variées. Parfois la guérison survient directement, avec le temps, l’expertise, l’esprit, la science. D’autres fois, le traitement proposé surpasse l’intensité de la sensation à soulager, le bon entendement, l’intégrité voire la moralité. En quête de guérison, l’homme s’aventure parfois sur des chemins glissants… On peut alors se poser la question : qui soulage qui et de quoi ?

La marionnette est l’instrument de tous les possibles! Elle n’a de limite que l’imagination. Elle oblige à la complicité, à la connivence, pour que l’inspiration, porteuse d’envoûtement et d’idéal, manipulatrice de rêves, créatrice de liberté et d’inaccessible, tisse les images qui naissent par le geste, le mouvement. KoboL se distingue par ses créations ainsi que par sa recherche de nouvelles formes en donnant une place de choix à l’audace, à l’essentiel, à la fantaisie et à la relève.


PREMIÈRE IMAGE EXCLUSIVE

Voodoo

Crédit photo Mathieu René
Énorme merci à KoboL, Pier et Louis


Musique originale Jean-François Léger
Lumières Nancy Longchamp
Scénographie Louis Ayotte
Marionnettes, objets Mathieu René et Mario Tremblay

dans le cadre de la première édition du Festival PHENOMENA [anciennement Festival Voix d’Amériques] - programmation complète du festival en ligne dès le 26 septembre

présenté lors de l'édition 2012 de ManiGanses (Saguenay)

Production KoBol Marionnettes


Usine C
1345, avenue Lalonde
Billetterie: 514-521-4493

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 Critique
Critique

par David Lefebvre


Crédit photo : Michel Tremblay

Présenté en primeur lors de l’édition 2012 de ManiganSes, le Festival international des arts de la marionnette de Saguenay, VooDoo, le plus récent spectacle de KoboL Marionnettes, s’installe quelques jours à l’Usine C dans le cadre, cette fois-ci, du festival Phenomena.

Mis à part Best of Opera, monté en Allemagne en 2009, et le solo Lui de Pier DuFour (aussi datant de 2009), il faut remonter à 2004 pour retrouver une création de KoboL, soit Jolis Deuils. C’est donc avec appréhension et avec joie que Louis Ayotte, Pier DuFour et Christiane Berthiaume étaient attendus et accueillis à Montréal avec leur VooDoo, une pièce explorant les travers de notre société, de notre monde, et la quête de la guérison.

Le spectacle s’ouvre sur une cérémonie presque chamanique, où l’on broie en poudre une substance inconnue, et où l’on purifie et l’on brasse des sacs de toile contenant les marionnettes du spectacle. Si cet intrigant rituel accroche, il est dommage de ne pas retrouver davantage cette thématique au cœur des récits du spectacle. Au centre de la petite scène à l’éclairage soigné (Nancy Longchamp) s’élève un tronc d’arbre aux crânes humains bien encastrés dans son écorce. En le renversant, il se transforme en une table de travail multifonctionnelle, à laquelle on ajoute des tablettes, un écran, ou une corde raide selon le récit ; une brillante et étonnante conception de Louis Ayotte. La première histoire propose une jolie femme à la tignasse de jais, à la robe écarlate échancrée, qui se promène et attire le regard d’un homme fortuné. Par ses billets verts, il la convainc de l’épouser. Mais comment ensuite s’emparer de la richesse de cet homme? Puis, le public fait la connaissance du personnage « principal » du spectacle, le grand Liam Sterdam, vedette de la télé qui, par le simple pouvoir de la pensée, guérit de tous les maux, de l’alcoolisme à l’hystérie jusqu’à un bras détaché. Il conseille une jeune femme au copain un peu volage – une suggestion qui aura des répercutions inattendues – ou permet à cette Aphrodite à la robe rouge, vue précédemment, de communiquer avec le fantôme de son défunt mari. Si le guérisseur semble apporter ici et là la solution immédiate aux problèmes d’autrui, chaque acte comporte des conséquences fâcheuses, allant souvent vers la mort, incluant le suicide. Et si ce fameux guérisseur avait, au fond, chaque destinée dans le creux de sa main? Et s’il manipulait tout le monde?

On reconnait la main et le talent de Mathieu René et de Mario Tremblay dans les traits des pantins à tiges de VooDoo, qui se situent dans la lignée des autres créations de KoboL. Magnifiquement manipulées par le trio Ayotte, DuFour et Berthiaume, elles sont admirables dans leur conception et dans leur façon de bouger ; pour les rendre aussi vivantes, les trois manipulateurs doivent obéir à une véritable chorégraphie, un petit tour de force éblouissant à voir. De plus, la connivence entre la marionnette et le/la marionnettiste est poussée presque à l’extrême par le metteur en scène Yvon Bilodeau : la créature parle souvent à un manipulateur qui devient ainsi un personnage faisant partie intégrante du spectacle. On expérimente aussi la technique des masques, où la marionnette se fait de chair et de sang, dans un petit numéro hilarant où l’homme doit choisir entre sa femme et son ordinateur… Durant son absence, la technologie l’imite et copule, pour accoucher de petits appareils rappelant iPod et téléphones intelligents. Alors qu’un d’eux se meurt, l’homme (Pier DuFour) fait preuve de grande originalité en se servant d’une paire d’écouteurs comme d’un stéthoscope ou d’un défibrillateur. Certaines saynètes s’avèrent être de très jolies métaphores sur la vie, comme cet homme alcoolo déambulant sur un fil de fer tout en trainant sa caisse de bière à laquelle il est attaché, risquant sa vie à chaque bouteille bue. D’autres provoquent l’étonnement et l’hilarité grâce à des situations franchement grivoises, ou alors percutent l’imaginaire par des moments plus crus et plus sombres, mais sans jamais être choquants ou déplacés.

L’autre grande force de VooDoo se trouve dans la fantastique trame sonore mystérieuse/électro/jazzy de Jean-François Léger. Plus qu’un accompagnement musical, elle conduit les émotions, tel un fil narratif extrêmement précis, pratiquement sans paroles, qui charme et conquiert l’oreille du public, autant que peuvent le faire les marionnettes sur scène.

Si le scénario est parfois simpliste alors qu’une recherche plus poussée sur certains sujets aurait été bienvenue, dont le thème du rituel, la recherche inextinguible de la solution magique et miraculeuse ou encore le pouvoir absolu et divin que peut procurer la magie noire, VooDoo est un réel ravissement et propose une belle occasion de voir l’évolution de cette compagnie qui nous étonne et nous divertit encore et toujours avec intelligence et brio.

17-10-2012