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Salle Multi complexe Méduse (Québec) - 8 et 9 février 2013, 20h (Mois Multi)
Usine C - Du 13 au 15 février 2013, 20h
Gob Squad KitchenGob Squad's Kitchen (You've Never Had It So Good)
De et avec Johanna Freiburg, Sean Patten, Berit Stumpf, Sarah Thom, Bastian Trost, Simon Will

Le collectif Gob Squad remonte le temps avec une création sous forme de film réalisé en direct et à forte teneur en mauvais café, dépression nerveuse et coupes de cheveux rétro !

Nous sommes en 1965 et la pop, la sous-culture, la starisation, le féminisme, la drogue et le sexe vont bientôt accélérer le pouls de la planète. À la tête de cette effervescence historique, on retrouve Andy Warhol qui signe Kitchen, un film expérimental sur l’énergie hédoniste et avant-gardiste des sixties.

Cette œuvre pop art sert de point de départ à Gob Squad’s Kitchen qui se donne pour tâche de la refaire à l’identique. Mais comment savoir si l’on ne fait pas fausse route ? Comment reproduire le cinéma underground new-yorkais ? Comment dansaient les gens en 1965 ? De quoi parlaient-ils ? Gob Squad’s Kitchen est un retour autant vers le passé que vers le futur, une quête de l’authenticité, du ici et maintenant, à la recherche des ombres qui se cachent sous le vernis de la modernité.

Né en 1994, Gob Squad réunit sept artistes britanniques et allemands, qui auscultent la rencontre entre le théâtre, les autres arts, les médias et la vie même. S’ils se produisent dans des institutions, ils investissent aussi des lieux plus inhabituels au cœur des villes : magasins, parcs de stationnement, hôtels, maisons privées, etc. Quotidien et illumination, banalité et utopie, réalité et divertissement entrent en collision dans leurs créations qui manient l’humour avec dextérité.


Section vidéo
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Vidéo  Miles Chalcraft
Son  Jeff McGrory
Scénographie  Chasper Bertschinger
Dramaturgie  Christina Runge

Production Gob Squad
Coproduction  Volksbuehne am Rosa-Luxemburg-Platz, donaufestival, Nottingham Playhouse et Fierce! Festival


Salle Multi de la coopérative Méduse
591, rue de Saint-Vallier Est
www.moismulti.org

Usine C
1345, avenue Lalonde
Billetterie: (514) 521-4493

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 Critique
Critique

par Véronique Voyer

Du cinéma en direct


Crédit photo : David Baltzer

L’entrée dans la salle de l’Usine C se fait par les coulisses du spectacle. On découvre une cuisine démodée, entre deux murs, où les comédiens nous accueillent chaleureusement avec beaucoup trop de maquillage et des toasts au beurre d’arachide.

En 1965, Andy Warhol tourne des films qui captent la vie en direct, l’un d’eux s’intitulant Kitchen. C’est ce décor que le spectacle du collectif Gob Squad reproduit. Les acteurs déclarent que le père de la pop culture a engendré l’hédonisme, mais aussi le féminisme, la mobilisation antiraciste, la drogue, le sexe, name it! C’est ici que se situe le seul bémol de la pièce : le lien de cause à effet entre la société et Warhol est tracé de manière un peu trop linéaire par les acteurs, même si l’hommage est pertinent. Ce déterminisme suppose qu’un seul artiste est à l’origine de tout, comme en témoigne cet extrait:

C’est pourquoi Madonna, Hershey et les Blue Jeans, c’est pourquoi Ebay, YouTube et Facebook, et c’est pour cela que nous sommes allés sur la Lune, et c’est pourquoi nous pensons encore que nous sommes immortels.

Bref, pas de demi-mesure dans ce monologue d’ouverture. Cette critique du contenu n’affecte en rien l’époustouflante innovation technique de ce spectacle décrit dans le New York Times comme l’une des « prouesses les plus fascinantes jamais vues au théâtre ». Sur un écran blanc s’affichent trois projections tournées en direct : une femme qui dort, un homme qui attend et des discussions dans la cuisine ; trois plans-séquence en noir et blanc de plus d’une heure. Toute l’action se situe derrière l’écran ; double défi pour les comédiens qui doivent performer devant public tout en respectant les règles de l’art du cinéma. Outre l’équipe technique qui doit être à l’affût tout le long de ce direct, les comédiens se choisissent un alter ego dans la salle et échange leur place avec le spectateur qui monte sur scène, c’est-à-dire, derrière l’écran. Des écouteurs munis d’un micro permettent au spectateur sélectionné de dire son texte, soufflé par les comédiens, et la pièce se termine en l’absence des acteurs : stupéfiant retournement de situation, qui porte à la réflexion de la présence de l’acteur sur scène.

La pièce s’ouvre sur un certain malaise dans la cuisine où les acteurs ne savent pas comment performer la vie quotidienne ; reproduire la spontanéité du naturel devient possible grâce à la collaboration des spectateurs et le choix des plans et de l’éclairage, poussant cette expérience de la réalité sous les conventions de la fiction proposées depuis des années à la télévision vers de nouveaux sommets. L’action se chevauche donc entre la cuisine, la chambre à coucher et une chaise sur fond noir. L’improvisation s’immisce dans les conversations, d’abord entre les comédiens, puis avec le spectateur qu’on interviewe, assis sur cette chaise. Un des moments forts du spectacle se déroule sur l’oreiller, lorsqu’une spectatrice accepte d’embrasser la comédienne pendant trois minutes.

Pour éviter d’égarer le public, Gob Squad’s Kitchen nous propose une constante culturelle. Devinez ce qui n’a pas changé depuis l’époque de Warhol jusqu’à la nôtre? Le pain tranché. À la blague, les acteurs déposent un sac de pain au centre de la cuisine en tant que repère culturel pour réconforter le public s’il finit par perdre le fil du spectacle.

Œuvre pop à l’humour bien marqué, Gob Squad’s Kitchen est une recherche identitaire et d’authenticité au cœur de notre société issue de celle des années 60 où l’on a brisé une à une toutes les conventions, de la chambre à la cuisine. Un fascinant voyage cinémato-théâtral.

15-02-2013