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4.48 psychose
Du 8 au 19 juin 2021 - REPORTÉ EN 2022

Figure sulfureuse de la dramaturgie britannique, Sarah Kane signe avec 4.48 Psychose un chant du cygne d’une beauté dangereuse. Derrière les éclats poétiques d’un texte fragmentaire et novateur émerge la voix d’une femme qui veut regar-der la mort en face pour rester intègre avec elle-même. Porteurs d’insoumission, ses mots révoltés laissent aussi percer un cri déchirant sur la dépendance amoureuse et le désir qui brûle. Présenté dans une nouvelle traduction rythmée du québécois Guillaume Corbeil, le jeune et prolifique metteur en scène Florent Siaud rappelle « j’aime entendre dans ce texte un geste de résistance, d’insolence : il déploie la parole javelot d’une femme-littérature, d’une femme-lucidité. »


Texte Sarah Kane
Adaptation française Guillaume Corbeil
Mise en scène Florent Siaud
Avec Sophie Cadieux


Crédits supplémentaires et autres informations

Lumières Nicolas Descôteaux
Vidéo David B. Ricard
Conception sonore Julien Éclancher
Scénographie et costumes Romain Fabre

Durée -

Billets en vente le 2 novembre 2020

Production Les Songes turbulents


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Critique disponible
            
Critique

critique publiée en 2016

Face à son incapacité à vivre, une jeune femme psychotique prévoit se suicider à 4 h 48 précises. Voilà en quoi consiste la dernière pièce de l’auteure britannique Sarah Kane, grande représentante du théâtre in yer face. Dans un monologue dialogique extrêmement lucide, la femme raconte sa désillusion et son refus d’accepter la vie telle qu’elle est. Elle exprime son désir de vivre, même si paradoxalement le prix qu’elle doit payer doit être de mourir pour se sentir vivante.


Crédit photo : Nicolas Descôteaux

C’est par l’écriture que Sarah Kane cherche à faire barrage au suicide. C’est aussi dans la littérature qu’elle a trouvé le lieu de réalisation de son impossible vision du monde, qu’elle explore par le prisme de sa propre fiction. Bien qu’elle ait choisi de s’exprimer par la forme théâtrale, l’auteure supprime de sa pièce toute théâtralité pour faire ressortir plutôt la musicalité de la langue. La traduction de Guillaume Corbeil rend d’ailleurs très bien les ruptures de ton de cette écriture elliptique et déconstruite. Alors que la traduction française des éditions de l’Arche ajoutait une dimension mystique au texte de Kane, celle de Corbeil rend davantage justice aux dialogues crus qui se rapprochent parfois du slang.

Malgré les nombreux silences qui ponctuent la pièce, le texte de Kane fait ressortir une surcharge d’informations et de réflexions qui recrée le rythme effréné de la folie. La conception sonore de Julien Éclancher prolonge aussi cet éclatement de la langue. À l’éclectisme que constitue le mélange de la chanson Help des Beatles, la musique classique de Verdi et le techno, Éclancher ajoute des bruits parasites qui agissent comme une pulsation qui guide le texte et qui empêche le parfait silence d’envahir la salle. Lorsque le rideau tombe et que la pièce se termine, la lourdeur du silence se fait sentir doublement.

4.48 Psychose a souvent été qualifié par la critique de lettre d’adieu et de chant du cygne de l’auteure. Écrite peu de temps avant son suicide, la pièce a une valeur testamentaire qui a été grandement exploitée par les metteurs en scène qui s’y sont attaqués. Toutefois, le metteur en scène Florent Siaud a choisi de poser un regard neuf sur le texte pour en faire ressortir l’humour et l’intelligence du personnage, notamment en faisant appel à la lumineuse actrice Sophie Cadieux. Incarnant tour à tour la patiente et le médecin, voire parfois d’autres personnages que l’on devine, la comédienne rend visible la détresse du personnage, mais aussi sa résistance et sa volonté d’atteindre l’idéal auquel elle aspire. Grâce à un travail sur le corps, Sophie Cadieux rend visible la dimension pulsionnelle et irrémédiable de ce désir de mourir. En ce sens, son incursion dans l’univers de Nelly Arcan (La fureur de ce que je pense, 2014) l’a sans doute bien préparé à l’incarnation de femmes qui semblent prisonnières de leur corps.

Malgré une utilisation de la vidéo parfois discutable et qui déconcentre du propos, la mise en scène de Florent Siaud arrive à rendre l’essence du texte de Sarah Kane et son paradoxe central : la femme a besoin d’être vue pour exister, mais ce regard de l’autre constitue précisément la cause de son mal de vivre.

29-01-2016

Théâtre Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : 514-526-6582 - billetterie.theatreprospero.com

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