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Du 15 mars au 2 avril 2016, mardi, jeudi et vendredi 20h15, mercredi 19h15, samedi 16h15
Les courants souterrains
L’amour qui ne peut pas mourir : entrevue avec Benoit Desjardins pour «Les courants souterrains»
Texte et mise en scène de Benoît Desjardins
Avec Jean-Michel Déry, Julie de Lafrenière, Dominique Leclerc

Lisa et son père accompagnent une apprentie chanteuse country à un concours en Ontario. Vingt ans plus tard, Lisa se souvient de cette cavale et nous dévoile ses origines dans une maison mobile d’un village forestier, une maison sans maman. Une vie de famille d’un équilibre fragile, comme un château de cartes sur une table chambranlante recevant le coup de pied fatal d’une jeune chanteuse country. Un équilibre brisé, un soir d’automne, pendant un vêlage qui s’éternise. —— Les courants souterrains est une pièce folk sur la névrose de classe, les rêves, Pembroke et une chanson de Marcel Martel. —— Le Noble Théâtre des trous de siffleux a présenté en 2013 et repris en 2014 Le chant de meu de Robin Aubert dans la Salle intime et faisait ainsi connaître au public montréalais son travail bien enraciné sur le territoire des Laurentides.


Section vidéo


Scénographie Silène Beauregard
Conception sonore Maude St-Pierre
Éclairages Émilie Gendron
Photo Nicolas Aubry

Au guichet : Régulier 26 $, aîné 23 $, 30 ans et - et membres 21 $, groupes (15 personnes +) 18,50 $, étudiant en théâtre 16 $
Par téléphone et en ligne : régulier 28,50 $, aîné 25,50 $, 30 ans et - et membres 23,50 $, groupes (15 personnes +) 18,50 $, étudiant en théâtre 18,50 $

Production Noble Théâtre des trous de siffleux


Salle intime du Théâtre Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : 514-526-6582

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Critique

Crédit photo : Nicolas Aubry

Benoît Desjardins en est à sa deuxième présence sur le plateau de la salle intime du Prospero. Après le succès de la pièce Le Chant de Meu, présentée deux fois plutôt qu’une à Montréal, mais aussi à Mont-Laurier et à Québec,le directeur artistique du Noble Théâtre des trous de siffleux revient avec Les courants souterrains, un spectacle dont il signe à la fois le texte et la mise en scène.

La pièce raconte l’histoire de Lisa. Fillette sans maman, sur la route avec son père, elle voit son univers bouleversé par la rencontre de Betty, une pseudo chanteuse country qui débarque dans leurs vies. Farouche, fonceuse, tentant à tout prix de cacher sa vulnérabilité, la cowgirl envoûte à la fois le père et la fille. Cette rencontre chamboule l’équilibre fragile qui existe entre Lisa et son père, faisant ressurgir entre eux à la fois la violence de la résignation face aux rêves brisés et l’espoir d’une vie meilleure. Vingt ans plus tard, Lisa replonge dans les courants souterrains qui l’animent en faisant le récit de cet épisode décisif à la femme qu’elle aime.

Benoît Desjardins campe ses personnages en milieu rural, entre les bêtes de ferme et les concours country. Leur langue est crue, grossière, empreinte d’une poésie brute, tissée de sacres et d’images évocatrices. Les échanges sont durs, parfois violents, souvent drôles et touchants. La direction d’acteurs sobre et sensible de Desjardins donne pleinement accès à la vivacité du texte et à la complexité des personnages. Son trio de comédiens défend par ailleurs très bien son univers folk. Dominique Leclerc est particulièrement puissante dans son interprétation du personnage de Lisa. Tantôt petite fille tombant sous le charme de Betty, tantôt jeune adulte aux prises avec ses blessures familiales, la comédienne manœuvre habilement l’aller-retour entre la fragilité de la fillette et l’amertume de la jeune femme.

Pourtant, la narration en flashback laisse perplexe. Autant du point de vue de la dramaturgie que de la mise en scène, ce récit en deux temps soulève des défis que Desjardins peine à relever. Alors qu’il parvient à captiver le spectacle avec l’histoire de ce trio instable en cavale, son travail de mise en scène manque de vision et d’inventivité pour porter habilement au plateau le deuxième niveau du récit. En retrait, immobile, commentant cyniquement le déroulement de l’épisode vécu dans l’enfance, la position de narratrice de Lisa ne trouve pas de véritable résonnance dans le récit. Qu’est-elle devenue aujourd’hui? A-t-elle réussi à s’élever socialement pour aspirer à la vie dont son père ne pouvait que rêver? Les quelques passages succincts dans lesquels Desjardins tente de donner une voix à la Lisa devenue adulte ne font que brosser un portrait superficiel de sa vie actuelle et ne suffisent pas à faire vivre ce quatrième personnage.

La réflexion sur la condition sociale de ses personnages dont Desjardins parle longuement en entrevue apparaît malheureusement inaboutie et la portée du spectacle s’en trouve réduite. Bien que l’écriture maitrisée ainsi que la force et l’authenticité de l’univers proposé suffisent à nous faire passer un bon moment, le spectateur reste sur sa faim face aux questions passionnantes sur les classes sociales qu’il pressent dans le spectacle, sans les voir jamais véritablement formulées.

21-03-2016