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Du 19 au 29 janvier 2017
Petite fête chez Barbe Bleue
pour les 7 à 12 ans
Texte et mise en scène Joël da Silva
Avec Patrick Beauchemin, Élodie Grenier et Isabel Rancier

La jeune Blanche se conte des peurs en lisant La Barbe bleue, le célèbre conte de Perrault. Séduit par cette lectrice passionnée, Barbe bleue invite Blanche à une petite fête à son château. Basculant du livre à la fiction, la jeune fille devient l’héroïne de l’histoire qu’elle est en train de lire, entraînant dans l’aventure son petit frère et la vedette de la télé Anne-ma-sœur-Anne, en mal de sensations fortes. Et il y en aura, des émotions et du suspense, mais gageons que l’amusement l’emportera sur la peur !

LA MORALE DE L’HISTOIRE
Sympathique Barbe bleue, à la fois drôle et inquiétant ! S’il doit sept fois par jour avaler ses petites pilules vertes, un remède extra-fort pour soulager le remord, c’est sûrement qu’il a fait quelque chose de grave. Quelque chose qu’il cache dans le petit cabinet sous l’escalier, comme le croit Blanche, qui nous montrera avec humour et panache que la curiosité, enfin réhabilitée, est une grande vertu.

Vous souvenez-vous de l’histoire du conte classique ? Une belle jeune femme qui, malgré sa peur de Barbe bleue, accepte de l’épouser ? Mais sa curiosité la poussera à ouvrir une porte que Barbe bleue lui avait pourtant défendu d’ouvrir… Tous les cœurs d’enfants s’amuseront à découvrir ce conte revisité par des artistes à l’imaginaire riche et éclaté.


Assistance à la mise en scène Martin Boisjoly
Conception sonore et scénographie : Joël da Silva
Assistance au mouvement : France Pepin
Costumes : Marianne Thériault
Enregistrements en studio : Benoît Brodeur
Lumières: Martin Boisjoly

Durée 60 minutes

Une création du Théâtre Magasin


Maison Théâtre
245, rue Ontario Est
Billetterie : 514-288-7211

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Dates antérieures (entre autres)

Coups de théâtre 2012

 
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Critique

Le polyvalent Joël Da Silva semble apprécier la figure singulière de Barbe-Bleue. Déjà présent dans un solo de 1989 intitulé La Nuit blanche de Barbe-Bleue, celui-ci revient dans une production plus récente qu’il signe et dirige, soit Petite fête chez Barbe Bleue. Sans briller autant que les œuvres scéniques présentées cet automne à la Maison Théâtre, la production du Théâtre Magasin a toutefois charmé facilement son auditoire.




Crédit photo : Mathieu Dupuis

Le mythe du célèbre homme au visage poilu et à la personnalité s’apparentant à celle d’un ogre a inspiré de nombreux créateurs au fil du temps, autant des compositeurs d’opéra (Paul Dukas et Béla Bartók avec son Château de Barbe-Bleue), que Charles Perrault, sans oublier des dramaturges contemporains (dont Déa Loher et Carole Fréchette qui a écrit La Petite Pièce en haut de l’escalier). La Petite fête chez Barbe Bleue de Da Silva puise à l’occasion dans des eaux proches de l’horreur. Par contre, le ton se démarque surtout par son humour et ses prises de liberté par rapport au conte initial. 

Créé lors de l’édition 2012 du festival Coups de Théâtre, le spectacle d’une durée d’environ une heure se déroule à notre époque. Il raconte le destin de Blanche, une jeune fille dégourdie qui frémit pourtant à chacune de ses lectures sur l’être terrifiant. Seule un soir alors que ses parents lui ont confié la surveillance son petit frère, Blanche replonge une fois de plus dans son livre préféré tout en regardant une émission sensationnaliste sur la vie dans les châteaux. Or, une invitation inattendue (VIP de surcroît) lui parvient de Barbe-Bleue pour une célébration chez lui. Comme par enchantement, Blanche se retrouve à l’intérieur de son manoir où le chiffre sept occupe une place particulière: sept étoiles filantes, sept étages d’un imposant gâteau au glaçage blanc… mais également sept femmes portées disparues après leur rencontre avec le séducteur aventurier.

Petite fête chez Barbe bleue s’amorce avec l’arrivée des trois interprètes (Patrick Beauchemin, Élodie Grenier et Isabel Rancier). Devant chacun de leur visage se trouve un ballon bleu. Une trame sonore conçue également par Da Silva (tout comme la scénographie) et de magnifiques éclairages de Martin Boisjoly accompagnent une intrigue qui ne connaîtra que peu de temps morts. À la fois truculents et diaboliques, le personnage-titre (Beauchemin) et sa servante autoritaire (Rancier) séduisent sans gêne la jeune fille (Grenier) en quête de sensations fortes. De nombreuses réactions se font entendre, notamment lors des apparitions de la «sœur Anne» (également incarnée par Rancier), devenue ici une exubérante animatrice (que nous voyons directement dans un énorme téléviseur datant d’au moins un demi-siècle). Si le récit insère des références au conte de Perrault, des éléments s’inspirent d’un autre classique, Frankenstein de Mary Shelley. Ils surgissent lorsque la même servante prend le frère de Blanche comme cobaye pour des expériences insolites défiant toute logique.

Si le traitement visuel séduit, le texte aurait toutefois gagné à dévoiler plus d’éclats ou de frayeur. Par rapport à la potentialité du sujet, l’enchevêtrement des secrets autour de Barbe-Bleue au quotidien réaliste d’une adolescence manque également de magie. La sensation de danger qui émane souvent des réalisations artistiques inspirées par le maléfique individu (notamment la percutante pièce de Carole Fréchette) arrive assez tard dans le spectacle. Elle atteint sa cible surtout avec l’apparition de la clé souillée du sang qui refuse de partir. Quelques jolies trouvailles poétiques («Blanche comme la nuit») côtoient des phrases beaucoup plus banales (quelques allusions notamment «aux toilettes»), brisant légèrement le charme. Par ailleurs, le dénouement demeure trop précipité après une progression habile des enjeux exposés tout au long du récit dramatique.   

La direction de Da Silva (également derrière le très réussi Et voilà un beau dimanche de passé!, de Philippe Dorin lors des plus récents Coups de Théâtre) se révèle quant à elle assez dynamique. Les prestations des deux actrices et de l’acteur suscitent une adhésion spontanée, particulièrement pour Patrick Beauchemin et Isabel Rancier, très convaincante dans un double emploi. Par contre, le jeu de leur partenaire, Élodie Grenier, ne possède pas encore toute l’intensité nécessaire pour rendre toute l’ambivalence d’une jeune fille aussi naïve que téméraire.   

Malgré certaines faiblesses, la Petite fête chez Barbe Bleue comprend fort heureusement des moments agréables et des délires imaginatifs pour suffisamment charmer petits et grands. 

20-01-2017


critique publiée en 2012

Pour les dernières heures du 12e festival Les Coups de théâtre, La Barbe bleue, célèbre conte de Charles Perreault, a installé ses pénates dans l’Arène du Théâtre aux Écuries. Petits et grands enfants, vous souvenez-vous de l’histoire? Une belle jeune femme qui, malgré sa peur de Barbe-Bleue et la réputation de celui-ci, finit par céder devant les richesses qu’il lui offre et accepte de l’épouser. Mais sa curiosité la pousse à ouvrir une porte que Barbe-Bleue lui avait pourtant défendu d’ouvrir…

Joël da Silva, auteur et metteur en scène de Petite fête chez Barbe bleue, s’était déjà intéressé à cette figure de conte il y a quelques années avec La nuit blanche de Barbe bleue, dont il reprend certaines idées dans sa nouvelle pièce. La création du Théâtre Magasin propose une relecture moderne du grand conte. Ici, le personnage central en est Blanche, une jeune fille dégourdie qui passe son temps à lire et relire La Barbe bleue.

Blanche, que ses parents laissent seule un soir à la maison pour garder son petit frère, n’a pas peur; elle a son livre préféré pour lui tenir compagnie, et son émission sur la vie de château est sur le point de commencer. Mais une invitation VIP lui parvient de la part de Barbe-Bleue lui-même, qui l’invite à son château pour une « petite fête ». Elle ne résiste pas à l’invitation et se retrouve dans un manoir hanté par le chiffre 7 : sept étoiles filantes, un gâteau à sept étages, sept papillons de nuit... et les sept femmes disparues de Barbe-Bleue.

En moins de temps qu’il n’en faut aux parents de Blanche pour quitter la scène, les spectateurs se prennent au récit de la jeune fille, curieux de savoir à quel moment l’univers du livre et celui de Blanche vont se mêler. Le texte, si semblable par sa forme à un conte, nous emporte comme des gamins. Petite fête chez Barbe bleue n’interpelle d’ailleurs pas que les enfants qui aiment ressentir un petit frisson de peur, mais aussi leurs parents. De nombreux clins d’œil leur sont directement adressés, qu’ils soient habilement glissés dans les répliques ou qu’ils se fassent entendre par des airs connus.

L’excellent texte de da Silva est bien servi par les trois comédiens de la distribution. La présence d’Isabelle Dupont, qui incarne une Blanche attachante et pétillante, dynamise à elle seule toute la pièce. Isabel Rancier offre aussi une délirante prestation dans le double rôle de la servante autoritaire de Barbe-Bleue, et d’Anne (« Anne, sœur Anne... »), l’excentrique animatrice de l’émission préférée de Blanche, et qui lui sert également de conscience. Le Barbe-Bleue de Patrick Beauchemin semble plus naïf que véritablement menaçant. Sa barbichette bleue lui donne un air particulièrement sympathique. En éternelle victime de l’histoire qui se répète, il s’interroge sur son inéluctable fin : pourquoi l’histoire finit-elle toujours comme ça?

Sur scène, sept chaises et sept poteaux forment un demi-cercle à l’intérieur duquel se déroule toute l’action. Elles représenteront tout autant les colonnes qui soutiennent le château que les anciennes femmes de Barbe-Bleue. Quelques heureuses surprises jaillissent de ce décor relativement simple, dont le superbe téléviseur où Anne ne voit jamais rien venir. Une brillante idée. À contrario, on peut déplorer la sous-utilisation des toiles en fond de scène qui servent avant tout de paravents. Pourtant, la brève apparition de Barbe-Bleue, couteau à la main, en ombre chinoise démontre bien toute la force qu’on aurait pu en tirer.

Pour le délicieux petit frisson, pour l’humour vif ou bon enfant, pour les couleurs qui illuminent ce conte revisité, et pour ses personnages attachants, il ne faut pas avoir peur de répondre à l’invitation du Théâtre Magasin et d’assister à cette Petite fête chez Barbe bleue.

26-11-2012