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Du 26 novembre 2015 au 3 janvier 2016
Terrier - Forêts, sentiers et menus trésors
pour les 3 à 8 ans
Idée originale: Les Incomplètes
Mise en scène: Carol Cassistat et Josiane Bernier
Avec Laurence P. Lafaille et Audrey Marchand

À l’image de la Cigale et de la Fourmi de monsieur de La Fontaine, nos deux sympathiques créatures sont fabu­leusement différentes l’une de l’autre. Si la première est très rationnelle, calcule et classe tout ce qu’elle trouve, la seconde, comme la Cigale ayant chanté tout l’été, est bohème et aime prendre le temps de savourer la vie. Qu’arrivera-t-il donc lorsque notre épicurienne, ayant bien profité de tous les plaisirs, aura le ventre creux ?

Cette fable joyeuse et animée sur l’amitié et l’acceptation des différences est racontée sans mots, mais avec une grande éloquence, par deux « comédiennes créatures » des plus expressives. Grâce à une impressionnante scénographie ainsi qu’à la richesse de l’univers sonore et visuel, nous voilà aussitôt happés, transportés au creux de la forêt… dans le terrier de nos deux amies ! Un rendez-vous théâtral ludique qui plaira d’emblée à tous les petits, cigales ou fourmis.

Les compagnies

Théâtre du Gros Mécano

Le Théâtre du Gros Mécano travaille à la création et à la diffusion de spectacles destinés au jeune public et à la famille, depuis plus de 38 ans. Ouverte à diverses approches de contenu et de forme, la compagnie propose un théâtre d’acteurs, de paroles et d’images, de fantaisie, de réflexion et de poésie.

Les Incomplètes

Les Incomplètes est une jeune compagnie de recherche et de création théâtrale, inspirée par la pluralité des disciplines artistiques. En résultent des œuvres mettant à contribution la poésie du corps, l’imagerie vidéo et l’environnement sonore dans un espace rapproché du spectateur.


Section vidéo


Dramaturgie: le collectif
Scénographie: Dominique Giguère
Lumières: Caroline Ross
Environnement sonore et musical: Pascal Robitaille
Menus trésors: Pascal Robitaille et Philippe Lessard-Drolet
Crédit photos: Nicola-Frank Vachon

Durée 50 minutes

Coproduction Théâtre du Gros Mécano et Les Incomplètes


Maison Théâtre
245, rue Ontario Est
Billetterie : 514-288-7211

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Dates antérieures (entre autres)

5 octobre 2014, 11h et 15h, 12 octobre 2014, 15h - les Gros Becs (Québec)

 
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Critique

Crédit photo : Nicolas-Frank Vachon

Concoctée avec soin dans la ville de Québec, en tandem par le Théâtre du Gros Mécano et la compagnie pluridisciplinaire Les Incomplètes, la pièce Terrier s’adresse plus spécifiquement aux trois à huit ans. Avec comme sous-titre forêts, sentiers et menus trésors, elle aborde des enjeux comme le sens de l’amitié qui doit être assez fort pour concilier les divergences et favoriser un meilleur vivre ensemble.    

Durant les cinquante minutes de la représentation, nous suivons les aventures de deux créatures qui peuvent ressembler à des écureuils ou des marmottes, telles que définies dans le programme, au creux de la forêt. Les deux inséparables s’apprêtent à faire leurs provisions en vue du temps plus froid à venir. Elles ramassent tout ce qu’elles trouvent : champignons, pommes, machines à écrire et même un synthétiseur. Les complices doivent pourtant apprendre à vivre avec leurs caractères aux antipodes l’une de l’autre. La première prévoit et range tout objet entrant dans leur refuge, tandis que la seconde écrit des phrases sur des bouts de papier et croque des pommes à pleines dents. Lors d’un ménage de leur logis, la plus prévoyante découvre sur le sol des traineries et des cœurs de pommes. Elle met immédiatement son amie dehors. Prenant conscience des conséquences de son geste, elle part à sa recherche.

Terrier se démarque par son absence de paroles. Les innombrables cris lancés comme moyen de communication par les deux créatures n’en font pas pour autant une proposition scénique muette. La musique demeure peu présente au cours de la proposition théâtrale. Par contre, l’histoire s’amorce avec un court extrait assez connu (et un peu cliché) où un chant d’oiseau se conjugue avec un air de flûte pour symboliser l'éveil à un monde enchanteur. Par ailleurs, la signature visuelle illustre bien l’atmosphère de la nature sauvage et de la forêt avec quelques projections vidéo et des jeux d’ombres. De longues bandes de tissus qui semblent légères comme l’air nous montrent habilement les arbres. La structure du terrier s’ouvre et se referme comme le godet d’une pelle mécanique. La scénographie de Dominique Giguère, accompagnée par les éclairages discrets et efficaces de Caroline Ross, imprègne ainsi l’ensemble par sa simplicité.

L’intérêt pour la pièce réside en majeure partie dans le jeu allumé et pétillant des deux comédiennes. Laurence P. Lafaille et Audrey Marchand sont toutes  deux épatantes dans leurs rôles de créatures curieuses et intuitives. Par ailleurs, les jeunes de l’auditoire ont grandement réagi du début à la fin à leurs mimiques ou leurs manifestations de surprise, de colère ou de joie. Une telle réponse spontanée témoigne de la complicité palpable de deux artistes dont les énergies se complètent agréablement.  

Le jeu compense également certaines faiblesses remarquées dans ce Terrier. Le développement de la trame narrative gagnerait à être peaufiné avec des repères mieux déterminés. Si les premières scènes se déroulent assez rondement, celles suivant l’élément déclencheur demeurent plus floues. Lorsque la plus paresseuse des deux se retrouve sans domicile après son expulsion, il aurait été très intéressant de la voir réagir davantage aux épreuves susceptibles de surgir après un tel changement. L’histoire, librement inspirée par la fable et La Cigale et la Fourmi de  Jean de La Fontaine, gagnerait ainsi à mieux montrer les embûches pour celle qui se trouva «fort dépourvue quand la bise fut venue». Autre déception, à un moment précis, nous voyons brièvement une ombre menaçante et nous entendons le son de la présence d’un animal peu rassurant pour les deux créatures. Pourtant, la sensation de frayeur ressentie devant un danger aussi imminent passe trop rapidement pour que nous soyons happés par l’action.  Étonnamment, des temps sans grande  progression dramatique sont perceptibles à différentes reprises. Des pistes dans la mise en scène méritaient une utilisation plus imaginative des objets, comme lorsque les deux amies s’amusent à souffler dans les tuyaux.    

À la sortie, les petits spectateurs ne se gênaient pas pour indiquer leur appréciation sur ce Terrier réellement attachant, qui sera à l'affiche tout le temps des Fêtes à la Maison Théâtre.

30-11-2015


par David Lefebvre, critique de 2014, lors du passage de la pièce aux Gros Becs de Québec


Crédit photo : Nicolas-Frank Vachon

Le Théâtre jeunesse Les Gros becs ouvre sa saison 2014-2015 avec une toute nouvelle création coproduite par le Théâtre du Gros Mécano (La Librairie, La ville en rouge) et la jeune compagnie Les Incomplètes, connue principalement pour ses spectacles Eaux et Édredon, destinés à la petite enfance. Avec l’aide de Carol Cassistat, directeur artistique du Gros Mécano, Josiane Bernier des Incomplètes aborde des thèmes un peu plus matures dans Terrier : l’amitié, les différences, la tromperie et la réconciliation.

Deux petites créatures bien curieuses (Laurence P. Lafaille et Audrey Marchand) ramassent tout ce qu’elles trouvent, de la nourriture aux branches, en passant (surtout) par les détritus des humains, comme de vieux téléphones, des lampes et autres artefacts électriques ou métalliques. Alors que la première range, note et conserve les rares victuailles dans un coffre qui sonne à la moindre ouverture des portes, l’autre crée et écrit, contemple et mange en cachette quelques croquées de pomme. Lors d’un petit ménage, la créature plus logique trouve quelques restes de pommes, et folle de colère, jette à la porte du terrier son amie, qui passera l’hiver dehors. Prise de remords, elle partira à la recherche de son amie grâce à une invention de son cru.

Sans paroles, Terrier repose donc sur la limpidité de son propos au travers des actions des deux comédiennes. Laurence P. Lafaille et Audrey Marchand proposent deux créatures des plus drôles et sympathiques ; leurs émotions sont toujours claires, leur jeu, physique, est sans failles. La scénographie de Dominique Giguère nous plonge au cœur de la forêt, grâce à des ombres et des projections simples, mais efficaces, et esthétiquement très réussies, de larges bandes de tissus translucides imitant des troncs d’arbres et un gros monticule qui s’ouvre pour nous donner accès au terrier proprement dit. Si les éclairages de Caroline Ross pouvaient être, au départ, un peu plus éloquents, pour bien séparer l’extérieur (la forêt) versus l’intérieur (le terrier), ils deviennent par contre superbes, particulièrement lors d’une nuit orageuse et de l’arrivée subite de la saison froide. La musique est peu présente : mis à part une ouverture à la Peer Gynt, mélodie archiconnue évoquant le réveil de la forêt grâce, notamment, au chant des oiseaux à la flûte traversière, l’ambiance sonore est davantage créée à partir du bruit des artefacts que ramassent les deux créatures.

Par contre, quelques choix artistiques minent la représentation. Quelques longueurs s’imposent dès le début de la représentation : si l’on aime voir évoluer dans leur quotidien les deux créatures poilues, l’élément perturbateur se fait grandement attendre, surtout après les nombreux indices disséminés au cœur de l’intrigue. Les cris des créatures deviennent rapidement répétitifs ; l’équipe rate peut-être ici une belle occasion d’incorporer quelques mots français pour accentuer le côté humoristique du « dialogue » et pour que les plus grands puissent connecter davantage avec les comédiennes. Les objets insolites surprennent nos deux comparses, mais pas assez pour qu’ils les utilisent d’une manière plus originale. De plus, la morale de l’histoire se voit écorchée. Terrier trouve quelques échos dans la fable de la cigale et de la fourmi de la Fontaine, essentiellement dans l’idée d’économiser la nourriture pour l’hiver au lieu de s’empiffrer selon notre appétit sans lendemain. Celle qui se voit chassée du nid souffre à peine de sa trahison et ne semble rien apprendre de celle-ci, alors que celle qui, pour le bien commun, protégeait la nourriture, se voit prise en défaut, rongée par les remords. Cette dernière, une fois réunies, partage sans compter le contenu de son garde-manger en signe d’ouverture. Le partage et la vie en commun sont certainement des concepts que l’on doit inculquer et faire comprendre aux plus petits, surtout avec l’entrée imminente de la garderie ou de la maternelle, mais les conflits qui résultent de ces choix se doivent d’être expliqués et compris ; il y a un temps pour le partage et un temps pour la raison, et Terrier échoue malheureusement à faire comprendre ces notions, plus poussée vers la bonne entente et l’humour. L’effort d’une réconciliation doit tout de même se faire des deux côtés, surtout lorsque tout le monde est responsable.

Cela dit, Terrier est une toute nouvelle création qui amuse petits et grands et promet énormément ; elle saura certainement corriger au fil du temps les quelques accrocs de sa mise en scène pour ainsi consolider son propos.

05-10-2014