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Du 5 au 19 novembre 2014
NoeudsNoeuds papillon
pour les 8 à 12 ans
Texte et mise en scène : Marie-Eve Huot
Avec Marie-Eve Carrière, Nicolas Germain-Marchand et Klervi Thienpont

À 11 ans, Amélie vient de perdre son père et se réfugie dans le silence. Heureusement, le souvenir d’Amelia est là pour la réconforter : Amelia Earhart, première femme à avoir traversé l’océan Atlantique en avion et principale inspiration du disparu. Suivant les pas de ce tendre ange gardien, Amélie plonge dans la grande histoire de la conquête du ciel et, parallèlement, dans la petite histoire de son père, dont elle va peu à peu comprendre les gestes et les rêves, puis apprivoiser l’absence…

Abordant avec délicatesse le deuil d’un être cher, ce spectacle à l’écriture gracieuse, qui allie théâtre et danse, émeut et ravit à la fois. Incarné par une danseuse, le souvenir d’Amelia agit comme un trait d’union entre le présent et le passé. L’enchaînement des scènes entraîne le spectateur dans une épopée pleine de vie, à la rencontre d’êtres qui ont eu le courage et l’audace de se réaliser. La direction d’acteurs, la projection d’images d’archives, les éclairages et la bande sonore captivent. On sent la fougue et la détermination, autant dans la manière de raconter l’histoire que dans le caractère de l’héroïne. La traversée d’un deuil peut être une expérience lumineuse. Nœuds papillon nous offre à cet effet une belle leçon de vol : le bonheur vient de l’équilibrage entre les forces qui tirent vers l’arrière et celles qui poussent vers l’avant.


Section vidéo


Assistance à la mise en scène et direction de production : Manon Claveau
Direction technique et éclairages : Nicolas Fortin
Décor : Cédric Lord
Environnement sonore : Benoit Landry
Costumes : Geneviève Bouchard
Projections : Francis-William Rhéaume
Photos : Marc-André Zouéki

Rencontre avec les artistes : dimanche 9 novembre, 15h

Durée 50 minutes

Aussi à Québec au Théâtre Les Gros Becs le 15 mars 2015

Une production Théâtre Ébouriffé (Montréal)


Maison Théâtre
245, rue Ontario Est
Billetterie : 514-288-7211

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 Critique
Critique

par Daphné Bathalon


Crédit photo : Marc-Antoine Zouéki

Heureux hasard, alors que Jeu consacre son plus dernier numéro de 2014 à la représentation de la mort au théâtre, la Maison Théâtre propose jusqu'au 19 novembre Noeuds papillon, dont le personnage principal, une fillette de 11 ans, doit apprivoiser l'absence de son père, mort dans un accident.

Le deuil d'un être cher est un sujet rarement traité en théâtre jeune public, pas par manque de textes - il en existe d'excellents (on n'a qu'à penser aux Pacamampo, Au moment de sa disparition et, plus récemment, Vipérine qui abordent le sujet de front) -, mais par une certaine frilosité des diffuseurs : les parents et les professeurs voudront-ils proposer ces spectacles aux enfants? Doit-on préserver ceux-ci en ne leur parlant pas de la mort? Dans la revue Jeu, Raymond Bertin souligne avec pertinence que les auteurs qui osent braver le tabou de la mort en jeune public le font pour mieux parler de la vie, de celle qui continue malgré tout, et de résilience aussi, « comme si la vie devenait alors le miroir où se reflète la Grande Faucheuse1 ».

Le texte de l'auteure et metteuse en scène Marie-Ève Huot trace un parallèle entre la conquête du ciel par les hommes et la conquête de la petite Amélie sur sa tristesse et comment elle finit par réussir à défaire les nœuds de papillon dans son ventre, à abattre le mur de silence qu'elle a érigé autour d'elle. À travers la petite histoire de son père au rêve de voler brisé par le vertige, Amélie revisite aussi la grande histoire de l'homme et son désir de conquérir le ciel ; d'Icare, qui s'est brûlé les ailes en voulant se rapprocher du soleil, aux envolées des frères Wright, en passant par les croquis inspirés de Léonard de Vinci et les exploits d'Amelia Earhart et de Charles Lindbergh. Ces parallèles avec l'histoire sont soulignés de belle manière par des projections de photos et de vidéos d'archives et quelques éléments scéniques, dont les avions bricolés en fil de fer par le père.

Incarnée par Klervi Thienpont, la jeune Amélie brille comme un petit soleil. La comédienne, qui soutient la pièce en en assurant la narration, le fait avec une énergie débordante qui ne masque jamais la fragilité sous-jacente d'Amélie. Elle n'en fait pas trop, même quand l'émotion remonte à la gorge de la fillette, même lorsque l'absence du père devient trop douloureuse pour trouver les mots. À ses côtés, Nicolas Germain-Marchand doit jongler entre le père enfant et le père adulte. Le comédien réussit mieux à nous faire croire à l'enfant qu'à l'adulte, père sans grande autorité face à une fille déterminée. Les transitions adulte-enfant paraissent d'ailleurs encore un peu floues. Entre les deux comédiens, la danseuse Marie-Ève Carrière représente tantôt la figure maternelle (plutôt absente du portrait de famille) ou de l'aviatrice, tantôt les émotions vécues par les personnages. Son apport réel à la production demeure cependant limité. Encore une fois, le théâtre ne semble avoir recours à la danse que pour exprimer en gestes des émotions, et malheureusement, les mouvements de la danseuse (dont le talent n'est pas en cause) distraient inutilement du propos.

Avec Noeuds papillon, Marie-Ève Huot ne cherche pas un sens ou une explication à la mort du père, elle célèbre plutôt la force d'Amélie, son amour pour son père et les modèles qu'il lui a donnés : des découvreurs et de courageux inventeurs. Mais c'est surtout la figure de la téméraire Amelia Earhart, première femme à avoir traversé l'Atlantique seule à bord de son avion, qui domine la pièce, faisant briller sa ténacité, son défi face aux conventions sociales de son époque et sa façon de vivre ses rêves jusqu'au bout.

La production du Théâtre Ébouriffé traite de la mort du père avec une infinie délicatesse, qui amène tout doucement les enfants sur le même chemin qu'a suivi la jeune Amélie, vers une certaine acceptation que la vie continue et que le disparu peut continuer à vivre à travers ce qu'il nous a transmis.

1 Bertin, Raymond (2014, novembre). « Raconter la mort aux enfants ». Revue de théâtre JEU, 152, p. 24.

08-11-2014