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Du 14 férier au 2 mars 2013
Petite vérité inventée
pour les jeunes 6 à 10 ans
Grande première
Texte : Erika Tremblay-Roy
Mise en scène : Gill Champagne
Avec Marie Bernier et Normand Poirier

Bien accrochée à son divan rouge tel un oisillon à son nid, la petite Emma regarde son papa quitter le cocon familial. Et d’un coup, il se dédouble sous les yeux d’Emma ! Elle a maintenant deux papas : un à la maison avec qui elle s’imagine continuer sa vie d’avant et... un clone, parti faire sa vie ailleurs. Emma, devenue grande, avec ses doutes et ses questions de maman, replonge dans ses souvenirs, avec leurs parcelles de vrai et leurs morceaux de faux. Ils lui révéleront que la mémoire finit toujours par avoir ses raisons...


Décor : Alain Jenkins
Éclairages : André Rioux
Conception sonore : Jean-Sébastien Côté
Costumes : Myriam Blais
Assistance et régie : Audrey Lamontagne

Une rencontre avec les artistes aura lieu le dimanche 17 février, après la représentation de 15 h.

Un parcours du spectateur aura lieu le samedi 23 février, à 14 h 30

Une création du Théâtre Bouches Décousues


Maison Théâtre
245, rue Ontario Est
Billetterie : 514-288-7211

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 Critique
Critique

par David Lefebvre

Il n’y a rien de plus triste que de rester derrière…


Crédit photo : Michel Pinault

Jusqu'au 2 mars 2013, la Maison Théâtre présente la toute nouvelle création du Théâtre Bouches décousues, Petite vérité inventée, d'Érika Tremblay-Roy. Un événement rare, puisque le théâtre de la rue Ontario propose habituellement des spectacles en tournée, rodés ou en reprise – une chance en or à saisir. Érika Tremblay-Roy est connue du jeune public, notamment grâce à Tante T et Autopsie d'une napkin, récipiendaire du prix Louise-Lahaie 2012, et occupera en juin prochain le poste de directrice artistique du Petit Théâtre de Sherbrooke. Entre-temps, c’est la grande dame Jasmine Dubé qui accueille ce cinquième texte de Tremblay-Roy au cœur de sa compagnie, confiant la mise en scène à un homme de théâtre d’expérience, Gill Champagne.

Dans Petite vérité inventée, texte très personnel sans être autobiographique, l’auteure nous parle d’Emma, une jeune femme en instance de séparation, qui s'était pourtant juré, gamine, de ne jamais en arriver là. Sur son divan rouge, relique et témoin privilégié de sa propre vie, Emma est déchirée entre la décision de rester ou de partir, et confronte sa réalité immédiate avec ses souvenirs, se remémorant des épisodes de son enfance, ballottée entre une maman loup, protectrice, et un papa papillon, aux ailes qui l’ont amené ailleurs.

Petite vérité inventée aborde les thèmes de la mémoire, certes, de ces événements marquants qu’on se raconte d’une autre manière, que l’on trafique, réinvente – parce que la vérité, c’est ennuyant. Mais la pièce porte aussi sur la vie des familles reconstituées, de ces « migrations forcées » et du rejet d’un des parents par l’enfant pour « haute trahison » (dixit Emma), et l’amour qui reste et qui résiste, malgré tout. On y parle d’adaptation à la réalité, par l’entremise d’une imagination débordante, peut-être même salvatrice. La pièce fut d’abord écrite sous forme de solo, mais Gill Champagne propose à l’auteure d’inclure le personnage du père, qui incarnera tout autant l’absence que la présence de celui-ci. Par ces gestes souvent comiques et sa présence relativement effacée, mais essentielle, Normand Poirier interprète cet homme issu de l’imaginaire de sa fille, sortant des cartons de déménagement, jouant au scientifique ou l’appelant quand il s’ennuie.

Tout le poids de la pièce repose essentiellement sur le jeu pratiquement sans faille de Marie Bernier, qui propose une Emma adorable, forte, impulsive, intense et révoltée, qui virevolte entre le présent et le passé dans ses vêtements d’adulte écarlate et ses bottes à talons. La comédienne (par l’entremise d’Emma) s’amuse dans la peau de tous les autres personnages qu’elle personnifie avec l’aide d’un accessoire ou d’un éclairage différent (André Rioux) : la maman et une serviette de bain, la belle-maman et sa voix singulière de sorcière, ou encore la juge, sous le faisceau d’un projecteur, qui autorise la séparation ou le droit de « demi-aimer » le demi-frère, une (fausse) décision de la cour qui mènera à la plus belle scène de la pièce, où Emma explique avec tout son cœur qu’elle sait pertinemment quand elle aime et les effets de cet amour.


Crédit photo : Michel Pinault

Si l’âge indiqué pour cette pièce est de 6 à 10 ans, les plus jeunes ont semblé éprouver certaines difficultés à tout bien saisir, notamment à cause du niveau de langage (ce qui est, en fait, une bonne chose, comme l’indiquait une maman lors de la première, on « nivelle par le haut ») et à la forme qu’emprunte le récit. La mise en scène vient ingénieusement appuyer la narration plus ou moins active de la pièce grâce à deux éléments-clés de la scénographie (Alain Jenkins). Il y a d’abord ce grand divan rouge, que l’on couche, lève, bascule et que l’on transforme allègrement et d’étonnante façon, devenant porte, cachette, cadre, entrée, grâce aux multiples ouvertures dérobées et au fond transparent rétroéclairé. Puis, ces grandes feuilles de papier bulle trainant partout, qui pétaradent dès qu’Emma met les pieds dessus, devenant couverture, robe, chevelure ; ces feuilles symbolisent tout autant la protection que le départ/déménagement, le personnel comme l’inconnu, un rempart entre nous et ce qui pourrait nous blesser.

Par sa poésie, son humour, son intelligence, sa créativité et sa justesse, Petite vérité inventée vient prouver hors de tout doute le talent de cette jeune et brillante auteure, à la magnifique plume. Si le langage, lors de certains passages, est parfois trop littéraire, la production saura assurément trouver, au fil des représentations, un juste équilibre entre la beauté des mots et la simplicité de ceux-ci. Un peu comme les papillons omniprésents dans les souvenirs d’Emma, cette création, à peine éclot de son cocon, prendra progressivement son envol et verra ses couleurs s’intensifier et s’épanouir au fil du temps.

Le texte est publié chez Dramaturges Éditeurs

15-02-2013