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Du 29 septembre au 17 octobre 2015, du mardi au jeudi 19h, vendredi 20h, samedi 16h
Voiture américaine
Présenté à la Grande Licorne
Texte Catherine Léger
Mise en scène Philippe Lambert
Avec Amélie Bonenfant, Sébastien Dodge, Rose-Maïté Erkoreka, Mathieu Gosselin, Renaud Lacelle-Bourdon, Anne-Marie Levasseur, Lise Martin et Simon Rousseau

Les huit protagonistes de Voiture américaine vont tour à tour se rencontrer dans des face-à-face singuliers alors qu’ils doivent apprivoiser leur nouveau monde, vidé de ses biens de consommation. Chacun cherche, à sa façon, à assouvir son désir, porté par son seul instinct de survie: Julie va boire, Suzanne va enfin sortir de chez elle, Richard va conduire une voiture, Jacot va échanger sa femme et Garance va se marier.

Œuvre d’anticipation lucide et allumée sur notre monde moderne, le texte de Voiture américaine révèle avec finesse et beaucoup d’esprit la psyché humaine et ses pulsions fondamentales, à travers le prisme de la peur du vide. Tout y passe: le féminisme autant que la peur de vieillir, la soumission autant que la passion amoureuse dévorante. Les rapports humains sont décortiqués jusqu’à leur plus simple expression et on rit jaune à voir s’agiter ces âmes en peine dans toute leur maladresse. 

Catherine Léger, qui a également écrit Princesses et Opium 37, remportait le Prix Gratien-Gélinas 2006 pour Voiture américaine. L’équipe de La Banquette arrière, qui a présenté à La Licorne Les Mutants et Province, porte ce texte à la scène pour la toute première fois. La mise en scène a été confiée à Philippe Lambert, qui a entre autres réalisé celles de Midsummer et de Cuisiner avec Elvis.


Section vidéo


Assistance à la mise en scène Nicolas Rollin
Décor et costumes Marc Senécal
Éclairages André Rioux
Musique Laurier Rajotte

Régulier : 32,25$
30 ans et - : 22,25$
65 ans et + : 27,25$

Tête-à-tête : jeudi 8 octobre

Production La Banquette arrière en codiffusion avec La Manufacture


La Grande Licorne
4559, avenue Papineau
Billetterie : 514-523-2246

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Critique

Lextase soumise


Crédit photo : Marie-Claude Hamel

Très étrange thème que celui traité dans Voiture américaine, interprété par la troupe de la Banquette arrières (Les Mutants, La fête sauvage), qui laisse au spectateur un sentiment mitigé, autant dans la forme que dans le fond.

Selon l’auteur de Voiture américaine, Catherine Léger, il semble que l’amour se vit à travers la soumission des femmes à des êtres exécrables, qui les considèrent purement comme des animaux, bonnes à la reproduction et à assouvir plaisirs et jeux de rôles sadiques, échangeables contre des voitures.

En fait, la question que l’on se pose, c’est pourquoi? Qu’est-ce que l’auteure veut dire à travers cet étrange texte? Que les hommes doivent s’entretuer pour pouvoir satisfaire les femmes? Que ces dernières ne peuvent connaître l’extase de l’amour qu’à travers des jeux de soumissions malsains? C’est du moins le sentiment que l’on peut avoir en sortant de cette pièce.

Pourtant, de bons éléments sont réunis pour que Voiture américaine soit une pièce invitante. Il y a la plume acerbe de Catherine Léger, dont on a pu entendre les très bons textes lors de récentes lectures, tel que Sappartenir(e), 26 lettres : l’abécédaire des mots en perte de sens, Jusqu’où te mènera ta langue. D’ailleurs, son texte monté en ce moment à la Licorne a remporté le prix Gratien-Gélinas du CEAD en 2006. Puis, un metteur en scène, Philippe Lambert, qui nous a donné les excellents Midsummer et Cuisiner avec Elvis. Finalement, la troupe de la Banquette arrière, qui ne compte que des comédiens d’expérience : Mathieu Gosselin, Rose-Maïté Erkoreka, Sébastien Dodge, Simon Rousseau, Amélie Bonenfant, Renaud Lacelle-Bourdon, Anne-Marie Levasseur et Lise Martin.

Mais quelque chose cloche. Est-ce le propos, trop rude, interprété par des comédiens qui ne semblent pas tout à fait à l’aise dans leur rôle, ou la mise en scène qui n’accroche pas? Sébastien Dodge ou Anne-Marie Lavasseur réussissent pourtant très bien à rendre leurs personnages abominables fortement antipathiques. Mais de la même façon, ceux des autres femmes, interprétés par Lise Martin, Rose-Maïté Erkoreka et Amélie Bonenfant, agacent par leur faiblesse, leur manque de jugement et leur superficialité. Hommes et femmes dans Voiture américaine nous révèlent les pires facettes de l’humain, ce qui nous rend cette heure de théâtre finalement presque insupportable.

La mise en scène soulève également quelques interrogations. Philippe Lambert fait se croiser et recroiser les personnages sans cesse, et le mouvement perpétuel manque de fluidité. Les personnages qui n’interagissent pas sont plongés dans le noir la moitié du temps, dans un grand espace épuré et sombre, et même quand ils entrent dans la lumière, celle-ci s’avère  très tamisée, empêchant de bien apprécier le jeu des acteurs. La musique ponctuelle, qui accompagne la trame narrative, est jouée en partie par l’une des comédiennes sur le piano qui trône au centre de la pièce, presque unique élément du décor, l’autre partie provenant des haut-parleurs, brisant l’attention de l’oreille du spectateur. Par contre, fait à mentionner, la conception scénographique de Marc Sénécal est intéressante : les immenses rangées de bouteilles qui font office d’arrière-scène produisent un effet visuel saisissant.

Si l’auteure voulait dénoncer et parler du fait que certaines femmes pensent trouver l’amour dans la soumission, sa Voiture américaine manque toutefois de profondeur et d’explications pour saisir l’ironie et les paradoxes du féminisme, si tel était l’objectif. On aurait préféré une réelle analyse féministe et de réelles interrogations plutôt qu’une pièce un peu bancale qui rabaisse la femme (et l’homme) à son état le plus primaire et dégradant.

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