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Du 26 octobre au 20 novembre 2015, du lundi au jeudi 19h, vendredi 20h
Les flâneurs célestes
Présenté à la Petite Licorne
Texte Annie Baker
Traduction David Laurin
Mise en scène Jean-Simon Traversy
Avec Laurent McCuaig-Pitre, Mathieu Quesnel et Éric Robidoux

Deux amis dans  la jeune trentaine  passent leur temps dans la cour arrière d’un café. Ils élaborent des théories sur l’univers, se racontent des histoires, improvisent des chansons, tout en buvant un thé bien spécial… Sommés de quitter les lieux par un employé timide, les deux marginaux parviennent à apprivoiser l’adolescent solitaire. Au fil des jours, la complicité s’installe entre eux. Ces sympathiques étrangers partageront avec lui tout ce qu’ils savent de la vie. 

La transmission du vécu est au cœur de cette rencontre. À travers des histoires de vie, d’amour et de mort, à travers une profonde passion pour la musique et les mots, on nous rappelle que la richesse de l’être humain n’est pas nécessairement matérielle. Même les oubliés et les plus pauvres d’entre nous peuvent être porteurs d’un héritage incommensurable que l’on pourra découvrir à condition de bien vouloir tendre l’oreille…

LAB87, qui a présenté à La Licorne les pièces L’obsession de la beauté et Tribus, nous revient avec cette pièce créée au Théâtre Prospero en 2014. Les Flâneurs célestes (The Aliens), de l’Américaine Annie Baker, a été traduit par David Laurin. La mise en scène a été confiée à Jean-Simon Traversy, à qui on doit entre autres celle de Constellations, présentée à La Petite Licorne la saison dernière.


Assistance à la mise en scène David Laurin
Décor Cédric Lord
Costumes Marie-Noëlle Klis
Éclairages Renaud Pettigrew
Musique Mathieu Quesnel et Éric Robidoux
Dramaturgie Maude Lafrance

Régulier : 32,25$
30 ans et - : 22,25$
65 ans et + : 27,25$

Tête-à-tête : jeudi 5 novembre

Une production LAB87 en codiffusion avec La Manufacture


La Petite Licorne
4559, avenue Papineau
Billetterie : 514-523-2246

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Dates antérieures (entre autres)

Du 25 mars au 12 avril 2014, Théâtre Prospero

 
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Critique

“Superstars d’une autre galaxie…”


Crédit photo : PL2 Studio

Dans la cour arrière d’un café, Kevin chante tandis que son ami Jasper l’accompagne à la guitare. Deux beatniks qui auraient oublié de prendre la route, des clochards célestes, pour reprendre Kerouac. Kevin et Jasper, la trentaine, regardent passer le temps entre deux gorgées d’infusion de champignons magiques et quelques compositions entonnées, nostalgie du temps où ils avaient un band aux noms multiples - Les flâneurs célestes en fut un. Des artistes qui vivent sur une autre galaxie.

Au milieu de ce duo débarque un adolescent, Evin, qui vient d’arriver comme busboy au café - on salue au passage la très juste performance du jeune Laurent McCuaig-Pitre. Il tente de faire partir les marginaux qui n’ont pas le droit de traîner dans cette cour réservée au staff. Il est mal à l’aise, propret, sérieux, avec une tête de premier de la classe : bref, le contraire des deux paumés du fond de la cour. Et cette rencontre aboutit finalement sur un trio improbable, Kevin et Jasper se prenant d’affection pour l’ado timide et coincé.

La pièce en huis clos suit leurs conversations à bâtons rompus au fil des fins d’après-midi au café, pendant lesquelles les amis évoquent la mort, l’amour, la littérature, la vie, faisant découvrir à Evin le monde à travers leur prisme de délaissés. Au français familier de Kevin et Jasper, l’ado répond dans un anglais parfaitement articulé. Les discussions bilingues, mais fluides et naturelles évoquent bien Montréal et ses deux solitudes, linguistiques, mais aussi culturelles. Les personnages semblent ainsi encore plus campés dans leurs différences.

Dans cette dualité de langues, une belle complicité s’installe entre les trois personnages, malgré le fossé évident entre eux et les malaises récurrents. C’est là la beauté de cette rencontre et de leurs échanges. La musique est très présente dans la pièce, avec les compositions de Jasper (Mathieu Quesnel, bon guitariste), qui continue à faire la bande-son de la pièce quand il ne donne pas la réplique - il offre d’ailleurs une belle reprise folk de Eye of the Tiger, tout en mélancolie. 

Ces flâneurs célestes et leur jeune compagnon contemplent le temps. Attendent. Quoi ? Ils ne savent pas. Si Kevin est allé à l’université et montre un certain génie des chiffres, il a sombré dans la folie - le comédien Eric Robidoux, plein de tics et de gestes étranges, rend par ailleurs très bien cette errance. Jasper n’a pas fait d’études, mais cite à l’envi Bukowski et philosophe sur l’amour. Il est en train d’écrire un roman, dont il lit quelques bons extraits. On se laisse bercer dans les discussions et les anecdotes, on rit, on est touché : ils sont décalés et caricaturés, mais si vrais.

Dans un décor très épuré - deux chaises en plastique bringuebalantes -, l’éclairage doré fait ressortir la noirceur qui les entoure, littéralement, mais aussi figurativement. Dans la société américaine de l’auteure Annie Backer, ces fils spirituels de Miller et Kerouac n’ont pas leur place. Ils sont désabusés et pourtant plein d’attente et d’illusions, tandis qu’ils cherchent un sens à tout ça. Cette amitié avec l’adolescent juif si ancré dans la réalité est d’autant plus belle que détonante ; tous les trois, ils brillent à leur façon, dans leur galaxie.

30-10-2015