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Du 9 mars au 3 avril 2015, du lundi au jeudi 19h, vendredi 20h - Supplémentaires les samedis 14 mars et 20 mars à 16h
Ils étaient quatre
Présenté à la Petite Licorne
Texte Mathieu Gosselin et Mani Soleymanlou en collaboration avec les interprètes
Mise en scène Mani Soleymanlou
Avec Éric Bruneau, Guillaume Cyr, Jean-Moïse Martin et Mani Soleymanlou

Quatre gars dans la trentaine, quatre grands amis, racontent une fête qu’ils ont vécue ensemble. Cette soirée, qui au début ne promettait rien d’exceptionnel, va lentement chavirer dans l’excès. À cette fête, il y avait aussi Elle. Elle, qui représente quelque chose de très différent pour chacun d’eux, mais qui les pousse, implacablement, vers les animaux, voire les monstres qu’ils portent en eux.

La compagnie Orange Noyée place la question de l’identité masculine au centre de Ils étaient quatre. Dans cette pièce à quatre voix, où le récit des événements avance, revient sur lui-même, se contorsionne, se contredit, les auteurs abordent également au passage la question de l’implication, tant personnelle que citoyenne.

Mani Soleymanlou fonde sa compagnie Orange Noyée en 2011 avec laquelle il crée les pièces Un, Deux et Trois, toutes remarquées par le public et la critique. Un fut jouée une centaine de fois au Canada et à l’étranger, notamment au Théâtre national de Chaillot à Paris. Mathieu Gosselin, que nous connaissons pour Province et La fête sauvage, deux oeuvres créées à La Licorne, signe ce texte en collaboration avec les quatre comédiens.


Section vidéo


Assistance à la mise en scène Jean Gaudreau
Décor Max-Otto Fauteux
Éclairages Erwann Bernard
Musique Philippe Brault

Régulier : 32,25$
30 ans et - : 22,25$
65 ans et + : 27,25$

Tête-à-tête : jeudi 19 mars

Une production Orange Noyée en coproduction avec le Théâtre Français du CNA


La Petite Licorne
4559, avenue Papineau
Billetterie : 514-523-2246

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 Critique
Critique

par Daphné Bathalon


Crédit photo : Jérémie Battaglia

Après Un, Deux et Trois, Mani Soleymanlou remet la table avec Ils étaient quatre, qu’il cosigne avec Mathieu Gosselin. Toujours intéressé par la notion d’identité, l’auteur et comédien se penche cette fois plus précisément sur l’identité masculine québécoise. Gosselin et Soleymanlou donnent la parole à quatre trentenaires, comédiens et grands amis depuis l’École nationale de théâtre. Quatre gars ordinaires, amateurs de party, mais parvenus à des points bien différents de leur vie. Ils racontent à un public devenu confident comment une fête a dérapé au point de sombrer dans l’excès et de révéler leurs pulsions animales. Une soirée qui a mené à un événement qui les a à la fois rapprochés et irréversiblement éloignés.

Il flotte sur cette production de la compagnie Orange noyée un parfum outrancier guidé par la MDMA, avalée par les quatre amis au début de la fête. Plus qu’un trip sous les influences de l’ecstasy, la soirée sera le théâtre de bien des révélations sur eux-mêmes et se fera le miroir d’une certaine trentaine au masculin en perte de repères (pour une vie professionnelle réussie, pour des relations de couple épanouies, pour un modèle de père idéal, pour une opinion politique tranchée, etc.).

De plus en plus intoxiqués, par la fête, par la drogue, par la fille, les trentenaires se font en effet moins lucides. Une dynamique s’installe entre les quatre hommes et la fête, monstrueuse, excessive, charnelle, bref gargantuesque. Et quand ils s’y abandonnent complètement, au mépris des conséquences, la musique submerge tout, les amis y perdent toute clarté de pensée, deviennent pulsions et corps en mouvements. C’est là où tout dérape.

Soleymanlou et Gosselin jouent sur l’aspect documentaire de la pièce, mêlant allègrement exagérations et inventions à de vrais éléments tirés de la vie de leurs acteurs. Ils le font si habilement qu’on en oublie vite de tenter de départager le vrai du faux. De fait, la construction temporelle du spectacle rend le récit hautement captivant. Avec une plume aiguisée et pleine d’autodérision, les auteurs abordent tous les sujets, des inévitables babyboomers aux impôts pour les riches en passant par le rapport à l’argent, à la politique, aux femmes, sans verser dans le cliché, même si on le frôle parfois. Entre confidences sur les peurs personnelles et opinions tranchées sur la société, la fête menace chaque fois de tout emporter dans une musique rave, dance ou techno.

Dans la peau des quatre amis, Mani Soleymanlou, Guillaume Cyr, Éric Bruneau et Jean-Moïse Martin sont solides et démontrent une réelle écoute dans la portion chorale, où le public n’entend que des portions de dialogues au milieu des confidences. Leurs personnages, en dépit de leurs défauts et de leurs actions, sont profondément attachants. Et on rit beaucoup avec eux, de leurs travers ou parce qu’on se reconnaît dans leurs interrogations, dans leurs doutes, dans leurs réactions. Les auteurs ont beau s’être penchés sur les réflexions d’hommes dans la trentaine, certaines réactions sont tout simplement humaines.

Plus que le récit d’une veillée où quatre amis ont perdu tout contrôle sur eux-mêmes, Ils étaient quatre offre une vision « éclairante » sur la trentaine au masculin et surtout sur la force des liens d’amitié qui les unissent. On n’en est que plus impatient de découvrir ce que l’auteur nous prépare pour la suite de sa Trilogie cocktail.

13-03-2015