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Du 24 septembre au 5 octobre 2013, 20h - supplémentaires vendredi 4 oct. 22h et samedi 5 oct. 15h
DeuxDeux
théâtre - première mondiale
Texte Mani Soleymanlou avec la participation d’Emmanuel Schwartz
Mise en scène Mani Soleymanlou
Avec Emmanuel Schwartz et Mani Soleymanlou

DEUX is made in Québec ! DEUX reprend où UN a terminé. DEUX raconte la rencontre entre deux êtres humains : celui que le public a rencontré dans UN, Mani Soleymanlou, Iranien exilé au Canada, ayant vécu à Paris, Toronto et Ottawa ; et un deuxième être humain, un natif de Montréal, de père juif anglophone et de mère chrétienne francophone, Emmanuel Schwartz. DEUX raconte l’histoire de deux citoyens d’une même ville, de la même province, du même pays, qui malgré leur passé si différent, aujourd’hui, font face aux mêmes questions identitaires. Ce spectacle complète, densifie, brouille, reprend ou bien annule tout ce qui était abordé dans UN. Comme quoi la présence d’un Autre, complexifie parfois la chose.

ORANGE NOYÉE
Orange Noyée est une compagnie de création fondée à Montréal en 2011 par l’acteur Mani Soleymanlou. La compagnie tient son nom d’une tradition persane. Lors du Nouvel An iranien, parmi d’autres éléments qui décorent la maison, on trouve un bol d’eau à l’intérieur duquel flotte une orange. L’orange représente la terre, l’Humain, flottant dans son univers, le bol d’eau. L’appellation Orange Noyée évoque la noyade, la terre, dans son univers. L’idée que nous sommes submergés par notre temps, notre époque, est au cœur de la réflexion d’Orange Noyée et des artisans qui y œuvrent. DEUX est la deuxième création de la compagnie.


Lumière Erwann Bernard
Conception sonore Larsen Lupin
Regard extérieur Alice Ronfard
Photo Jérémie Battaglia

2 SUPPLÉMENTAIRES pour DEUX !! Vendredi le 4 oct à 22h
et samedi le 5 oct à 15h

Une présentation de La Chapelle
Une production Orange Noyée


La Chapelle
3700, rue Saint-Dominique
Billetterie : 514-843-7738

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 Critique
Critique

par Pascale St-Onge


Crédit photo : Jérémie Battaglia

C'est qu'il était attendu, ce spectacle DEUX !Après un succès critique et même à l'international de UN, Mani Soleymanlou nous revient à la Chapelle, exactement dans le même décor qu'UN, afin de pousser plus loin sa propre réflexion, de la confronter à la présence et la parole d'un autre, bref, afin de tout remettre en question suite aux réactions qu'a suscitées UN.

Cet Autre, il s'agit d'Emmanuel Schwartz, grand ami et partenaire de scène, qui reprend certaines lignes de UN, sous la direction de Mani Soleymanlou. Cette direction faite en scène au tout début du spectacle souligne déjà la confusion et le malaise que le créateur des deux spectacles porte suite à son premier opus. Le filon du spectacle est clair : il faudra tout mettre à terre pour bâtir une réflexion nouvelle. Mais voilà que le public est témoin des multiples brouillons et tentatives qu'a empruntés le spectacle, puisque tous ces essais y sont intégrés d'une manière ou d'une autre. Cette fois, la théâtralité est complètement assumée. L'impression d'assister à une répétition, Emmanuel Schwartz qui tente d'incarner le « personnage » de Mani Soleymanlou, ou encore ces notes adressées au public concernant le processus du spectacle vont exactement dans ce sens, contrairement à UN, où tout nous était présenté comme une conversation à grand déploiement plutôt qu'un événement théâtral à part entière.

Mais il serait erroné de demeurer simplement dans la comparaison des deux spectacles, bien que celle-ci est incontournable. DEUX se distingue grandement de son prédécesseur. La première partie s'affaire principalement à faire un retour sur UN, à discuter des différentes réactions du public qui s'attendait parfois à quelque chose d'autre apparemment. Il revient sur comment la question identitaire, qui était le moteur de cette création, a été brouillée au Canada anglophone par la question souverainiste, notamment. Une forme d'obsession s'installe autour de l'idée de « l'homme-immigrant », qui fera place au noyau du spectacle : « Tant que j'existerai, l'Autre existera ». À partir de ce moment, Mani Soleymanlou entraîne son ami dans son questionnement, dans sa quête d'appartenance en forçant les liens entre leurs deux histoires. Emmanuel Schwartz est donc emporté malgré lui, bien qu'il ne se sente pas concerné par cette question. Pourtant, l'acteur possède lui-même une identité multiple (père juif anglophone, mère francophone chrétienne), mais il clarifie rapidement la situation : il ne veut pas en parler sur cette scène. Il ne ressent pas ce besoin qui a animé Mani Soleymanlou jusqu'à le pousser à la création de UN. « Je la vis pas ta quête ».


Crédit photo : Jérémie Battaglia

Par ce refus de dialogue, de partage d'histoires identitaires, le spectacle aurait dû s'enfoncer dans un cul-de-sac. C'est du moins ce qu'on nous avoue indirectement sur scène, mais cet échec est récupéré et transformé, devenant ainsi l'enjeu réel de DEUX. La sincérité et l'humilité face au processus de DEUX et face aux conséquences réelles de UN nous sont présentées sans artifice, tout en gardant les grandes qualités scéniques qu'on retrouvait déjà dans UN : l'humour, l'authenticité et la simplicité efficace de la mise en scène. Certes, concernant la question identitaire, il y a moins de précision de la pensée dans DEUX, mais cela met en lumière toute la complexité d'un débat, nuance la question, qui nous rappelle immanquablement le débat sur la Charte des valeurs québécoises qui anime présentement notre scène publique.

Une fois de plus, Mani Soleymanlou vise juste et demeure un écho direct avec son époque et notre contexte actuel. Mais cette fois, en nous présentant toutes les embûches qu'il a rencontrées dans le processus et dans la construction de sa pensée sur la question, il nous prouve que ce débat n'est pas simple, que chacun le vit différemment et que la solution ne se trouvera pas facilement. Lui-même revient à la case départ, bien que la pensée ait évolué grandement. Glissant déjà un mot sur TROIS dans les médias, on ne peut qu'être enthousiaste de poursuivre cette quête avec lui.

29-09-2013