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Du 14 au 25 mai 2013, 20h
L'enclos de l'éléphantL'enclos de l'éléphant
Texte Etienne Lepage
Mise en scène Sylvain Bélanger
Avec Paul Ahmarani et Denis Gravereaux

Sur scène, un homme, confortablement installé chez lui, consent à laisser entrer un inconnu, le temps d’une averse. Mais ce dernier parle. Il parle tant que ses mots envahissent tout. Plus il parle, moins on comprend ce qu’il veut. Ce qui a toujours été clair devient tortueux, et lentement, la parole fait couler dans l’oreille de l’hôte un venin étrange et hypnotique.

Dans ce spectacle inspiré du système carcéral du panoptique, chaque spectateur est isolé dans une cabine le temps de la représentation. Une caméra le filme et un moniteur présente en temps réel les images filmées de la cabine d’un autre spectateur.

Entre la scène et la salle, s’entrechoquent l’insécurité des temps présents et la dérisoire obsession de la surveillance. Bienvenue dans un microcosme : celui où vous êtes seul face aux terreurs sourdes qui sous-tendent votre quotidien.

Responsabilité individuelle et insécurité, voilà les deux paramètres de cette collaboration du Théâtre du Grand Jour avec l’auteur Étienne Lepage. Ce dernier a l’habitude de propulser sur scène des personnages ne laissant entrevoir qu’une partie d’eux-mêmes, des personnages qui ne disent pas tout, mais qui se trahissent, ouvrant les portes de gouffres terrifiants.

Le Théâtre du Grand Jour explore depuis douze ans les mutations de la responsabilité individuelle dans le contexte actuel de désagrégation de l’identité citoyenne. Les événements inclassables comme Le sommet sur l’engagement, Mai 2002 ainsi que les lectures minutieuses de textes relevant d’une dramaturgie de la virulence comme Venise-en-Québec et Autodafé d’Olivier Choinière, Cette fille-là de Joan Macleod, ou encore 2025 l’année du serpent de Philippe Ducros, Moi chien créole de Bernard Lagier et Terrorisme des frères Presnyakov en témoignent.

Le Grand Jour crée un théâtre qui, par ses conventions, fait en sorte que le spectateur ne puisse pas échapper à une forme de responsabilisation. Alors que l’économie de marché est présentée comme un phénomène « naturel », que les individus se considèrent comme des consommateurs et non comme des citoyens, que l’espace politique est trompé par l’instrumentalisation commerciale, comment utiliser le théâtre pour repenser concrètement la responsabilité de l’individu face à la collectivité?


Direction de production Marie-Hélène Dufort
Scénographie et costumes Romain Fabre
Assistance à la mise en scène et régie Jean Gaudreau
Direction technique Louis Héon
Conception sonore Larsen Lupin
Eclairages André Rioux

Vendredi 17 mai à 20h15 (après la représentation de 18h30) – Entrée libre
Quelles formes la rhétorique de la persuasion prend-elle aujourd’hui, que ce soit dans les relations interpersonnelles, économiques ou politiques?
Invité : Alexandre Motulsky Falardeau
Animateur : Paul Lefebvre

Jeudi 23 mai à 19h, suivi d'une discussion avec l'équipe de création

Régulier: 34$
Moins de 30 ans: 29$
Prévente: 24$, offre valable jusqu'au 14 mai pour les représentations des 15, 16, 17 et 18 mai.

Carte Prem1ères
Cartes Prem1ères
Date Premières : du 14 au 18 mai
Carte premières : 15$

Création Théâtre du Grand Jour, coproduction FTA


Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191

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Dates antérieures (entre autres)

Créé au Festival TransAmériques les 4, 5, 6, 7, 8 juin 2011 / du 23 août au 10 septembre 2011, Espace Libre

 
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 Critique
Critique

par Gabrielle Brassard


Crédit photo : Yanick MacDonald

L’enclos de l’éléphant, d’Étienne Lepage (Rouge Gueule, Robin et Marion), est reprise pour la troisième fois à Espace Libre. La pièce s’avère toujours aussi percutante et originale.

L’histoire, en apparence banale, d’un homme demandant à un autre homme refuge chez lui le temps d’une averse, nous entraine dans une manipulation mentale et physique hors de l’ordinaire, faisant monter la tension jusqu’à la toute fin du spectacle.

Paul Ahmarani mène le bal, toujours aussi juste et passionné par les rôles qu’il incarne, celui-ci n’y faisant pas exception. Son comparse, Denis Gravereaux, n’est pas en reste. S’il parle peu, il est essentiel au jeu d’Ahmarani, et c’est lui qui fait basculer l’intrigue à un autre niveau.

Si cette histoire de deux étrangers qui se rencontrent peut paraître simple, elle fait réfléchir non seulement sur la nature humaine, ses bas instincts et ses réactions, mais nous ramène également à la bonne vieille économie du marché… mais à quel prix?

La force, donc,  de cette pièce, outre une excellente interprétation des comédiens et un texte bien ficelé, est sans conteste la géniale mise en scène de Sylvain Bélanger (Le Grand Jour, Les Mutants). Petit changement à noter : les écrans, qui filmaient auparavant les spectateurs, ont disparu ; peut-être étaient-ils vus comme une distraction pour le public et n’apportaient que peu de chose à l’ensemble. Débarrassés de ce stimulus visuel, les spectateurs se concentrent maintenant sur les comédiens… et sur les uns les autres. De plus, le fait d’isoler le spectateur par des cloisons et de ne pas lui permettre de voir ses voisins d’à côté, mais plutôt ceux d’en face, le place dans une étrange sensation, contribue à l’enfermer dans une angoisse certaine et rend l’expérience théâtrale unique et originale. La voix d’Ahmarani, parfois très basse, est amplifiée par de petits haut-parleurs intégrés aux petits murs de fortune. L’effet, bien que subtil, est percutant.

Très intéressante pièce que cet Enclos, autant dans son propos que dans sa forme. À Espace Libre jusqu’au 25 mai.

17-05-2013



par David Lefebvre (août 2011)

L'enclos de l'éléphant
Crédit photo : Yanick MacDonald

Créée lors de la cinquième édition du Festival TransAmériques en juin 2011, L’enclos de l’éléphant est présentée en reprise entre les murs de l’Espace Libre jusqu’au 10 septembre. Ce texte très solide d’Étienne Lepage (Rouge Gueule, Kick) propose une incursion chez Alexis (Denis Gravereaux), tranquille médecin, qui accueille un peu malgré lui un énergumène répondant au nom de Paul (Paul Ahmarani), qui désire simplement, à priori, s’abriter de la pluie qui menace. Mais Paul ne fait que parler, débitant des phrases sans arrêt, et amenant Alexis au cœur d’une relation de plus en plus intense et vicieuse. Un jeu trouble mêlé à une puissante force de suggestion, de manipulation de la conscience et de l’innocence. Mais que veut réellement Paul?

Les deux acteurs prennent place et s’affrontent au centre d’un plateau en forme d’arène, de type panoptique, amplifiant du coup cet effet de duel, de jeu et d’omniprésence. Les spectateurs, assis inévitablement autour, sont individuellement séparés par des panneaux-caches : nous sommes seuls, enfin, presque, avec les deux personnages et toute la tension, la vulnérabilité et l’insécurité qui peut en résulter. Le spectateur se veut ainsi tout aussi présent à l’intérieur de l’œuvre qu’en retrait. La proximité physique des acteurs est accentuée par de petits haut-parleurs emboîtés dans les panneaux, nous permettant ainsi d’entendre distinctement le quasi-monologue de Paul et les répliques d’Alexis, et ce, à chaque instant, où qu’ils se trouvent. La mise en scène et la direction d’acteur de Sylvain Bélanger, instigateur du projet, sont minutieuses, jouissives : l’un des grands intérêts de L’enclos de l’éléphant est de voir évoluer le personnage de Paul et d’apprécier les multiples nuances dans le jeu du talentueux Paul Ahmarani, non seulement  dans le ton de sa voix, mais dans toute l’ambigüité de son corps qui se tend et se détend, jusqu’au creux de chaque expression faciale qui se crispe, s’enjolive, se refroidit ou explose. Si Denis Gravereaux n’a que très peu de texte, il fait preuve d’une grande écoute, campant un Alexis très présent, totalement atteint par cette situation si incongrue. Malgré sa carrure, l’homme se laisse imposer cette présence chez lui ; il embarque dans le jeu, se fait lamentablement manipuler par l’inconnu de multiples façons. Et le public aussi, par le fait même. Où est la sincérité, la vérité, quelles sont les limites que l’on s’impose à soi-même lorsqu’on subit une agression sournoise, perverse? Jusqu’où peut-on consentir?

Fascinante, cette création du Théâtre du Grand Jour avait conquis public et critiques lors de sa création ; L’enclos de l’éléphant se veut une expérience théâtrale non conventionnelle, d’une grande pertinence dans sa façon d’aborder les mécanismes d’imposition et de la persuasion jusqu’à l’envahissement.

24-08-2011