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Du 22 au 26 mai 2012
Outrages ordinairesOutrages ordinaires
Textes Julie Gilbert
Conception et mise en scène Frédéric Choffat, Fabrice Huggler, Julie Gilbert
Avec Delphine Wuest, Julia Perazzini, et la participation de Vincent Bonillo

Il paraît que le héros est celui qui se distingue par ses exploits ou son courage extraordinaire. Alors qui ? Puisqu’apparemment ce ne sont pas ces migrants, ces colonnes d’hommes et de femmes qui traversent champs de mines, mers, barrages, déserts pour arriver jusqu’à chez nous. Chaque jour en ouvrant les journaux, en côtoyant les gens, je me demande combien de temps encore croirons-nous aux frontières que l’on érige… Je me demande si je serais capable de traverser la mer sur une planche en bois. Je me demande si cet homme assis dans le tram serait capable de marcher dans le désert pendant cinq jours.

Outrages ordinaires est né de nos révoltes et de nos impuissances. Le cri qui en est resté est un texte-poème, une pensée sur les questions migratoires, interrogeant nos forteresses et nos replis. Et comme Mahmoud Darwich, je voudrais dire : « J’ai choisi d’être un poète troyen. Je suis résolument du camp des perdants. Les perdants qui ont été privés du droit de laisser quelque trace que ce soit de leur défaite, privés du droit de la proclamer. J’incline à dire cette défaite; mais il n’est pas question de reddition. »

Julie Gilbert écrit pour le cinéma, essentiellement avec le réalisateur Frédéric Choffat (La vraie vie est ailleurs, Mangrove, Soledad) et depuis quelques années pour le théâtre (Nos roses, ces putains, Les 13 de B., My swiss tour) autant de textes et de scénarios traversés par la question de l’exil et de l’identité. Durant la saison 2010/11, elle a été en double résidence dans les Théâtres du Grütli/Gru et St Gervais à Genève. A travers sa jeune compagnie Le cri du Tigre, elle mène essentiellement des performances, Sexy Girl, Droit de Vote, interrogeant notamment la place des femmes dans la société, ainsi que Les poèmes téléphones  à propos d’une possible résistance poétique. En automne 2011, Michèle Pralong et Maya Boesch, les directrices du Théâtre du Grütli/Grü ouvrent au cœur de leur théâtre dédié à la scène expérimentale et pluridisciplinaire, une zone d’écriture. Une zone ? Oui une zone avec trois cellules blanches comprenant lit, table de travail et cafetière. C’est là que Julie Gilbert a passé plus de trois mois et a écrit Outrages Ordinaires. L’auteur a ensuite convié ses associés de toujours, Frédéric Choffat, cinéaste et Fabrice Huggler, metteur en scène pour créer ensemble cette forme qui part du théâtre, du plateau pour arriver du côté du cinéma.


Images et conception sonore Frédéric Choffat
Photo Christophe Chammartin

Du mardi au samedi à 20h
Mercredi 23 mai à 21h30, Projection du film Walpurgis de Frédéric Choffat
Jeudi 24 mai à 19h, suivi d’une discussion avec l’équipe de création animée par Philippe Ducros
Vendredi 25 mai à 18h30, suivi d’une table ronde animée par Paul Lefebvre (CEAD).
Avec Akli Aït Abdallah (Radio-Canada), Marie Mc Andrew (CEETUM), François Crépeau (ONU)

Régulier : 33$
Étudiant : 26$
Prévente : 24$  Offre valable jusqu’au 21 mai pour les représentations du 22 et 23 mai .

Carte Premières
Cartes Prem1ères
Carte Prem1ères 14,50$

Toutes les représentations

Production Théâtre du Grütli/grü et Le Cri du tigre
Codiffusion Espace Libre


Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191

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 Critique
Critique

par Sara Fauteux


Crédit photo : le Cri du Tigre

Jusqu’au 26 mai, l’Espace Libre accueille Le Cri du Tigre avec Outrages Ordinaires, un spectacle créé à Genève en 2011. La troupe y traite des sujets qui le taraudent toujours, ceux de l’exil et de l’identité, à travers la question de migrants illégaux partout dans le monde. Composé de collaborateurs aux intérêts multiples, Le Cri du Tigre envahit la scène de manière singulière avec des interprètes, des projections, une scénographie, mais aussi et surtout, avec un texte.    

C’est dans une ambiance onirique installée par une musique envoutante et un espace épuré et immaculé que les spectateurs sont conviés à s’installer autour d’une grande table pour assister au spectacle. Parmi eux, les actrices sont également attablées. Elles écoutent comme nous leurs images scandant un long flot de paroles, projetées sur les écrans de toile déployés de part et d’autre de la table, fermant l’espace de chaque côté, avant de se lever pour prendre la relève de ce double virtuel.

Le texte de Julie Gilbert s’appuie sur une poésie remarquable et une puissante rhétorique qui porte loin. Ses mots nous parlent du long et difficile périple jusqu’à la frontière, des souffrances inouïes de ce chemin et des espoirs qui le rendent possible. Délaissant la narration au profit du vertige des mots, le texte se joue habilement des pronoms personnels. Dans ce récit sans personnages ou presque, le ils, le nous, le vous, le je, le tu se côtoient pour laisser entendre une parole qui nomme l’autre et soi-même avec la même aisance.

Malheureusement, le dispositif scénique mis en place pour mettre en scène cette écriture est peu convaincant. L’utilisation des projections durant la majeure partie du spectacle installe une froideur, une distance qu’on ressent même lorsque les interprètes, assises parmi nous, prennent parole. Le contraste qu’on a cherché à créer entre le corps et l’image du corps sur l’écran n’est pas du tout inintéressant à réfléchir, mais sert mal le propos. Le concept ne transcende pas la scène et le cri lancé dans Outrages Ordinaires nous atteint comme un murmure.

25-05-2012