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Du 7 février au 8 mars 2012, supplémentaires 9 mars 20h, 10 mars 16h
InventionInvention du chauffage central en Nouvelle-France
Texte Alexis Martin
Mise en scène Daniel Brière
Avec Émilie Bibeau, Benoît Drouin-Germain, Luc Guérin, Pierre-Antoine Lasnier, Alexis Martin, Carl Poliquin, Danielle Proulx, Marie-Ève Trudel

L’invention du chauffage central aborde le thème du grand choc thermique et de ses retentissements sur notre destin collectif. Le thème du froid, comme métaphore de la vie humaine: le froid comme mort cellulaire, comme désertion des sentiments, comme abandon, mais aussi comme expression de pureté, comme hygiène…Seront au programme : les voyages de Champlain et ses contacts avec les Amérindiens; l’incompréhension du père Lejeune envers les Montagnais cet hiver-là ; la lutte de René Lévesque pour l'électrification des campagnes; la difficile adaptation au froid de février de Djemila de Marrakech, qui a marié un ingénieur québécois… Et nombre d'autres personnages prisonniers des glaces.Le NTE propose avec force et enthousiasme de représenter l'histoire du Canada français, de 1608, lors de la « fondation » de Kébec par Champlain, jusqu'à la crise du verglas de 1998. Dans ce diptyque mémoriel, tous les sauts sont possibles et la machine à démonter le temps est bien lancée !

L’Invention du chauffage central est le premier volet d’une saga en trois parties, qui explore toujours la même chronologie (1608-1998), mais à chaque fois sous un angle différent.

Deuxième volet : Les chemins qui marchent (2013)
Troisième volet : Le pain et le vin (2014)

Le matériau historique a toujours été pour les créateurs du NTE un aliment fondamental de leur théâtrographie; Hitler, Précis d’histoire générale du théâtre en 114 minutes, Vie et mort du Roi Boiteux, Mao Tsé Toung ou Soirée de musique au consulat, Transit-section no 20. Les formes artistiques qui se sont déployées dans l’espace et le temps n’ont pas fini de nous hanter et de reconstruire ce que nous appelons le nouveau… d’ailleurs, le nouveau a une histoire! Cette histoire nous intéresse particulièrement puisqu’elle met en cause la mode et la modernité : nous demandons encore: qu’est-ce que le théâtre… et puis encore: qu’est-ce que le nouveau?...


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Scénographie: Michel Ostaszewski
Costumes: Judy Jonker
Éclairages: Nicolas Descôteaux
Conception sonore: Anthony Rozankovic
Conception vidéo: Yves Labelle
Directeurs techniques: Richard Desrochers et Jim Savignac
Régie: Colette Drouin

Du mardi au samedi à 20h 
Vendredi 10 février à 18h30 (suivi d'une table ronde)
Jeudi 16 février à 19h (suivi d'une discussion)

Production : NTE
En codiffusion avec le Festival Montréal en lumière


Espace Libre
1945, rue Fullum
Billetterie : 514-521-4191

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 Critique
Critique

par Olivier Dumas


Crédit photo : Michel Ostaszewski

Lors d’une entrevue accordée à un quotidien montréalais, Alexis Martin disait beaucoup apprécier l’hiver, mais qu’il trouvait trop longue cette saison emblématique de l’imaginaire québécois. Le même jugement pourrait s’appliquer pour témoigner de l’appréciation de sa nouvelle création ambitieuse, L’invention du chauffage central en Nouvelle-France.

D’une durée avoisinant les trois heures avec l’entracte, le premier volet d’une trilogie prometteuse du Nouveau Théâtre Expérimental se penche sur le thème du froid et de ses composantes échelonnées sur une période de quatre siècles, soit de l’arrivée de Samuel de Champlain en Amérique jusqu’à la crise du verglas en 1998. Dans un enchaînement de scènes éclectiques qui ne se suivent pas chronologiquement, différents événements des plus graves aux plus cocasses se succèdent : les premières relations avec les peuples amérindiens, la célèbre tempête hivernale de 1971, la nationalisation de l’électricité par René Lévesque. Même l’équipe de production de la série télévisée Radisson vient s’immiscer, cette fois-ci en deuxième partie du spectacle.

Dans sa trajectoire artistique, Alexis Martin aime revisiter les mythes, personnages et symboles, autant dans la petite que dans la grande histoire. L’invention du chauffage central en Nouvelle-France s’inscrit dans cette lignée par son texte qui s’amuse à éclairer des pans de notre destinée collective en exposant les ruses et failles du caractère humain. Plusieurs chansons (dont une allusion au célèbre poème d’Émile Nelligan Soir d’hiver) font les liens entre les différentes actions soutenues qui demeurent malgré tout d’un intérêt inégal. Par exemple, l’enlèvement d’un comédien «colonisé de l’intérieur» par un groupe terroriste rappelle à notre mémoire la célèbre Crise d’octobre. Le traitement réservé ici paraît plutôt anecdotique, surtout si l’on compare avec des œuvres qui ont mieux cerné cet événement, comme l’excellent Octobre de Pierre Falardeau. La ramification entre cette page politique importante et le thème fédérateur de la pièce, soit le rapport au froid, demeure également sinueuse et peu concluante.


Crédit photo : Michel Ostaszewski

Mais ce qui ressort surtout du travail du dramaturge, c’est une volonté sincère de s’approprier ou de se réapproprier notre histoire québécoise, de laisser une trace tangible à une époque où la mémoire vacille à une vitesse inquiétante et où l’acculturation constitue une menace grondante pour les civilisations occidentales. Deux passages se démarquent du lot par leur portée engagée. Dans le premier, Alexis Martin personnifie le pédagogue Gaston Miron qui enseigne à un Pierre Lebeau (Benoit Drouin-Germain) la nécessité de vaincre nos peurs intrinsèques en puisant au fond de soi dans la chaire de nos mots. Dans le second, le même Alexis Martin incarne un professeur qui constate la minime place accordée aux arts dans nos sociétés capitalistes qui ne s’exprime que dans le langage de l’économie et de la rentabilité.

Quant à la mise en scène de Daniel Brière, elle surprend par son ingéniosité à recréer les nombreuses époques avec des moyens sobres et seulement quelques accessoires. L’enchaînement des scènes se réalise harmonieusement dans une scénographie de Michel Ostaszewski, composée d’un espace rectangulaire entouré de panneaux vitrés que les comédiens déplacent à certains moments de transition. L’effet de récréer de la neige qui tombe du ciel apporte une touche poétique à l’ensemble.

Fidèle à sa tradition, le Nouveau Théâtre Expérimental constitue un terrain de jeu idéal où les acteurs et actrices s’éclatent loin de la psychologie traditionnelle des personnages. L’ensemble de la distribution en profite allègrement. Mentionnons la truculence de Luc Guérin en début de représentation, les prestations allumées d’Émilie Bibeau ainsi que le duo savoureux mère-fils de Benoit Drouin-Germain et Danielle Proulx dans un logement de Montréal au moment de la tempête de 1971. Pierre-Antoine Lasnier, Alexis Martin, Marie-Ève Trudel et Carl Poliquin sont également très justes. Par contre, la présence d’une petite fille, perdue dans la ville - rappelant un fait divers -, et celle d’un magnifique chien noir se révèlent plus accessoires qu’un choix véritablement éclairant ou innovateur quant au concept.

Malgré une deuxième partie qui étire la sauce et certaines idées moins bien exploitées, L’invention du chauffage central en Nouvelle-France permet au NTE d’amorcer de manière prometteuse son nouveau triptyque. La plume d’Alexis Martin revisite avec éclat le rapport conflictuel d’un peuple avec le froid depuis son arrivée en sol nord-américain. Et tous ses collaborateurs témoignent de cette vision, qui aurait certainement plus à Ronfard, dans un terrain d’exploration propice au deuxième volet en 2013, Les chemins qui marchent

10-02-2012