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Les Bâtisseurs d'empire ou le Schmürz
Du 27 septembre au 21 octobre 2017
Dates publiques : du 28 septembre au 21 octobre 2017, du jeudi au samedi
(représentations de 20h, samedi 16h)

Ami secret, confident, animal de compagnie, victime, prisonnier, bourreau, conscience, fantôme, mais qui est donc ce Schmürz ? La vie pourrait être si simple sans lui, sans cette chose qu’on voudrait bien ignorer. Et comment s’en débarrasser ?

Déglingue redoutable à l’humour atypique, Les Bâtisseurs d’empire, pièce écrite en 1957, trace en caractère oblique le portrait d’une famille bourgeoise, microcosme d’une société en recherche de règles claires. Si les faux semblants du père comme de la mère attisent la révolte de leur adolescente Zénobie, tous cependant, incluant leur servante, participent malgré tout à cette recréation d’un monde systémique où le jeu des rôles est loi. Mais, le logement se fait de plus en plus petit, la famille s’évapore et le Schmürz est toujours là.

Jouée deux ans après la mort de Vian, cette pièce majeure de son œuvre, fascine par la limpidité de son absurdité. Éminemment intime, cette œuvre à la fois drôle et anxiogène questionne l’espèce humaine, ses peurs, sa moralité. L’auteur de Lécume des jours et brillant jazzman, crée ici un suspense revanchard qui s’amuse à se demander s’il faut sacrifier l’autre pour bâtir son propre empire ?

Le metteur en scène Michel-Maxime Legault plonge avec sa manière précise et son ton narquois dans cette dispute entre l’engagement et le détachement.


Texte Boris Vian
Mise en scène Michel-Maxime Legault
Avec Olivier Aubin, Josée Deschênes, Marie-Pier Labrecque, Gabriel Sabourin, Sasha Samar et Marie-Ève Trudel


Crédits supplémentaires et autres informations

Scénographie Jean Bard
Costumes Marc Senécal
Lumières David-Alexandre Chabot
Conception sonore Laurier Rajotte
Assistance Dominique Cuerrier
Mouvement Danielle Lecourtois

Durée à venir

Une production Théâtre Denise-Pelletier


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Critique disponible
            
Critique

Bien que Boris Vian soit davantage connu pour ses chansons et ses romans, c’est une de ses pièces de théâtre que le Théâtre Denise-Pelletier a choisie pour lancer sa saison 2017-2018. Et bien lui en prit, car Les bâtisseurs d’empire ou le Schmürz propose un excellent dosage entre comédie et critique sociale décapante.




Crédit photos : Gunther Gamper

Écrite en 1957, soit deux ans avant la mort de son auteur, cette pièce de Vian met en lumière la chute d’un homme de la haute bourgeoisie et de sa famille qui, croyant s’élever (littéralement) en société, se retrouvent de plus en plus dépourvus de tout : d’espace, de mémoire, de relations humaines, de sens. On retrouve dans ce texte la plume acerbe de l’auteur français, sa verve et ses personnages inoubliables, qui prennent chaque mot au pied de la lettre et dont la logique absurde est chaque fois poussée à l’extrême.

La production du Denise-Pelletier, mise en scène par Michel-Maxime Legault, s’éclate sans éclater les formes. Legault a choisi de faire porter par les personnages eux-mêmes toute l’absurdité des conventions sociales dans lesquelles ils s’enferment, misant sur leurs raisonnements tordus, sur la trame sonore et la scénographie pour faire surgir le caractère anxiogène de l’histoire. Alors que l’étau se resserre autour de la famille, l’espace de jeu se réduit, le décor acculant, chaque scène davantage, les personnages au pied du mur, face à l’abîme. De la comédie, on glisse au drame angoissant, sans cesser de sourire aux errements logiques des habitants de cet étrange immeuble, une transition subtilement jouée par Legault et sa distribution.

Parlons d’ailleurs de cette distribution iconoclaste, qui fait pourtant merveille : le père autoritaire, mais qui perd aussi bien ses mots que ses repères (solide Gabriel Sabourin), l’adolescente rebelle qui questionne, cherche à comprendre et refuse d’être celle que ses parents veulent voir en elle, incarnée avec beaucoup de sensibilité par Marie-Pier Labrecque, sans oublier la bonne cynique, la si mal-nommée Cruche, délicieusement jouée par Marie-Ève Trudel. Le Schmürz auquel donne corps Sasha Samar traîne ses plaies vives d’un bout à l’autre du plateau, toujours dans notre champ de vision, impossible à écarter de nos pensées. L’ensemble de la distribution offre l’image parfaite d’une famille repliée sur elle-même dans sa tour d’ivoire et qui se désagrège de plus en plus vite, posée sur un frêle plateau autour duquel plus rien ne subsiste.

La production réussit à faire perler la tension dramatique sous l’humour absurde de Vian, confrontant le public à son propre Schmürz, ce « ça » lancinant, comme le bruit grave qui résonne sourdement. Malgré tout, on rit, on rit des raisonnements loufoques des parents, qui refusent d’affronter la réalité, fuient devant un bruit inconnu et se convainquent que rien ne change. On rit du ton sombre sur lequel les personnages soudain se mettent à réciter des chansons de Vian, parlant de sang, de bombe, d’amour... On grince aussi à chaque coup assené au Schmürz et devant la rhétorique volontairement obtuse des adultes à la mémoire volatile.

Avec Les bâtisseurs d’empire ou le Schmürz, Michel-Maxime Legault et son équipe évitent l’écueil de l’absurde tourné en spectacle comique, proposant au contraire une production forte sous des allures déjantées et qui pousse à la réflexion. Qu’est-ce que le Schmürz? D’où vient-il? Que représente-t-il? La pièce de Vian a l’intelligence de laisser le choix à ses spectateurs, et Legault l’a bien compris.

01-10-2017
 


Théâtre Denise-Pelletier
4353, rue Sainte-Catherine Est
Billetterie : 514-253-8974

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