Mon(Theatre).qc.ca, votre site de théâtre
Festival TransAmériques - Du 31 mai au 4 juin 2015, 20h
Polyglotte
Théâtre
Un spectacle de L’Activité
Texte, montage et comise en scène Olivier Choinière
Comise en scène Alexia Bürger
Interprétation German Barragan, Tatiana Burtin, Mirlande Fleuriot, Mondiana François, Samira Ghorbani, Mahmoud Shawky Hamed Ali, Nga (Amy) Phan, Amgad Habib Raouf Gerges Soliman, Pamela Robertson, Mireille Tawfik, Farlene Thelisdort

Regard acéré, humour acerbe. Olivier Choinière, qui a réjoui le FTA en 2012 avec Chante avec moi, examine, comme lui seul sait le faire, le décalage gênant entre l’image fantasmée que nous projetons de notre pays et la réalité. Détournant les codes du théâtre et du photo-roman, cet agitateur essentiel du théâtre québécois s’adjoint comme complices des acteurs québécois et des non-acteurs immigrants qui, armés de disques de conversations des années 1960, vous confrontent aux contradictions et aux paradoxes du Québec canadien de 2015. 

Vous n’êtes plus un spectateur ; vous êtes un immigrant venu passer un examen de citoyenneté. Vous (re)découvrez votre pays, son climat, sa politique, son architecture, ses codes de politesse et... sa langue de bois. Car, dans Polyglotte, ceux qu’on qualifie d’étrangers — alors qu’ils sont des nôtres —, s’emparent de tout l’arsenal que nous utilisons pour les formater en bons Canadiens et le retournent contre notre confort et nos bons sentiments. Brillamment malicieux.

LE THÉÂTRE COMME MACHINE À DÉCODER
Préoccupé par les codes invisibles nés d’un refoulement du passé ou de la culture de masse, lesquels conditionnent le social, le politique et l’intime, l’auteur et metteur en scène Olivier Choinière s’applique dans ses œuvres à détourner des formes familières afin de révéler au spectateur les filtres qui l’empêchent d’avoir accès à lui-même et à la réalité dans laquelle il évolue. Empruntant aussi bien aux lieux communs historico-politiques (Autodafé, 1999 ; Mommy, 2013), aux films de genre (Agromorphobia, 2001), aux visites audioguidées (Bienvenue à – (une ville dont vous êtes le touriste), 2005), aux jeux en ligne (Nom de domaine, 2012), au culte des célébrités (Félicité, 2007) ou encore auxconcerts de musique populaire (Chante avec moi, 2010), il travaille essentiellement à déstabiliser l’horizon d’attente du public pour recadrer ses perceptions du réel. Ce travail relève souvent d’une attitude transgressive par rapport à l’acte théâtral lui-même comme dans Projet blanc (2011), un commentaire (très) critique transmis clandestinement pendant une représentation de L’école des femmes au Théâtre du Nouveau Monde. Récemment, on a vu au Théâtre d’Aujourd’hui sa pièce Ennemi public et, sous sa direction, 26 lettres : abécédaire des mots en perte de sens.En 2014, il remporte le prix Siminovitch, la plus haute récompense en théâtre au Canada.


Section vidéo


Décor, costumes et accessoires Elen Ewing
Lumières et vidéo Gonzalo Soldi
Conception sonore Éric Forget 
Assistance à la mise en scène Camille Gascon
Rédaction Paul Lefebvre

Création au Festival TransAmériques, Montréal, le 31 mai 2015

Durée : 1h45

Tarif régulier : 39$
30 ans et moins : 33$
65 ans et plus : 46$
Taxes et frais de services inclus

En parallèle
Rencontre avec les artistes en salle après la représentation du 1er juin

Coproduction Festival TransAmériques


FTAAux Écuries
7285, rue Chabot
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est

 
______________________________________
 Critique
Critique

par Daphné Bathalon

Parmi les productions québécoises les plus attendues du FTA cette année, on retrouve Polyglotte, nouvelle création du metteur en scène Olivier Choinière, lui qui avait notamment présenté l’inoubliable Chante avec moi au FTA en 2012. Et sa création Aux Écuries n’est pas fortuite. Ce théâtre, duquel Choinière est codirecteur, a été fondé dans un quartier résidentiel à forte majorité immigrante.

En explorateur de la forme théâtrale, Choinière propose une production surprenante dont la mise en scène est cosignée par Alexia Bürger. Construite à partir des témoignages de participants non acteurs, tous immigrants, fraîchement arrivés ou installés depuis quelque temps, Polyglotte nous convie à une rencontre sans filtre (sinon celui qu’ils s’imposent eux-mêmes) avec ces Néo-Québécois en processus de demande de citoyenneté canadienne. La production prend la forme d’une cérémonie de citoyenneté distordue, mais qui conserve sa vocation initiale, pour mieux pointer les absurdités que l’on présente bien souvent comme le portrait honnête de notre grande nation, évidemment accueillante et ouverte.

Sans être aussi cynique ou mordante que l’étaient Chante avec moi, Mommy ou L’ennemi public, précédentes productions de Choinière, Polyglotte porte indubitablement la signature du metteur en scène. Dans un Québec post-débat sur la Charte de la laïcité, quel regard portent les immigrants sur leur société d’accueil? Entre la leçon de sacres, qui reprend peu à peu des citations grossières ou carrément racistes tirées de l’actualité (notamment du printemps 2012 et de la commission parlementaire de la Charte) et les encouragements continuels auprès des candidats pour montrer leur bonne volonté, par exemple en leur remettant un plumeau après leur avoir demandé leur niveau d’éducation, on rit bien souvent jaune.

Polyglotte, dont le titre fait écho à un discours de Philippe Couillard sur l’apport essentiel de l’immigration à la société canadienne et québécoise, se découpe en différents examens et entrevues. Certaines questions paraissent crédibles, d’autres complètement loufoques. L’auteur s’interroge sur l’image que l’on présente du Québec, du Canada aux immigrants et la réalité dans laquelle on les accueille, jamais clairement dite, mais présente en filigrane pendant toute la pièce. Tantôt on demande aux immigrants d’où ils viennent et pourquoi ils sont venus au Canada, tantôt on exige d’eux qu’ils démontrent qu’ils se sont bien intégrés en leur faisant nommer les provinces et territoires (dans un doublage hilarant d’une scène tirée d’Unité 9) ou des politiciens canadiens, de M. Harper à Sir Macdonald en passant par Gaétan Barrette et Pierre-Karl Péladeau (!). Le public n’est pas en reste; au fil de la représentation, il est invité à répondre lui aussi aux questions de connaissances générales, à chanter l’Ô Canada et même à prêter serment à la reine.

Venus notamment d’Iran, de Colombie, du Mexique, de l’Égypte, de la France et d’Haïti, les non-acteurs de Polyglotte donnent le ton à la production. Prompts à vanter les mérites de leur terre d’accueil et de ses résidants, plus gênés d’avouer avoir été confrontés à des actes ou à des paroles racistes ou souhaiter quitter Montréal pour s’établir à Toronto… Ils s’expriment facilement ou plus difficilement en français ou en anglais, se montrent reconnaissants d’avoir un travail ou déçus de ne pas voir leurs compétences reconnues ici. Ils sont surtout prêts à dire tout ce qu’on veut les entendre dire pour obtenir leur citoyenneté dans cette cérémonie aux allures de manifestation hypocrite. Mais quel pays viennent-ils d’intégrer? Quelle façade de pays?

Pince-sans-rire, Choinière et Bürger nous laissent sur un dernier pied de nez à la grande histoire du pays, alors que les nouveaux citoyens se glissent dans un tableau vivant recréant non sans cynisme la rencontre de Cartier et des Amérindiens…

01-06-2015