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Festival TransAmériques - 29-30 mai 2013, 20h
Sacre du printempsBirds with Skymirrors
Danse
Un spectacle de MAU
Concept, scénographie, chorégraphie et mise en scène Lemi Ponifasio
Interprétation Kasina Campbell + Tiui Elisara + Kelemete Fu’a + Ioiane Papali + Tangaroa Taara + Teataki Tamango + Ofati Tangaroa + Gerard Tatireta + Arikitau Tentau + Rosie TeReauawhea Belvie + Maereke Teteka + Tuirina Wehi

Ces algues scintillantes dans les becs des oiseaux n’étaient en vérité que des détritus toxiques pêchés dans l’océan. Ébranlé par cette vision d’horreur sur une plage d’Océanie, le chorégraphe Lemi Ponifasio met en scène une cérémonie de réconciliation avec la Terre. Suspension du temps, dissolution de l’espace. Birds with Skymirrors nous transporte dans un monde parallèle où les dieux viennent chuchoter ou hurler aux oreilles des humains. Incantations énigmatiques et chants immémoriaux. Sculptées dans la noirceur, les images d’un irrésistible langage initiatique se succèdent. Danses précises et délicates de moines virevoltants. Splendeur de corps tatoués de mystère. Évocations fugaces d’une planète ravagée par la modernité aveugle.

De retour au FTA après le magnétique Tempest: Without a Body (2011), le Néozélandais d’origine samoane provoque un nouveau cataclysme dans nos imaginaires avec cette œuvre d’une beauté obscure. Une invocation en forme de tableaux ultra stylisés, qui en appelle à notre sens de la vie. Exceptionnel.

Les mots « art » et « artiste » n’existent pas dans le langage des îles Samoa où Lemi Ponifasio est né. Quiconque ressent le besoin de créer assume son destin, devenant pourvoyeur de culture et leader dans sa communauté. C’est ainsi qu’à l’âge de 20 ans, le chorégraphe a commencé à danser en solo dans les rues d’Auckland où il étudiait la philosophie et les sciences politiques. En 1995, il y fonde la compagnie MAU, en référence à un ancien mouvement indépendantiste samoan et à l’idée de révolution vue comme un effort de transformation pour la réalisation des individus et le retour de la beauté. Dans les œuvres où il métisse danse, théâtre et arts visuels, Ponifasio organise et met en espace l’expression naturelle des mondes imaginaires d’artistes de différentes îles du Pacifique, cherchant la vérité de l’être. Car, pour lui, l’art n’est pas une forme d’expression ; il sert à intégrer tout ce que le corps et l’esprit portent d’histoire. Il n’est pas divertissement ; il est cérémonie permettant de se lier au cosmos.

Reliant naturellement art et politique, le créateur donne généralement forme à ce qui est brimé, bafoué, exclu : la liberté et les droits individuels dans la série Tempest, dont Tempest: Without a Body (FTA, 2011) fait partie, les droits de certains groupes ethniques dans Le Savali ou la planète dans Birds with Skymirrors. Il rassemble aussi régulièrement artistes, intellectuels, militants, dirigeants et communautés diverses dans l’événement MAUForum pour favoriser le dialogue sur les grands enjeux de notre temps.


Section vidéo
une vidéo disponible


Lumières Helen Todd
Photo MAU
Rédaction Fabienne Cabado

Création au Theater der Welt RUHR, Essen, le 16 juillet 2010

Durée : 1h30

Tarif régulier :
58 $ / 53 $ / 48 $ / 43 $
30 ans et moins /
65 ans et plus :
53 $ / 48 $ / 43 $ / 38 $
Taxes et frais de services inclus

En parallèle
Rencontre avec les artistes en salle après la représentation du 30 mai

Coproduction Théâtre de la Ville (Paris) + Theater der Welt 2010 RUHR + Spielzeit’ europa Berliner Festspiele + Wiener Festwochen + KVS (Bruxelles) + Holland Festival + Mercat de las Flors (Barcelone) + DeSingel (Anvers) + New Zealand International Arts Festival (Wellington)


FTAThéâtre Maisonneuve
Place des Arts
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est

 
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 Critique
Critique

par Geneviève Germain


Crédit photo : Sebastain Bolesch

Une obscurité omniprésente, des chants énigmatiques, des corps sculpturaux qui se contorsionnent pour ensuite sembler flotter sur la scène : Birds With Skymirrors est truffée d’éléments qui s’accordent dans une poésie à la fois inquiétante et apaisante. Forte d’images évocatrices et d’une douce lenteur, cette pièce nous fait découvrir un langage qui utilise les corps et l’espace pour susciter la réflexion.

On connaît la compagnie de théâtre néo-zélandaise MAU pour l’acclamé Tempest : Without a Body (FTA, 2011) qui s’attaquait à la question des politiques brimant les libertés individuelles. Le chorégraphe samoan Lemi Ponifasio s’est cette fois-ci inspiré d’oiseaux entrevus sur une plage d’Océanie pour lancer une invitation à méditer sur notre relation avec la planète. Portant à leurs becs des bandes vidéo que l’on pourrait confondre avec des algues scintillantes, ces oiseaux chargés de détritus rappellent le lourd fardeau environnemental qu’apporte la modernité. Qualifiant Birds With Skymirrors de cérémonie de réconciliation avec la terre,Lemi Ponifasio nous convie dans un univers sombre et troublant, mais d’une indéniable beauté. De son propre aveu, le chorégraphe ne cherche pas à mettre en scène de la danse, mais bien à donner vie au lien entre les humains et le cosmos.

Tout dans cette présentation semble se rapporter à cette prémisse de départ. Des panneaux sombres et lustrés en arrière-scène captent à la fois le reflet des artistes et des éclairages parcimonieux, tout comme ils servent d’écran pour quelques vidéos d’oiseaux visiblement aux prises avec la pollution. Les corps des personnages se déforment et semblent se démener pour prendre leur envol. Les mains des danseurs frémissent dans un vacillement continu, tels des objets qui transpercent le vent. Des cris  coupent le silence de la salle et nous interpellent, malgré qu’ils utilisent un langage qui nous est inconnu. Toutes ces images évocatrices et les bruits de fond qui crépitent nous conduisent dans un monde imaginaire et irréel qui, doucement, invite à l’introspection. 

Le grand esthétisme de la pièce impressionne et devient presque hypnotisant. D’une femme nue de dos qui est habillée d’ombres aux illuminations des visages depuis le plancher de la scène, la mise en scène contribue avec délicatesse et précision aux qualités troublantes de cette pièce. L’obscurité contribue à la fluidité des mouvements et nous laisse entrevoir chaque mouvement des muscles des acteurs et nous fait partager chacune de leurs respirations.

Parmi les plus belles images offertes par cette pièce se trouvent les scènes où des rites à la fois intrigants et magnifiques prennent place : danses aux percussions de mains, incantations, hommes habillés de longues jupes noires qui semblent glisser sur scène, boules blanches qui virevoltent au son de sourds murmures et poudre blanche épandue sur scène qui demeure suspendue dans l’air ambiant.

La magnificence bouleversante de Birds With Skymirrors est à la hauteur des attentes que la venue de cette pièce a créées, si bien qu’on en accepte la lenteur et la douce contemplation qu’elle impose.

30-05-2013