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Festival TransAmériques - 24, 25 mai 2012, 20h
IrakeseSideways Rain
Danse
Un spectacle de Alias
Chorégraphie Guilherme Botelho
Assistante à la chorégraphie Madeleine Piguet Raykov
Avec Stéphanie Bayle, Fabio Bergamaschi, Joachim Ciocca, Adriano Coletta, Johannes Lind, Philia Maillardet, Ismaël Oiartzabal, Madeleine Piguet Raykov, Amaury Réot, Claire-Marie Ricarte, Adrian Rusmali, Candide Sauvaux, Nefeli Skarmea, Christos Strinopoulos

Autant en emporte le flot
Ils apparaissent d’abord à quatre pattes. Leur lente et inexorable progression les entraîne tous vers une même destination. De jardin à cour, ils passent, encore et encore, pareils et différents à chaque traversée. Le flot est continu, magnétique, exaltant. Ils se redressent, accélèrent le pas, courent, tombent, se relèvent, aimantés par un mystérieux pôle d’attraction. Ils sont 14, ils ont l’air de milliers. Ils sont l’humanité en marche. Portés par l’implacable force du destin, ils déroulent en fondus enchainés l’histoire captivante des éternels recommencements, laquelle énonce que notre seule liberté réside dans le pouvoir d’aimer et de jouir, passionnément, du fait d’être vivant.

Établi en Suisse où il a fondé la compagnie Alias, le Brésilien Guilherme Botelho se joue de la frontalité dans Sideways Rain. Mêlant avec grand art musicalité, rythmes et graphisme, il resitue l’humain à l’échelle de la mécanique universelle dans une fresque hypnotique et palpitante. Brillant.

Guilherme Botelho

Sens de la vie et danse-théâtre
Originaire de São Paulo, Guilherme Botelho tombe en amour avec la danse à 14 ans en voyant un spectacle d’Oscar Araiz. Cinq ans plus tard, il rejoint le chorégraphe argentin au Ballet du Grand Théâtre de Genève. Il y dansera 10 ans avant de fonder sa compagnie, Alias, en 1994, où il traite de grands thèmes de la condition humaine dans des chorégraphies théâtrales : quête éperdue de l’amour dans En manque, sa première création, violence conjugale, masques des apparences, manipulations génétiques dans Frankenstein… La notion de destin est présente dans son œuvre par la voie de l’accident et de choses qui tombent du ciel : eau, papier, lumière, plaques de plâtre… Ses décors sont souvent impressionnants, comme cette cabane à la dérive sur la vague immobile de Vaguement derrière, entrée au répertoire du Ballet du Tanztheater Bielefeld. Et si sa plus récente création, Jetuilnousvousils, s’inscrit dans la lignée de Sideways Rain quant à la dynamique théâtrale plus abstraite, le principe de répétition qui les caractérise était déjà à l’œuvre dans Approcher la poussière et Le poids des éponges. Auteur d’une vingtaine de chorégraphies présentées par Alias sur quatre continents, il est régulièrement sollicité par diverses compagnies. Il a notamment créé un Roméo et Juliette pour les 25 ans du Ballet junior de Genève auquel il a été associé de 2008 à 2010.


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Scénographie Guilherme Botelho, Gilles Lambert, Stefanie Liniger
Costumes Marion Schmid d’après Julia Hansen
Musique Murcof
Lumières Jean-Philippe Roy
Regard extérieur Gilles Lambert
Photo Jean-Yves Genoud
Rédaction Fabienne Cabado

Création au Festival La Bâtie, Meyrin, le 3 septembre 2010

Durée : 1 h

Tarif régulier : 45 $ / 40 $
30 ans et - / 65 ans et + : 40 $ / 35 $

Forfaits en vente 15% à 40% de réduction

En parallèle
Rencontre avec les artistes en salle après la représentation du 25 mai

Coproduction La Bâtie - Festival de Genève, Théâtre du Crochetan, Théâtre ForumMeyrin
Avec le soutien de Ville de Genève, République et canton de Genève, Pro Helvetia - Fondation suisse pour la culture, Commune de Meyrin, Fondation meyrinoise pour la promotion culturelle, sportive et sociale, Fondation Corymbo, Fondation Leenaards et le soutien spécial de Corodis


FTAThéâtre Jean-Duceppe
Place des Arts
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est

 
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 Critique
Critique

par Olivier Dumas

C’est à l’âge de 14 ans que le Brésilien Guilherme Botelho éprouve son premier coup de foudre pour la danse. Depuis, l’eau a coulé sous les ponts, mais la passion est demeurée intacte. Pour le spectacle Sideways Rain qui amorce l’édition 2012 du Festival TransAmérique, la réussite est grandiose par son intense clarté poétique.

Durant l’heure de la représentation de cette production de la compagnie Alias, établie à Genève, les quatorze interprètes se donnent corps et âme. Dans une fresque d’une profonde acuité, ils habitent le plateau par tous les pores de leurs chaires. Dès les premières secondes, ils se retrouvent tous à quatre pattes et se promènent d’un bout à l’autre de la scène, de jardin à cour, pour reprendre continuellement ce trajet. Rapidement se dégage une impression de portrait de groupe à vif où se mêle intrinsèquement l’individu à la collectivité. Toujours percutante et volontairement répétitive, la musique électroacoustique confère à l’ensemble une dimension d’urgence, de chaos et de fin du monde.

Peu à peu, les danseurs quittent le ras du sol pour une marche qui tend vers une volonté d’élévation, mais qui achoppe en raison d’une tension sous-jacente de la terre ferme. Comme une route qui tourne perpétuellement, l’action dévoile des individus qui tendent de communiquer, d’aimer, de se rencontrer, de se toucher. Le public peut même ressentir l’impression que le plancher bouge à l’occasion. Peu de temps avant la fin du spectacle, ses exécutants retirent leurs vêtements pour exposer sans pudeur une nudité, qui loin de l’érotisme, accentuent cette intolérable solitude et cette profonde déshumanisation. Le corps humain sans ces oripeaux devient une machine désincarnée réfractaire au moindre désir. Lorsque les membres de la troupe se déplacent avec de longues tiges de fil, la métaphore d’une prison de barbelés atteint une forme d’apothéose d’intensité qui ne laissera aucune âme insensible.

Le critique littéraire suisse Jean Starobinski écrivait que « tout autant qu’un romancier, un critique s’expose ». Pour Sideways Rain, le présent compte-rendu invite surtout les personnes curieuses à se rendre au Théâtre Jean-Duceppe pour ressentir dans ses entrailles et ses viscères toute la douleur, la fragilité et le souffre derrière ces tableaux chorégraphiques d’exception. Comme un spectacle du défunt chorégraphe Jean-Pierre Perreault, la proposition artistique d’Alias ne s’éteint pas en quittant la salle. Elle se perpétue pendant plusieurs heures, par son propos qui embrase une réflexion sur notre monde sans jamais tomber dans la démonstration sociopolitique.

24-05-2012