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Festival TransAmériques - 25, 26 mai, 21h, 27 mai 2012, 16h
IrakeseChante avec moi
Théâtre - musique
En français
Un spectacle de L'Activité
Texte, musique et mise en scène Olivier Choinière
Comise en scène Alexia Bürger
Avec Marie Bernier, Delphine Bienvenu, Sabrina Bisson, Jean-Guy Bouchard, Dany Boudreault, Philippe Brault, Julie Carrier-Prévost, Simone Chevalot, Guillaume Chouinard, Fabien Cloutier, Annie Darisse-Desbiens, Daniel Desputeau, Ève Duranceau, Éric Forget, Marie-Michelle Garon, David Giguère, Émilie Gilbert, Mathieu Gosselin, Johanne Haberlin, Kevin Houle, Guillermina Kerwin, Ève Landry, Christian Laporte, Justin Laramée, Milène Leclerc, Valérie Le Maire, Pierre Limoges, Mathieu Marcil, François Marquis, André Morissette, Iannicko N’Doua, Emmanuelle Orange-Parent, Frédéric Paquet, Christian Perrault, Micheline Poitras, Isabel Rancier, Philippe Robert, Daniel Rousse, Brigitte Saint-Aubin, Ines Talbi, 10 autres interprètes, Un artiste de la chanson différent chaque soir

L’art souriant de chanter la servitude
Ils n’ont rien d’anonyme. Ce n’est pas une foule qui envahit le plateau, ce sont des individus, composant une vraie société. Ils s’emparent de la scène pour créer sous nos yeux, spontanément, une chanson qui, comme le chant des sirènes, attire des gens de toutes les classes, de toutes les cultures. Ils la chantent, se l’approprient, l’enrichissent jusqu’à l’apothéose, la plénitude, l’harmonie universelle. Mais la chanson ne veut pas mourir ; elle a maintenant une vie propre, un pouvoir insidieux. Et elle devient une chanson qu’on aime à mort.

L’étonnant Olivier Choinière, l’auteur de Félicité et le créateur de surprenants déambulatoires théâtraux, a rassemblé 50 comédiens pour mettre au monde une fable aussi singulière que perturbante : un univers de comédie musicale, lumineux, enthousiasmant, porteur des dernières utopies de communion collective, qui se transforme en un conditionnement cauchemardesque, broyant ceux qui l’ont créé en toute innocence.

Olivier Choinière

L’art de redonner au présent le présent
Olivier Choinière s’affirme depuis quelques années comme l’une des figures les plus novatrices du théâtre québécois par la singularité de son écriture — entre autres avec sa pièce Félicité (2007), diffusée autant en Angleterre qu’en France, en Allemagne, en Suisse ou en Australie — et l’originalité de ses propositions scéniques, parmi lesquelles Chante avec moi (2010) et ParadiXXX (2009), où l’on doublait en direct un film pornographique. Préoccupé par les codes invisibles nés de la culture de masse et qui conditionnent le social et le politique, Choinière s’applique dans ses œuvres à détourner des formes familières afin de révéler au spectateur les filtres qui l’empêchent d’accéder au présent. Empruntant aussi bien au cinéma de série B (Agromorphobia, 2001) qu’aux lieux communs de l’Histoire (Autodafé, 1999) ou aux visites audioguidées (Bienvenue à – (une ville dont vous êtes le touriste), 2005), il travaille essentiellement à déstabiliser les attentes du public pour recadrer sa perception du réel. En 2000, il a fondé L’Activité Répétitive Grandement Grandement Libératrice (ARGGL, ou L’Activité) pour produire ses créations les plus atypiques, notamment la tragédie météorologique Jocelyne est en dépression (2002), le déambulatoire Beauté intérieure (2003) ou, en 2011, Projet blanc, un commentaire sur le théâtre et la mise en scène des classiques transmis clandestinement pendant une représentation de L’école des femmes au Théâtre du Nouveau Monde. Olivier Choinière et L’Activité font partie des fondateurs du théâtre Aux Écuries, nouveau centre de création théâtrale montréalais.


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Direction musicale Philippe Brault
Chorégraphie Line Nault
Lumières Erwann Bernard
Rédaction Paul Lefebvre

Durée : 1 h 05

Tarif régulier : 45 $
30 ans et moins, 65 ans et plus : 40 $
Sièges réservés

Forfaits en vente 15% à 40% de réduction

Production L'Atelier


FTAUsine C
1345, avenue Lalonde
Billetterie : FTA - 514-844-3822 / 1-866-984-3822
Quartier général FTA : 300, boul. de Maisonneuve Est

 
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 Critique
Critique

par Ariane Cloutier

Ce spectacle activiste d’Oliver Choinière (codirigé par Alexia Bürger) s’inscrit dans la programmation du FTA comme une pièce atypique, ayant déjà créé beaucoup de remous et d’engouement lors de sa présentation à l’Espace libre en octobre 2010, ainsi qu’à son passage au CNA à Ottawa la même année.

Plusieurs mesures de métronome passent, laissant le public dans l’attente, avant qu’un premier individu ne monte sur la scène pour ouvrir cette grande improvisation orchestrée. S’ensuit un effet d’entrainement, donnant lieu à de nombreuses situations hilarantes, où plusieurs « personnes ordinaires », montent sur scène pour construire progressivement la chanson Chante avec moi. Le spectacle se déroule en trois parties : la création de la chanson dans l’enthousiasme spontané des participants; la représentation de sa mise en marché dans l’industrie du spectacle, où chacun incarne son image personnelle de la star; et pour finir, la mécanisation totale de la chorégraphie jusqu’à la destruction complète des individus. Déjà lors de la deuxième reprise de la chanson, on perd l’essence même de la beauté du propos initial, ce qu’il y avait d’instinctif, d’authentique et de grisant dans ce soulèvement commun.

La création de la chanson représente une société utopique, où chacun des cinquante participants semble connecté à une conscience collective, comme si la mélodie et les paroles leur venaient intuitivement. En rapport à la dégringolade qui suit, Choinière relève le fait qu’il est difficile d’échapper aux mécanismes de commercialisation et de marketing dans les domaines de la création. Aussi, ce processus rappelle fortement des phénomènes, tel Star Académie, à travers lesquels des individus, au départ anonymes et authentiques, se retrouvent transformés en stars momentanément adulées par le public et consommées cuvée après cuvée. Déjà, en 1967, dans la Société du spectacle, Guy Debord définissait ainsi les mécanismes de l’aliénation du spectateur : « plus il contemple, moins il vit ; plus il accepte de se reconnaître dans les images dominantes du besoin, moins il comprend sa propre existence et son propre désir ». Enfin, une réflexion politique est illustrée par l’effet d’entraînement de la mobilisation citoyenne, qui, au départ, mue par des intentions idéalistes, aboutit à un nouveau dogme contraignant. À la toute fin de la représentation, un technicien nous laisse devant un iPhone rejouant la captation du spectacle, témoignant de l’impact des médias sociaux, à l’origine influencés spontanément par la masse, mais faisant maintenant partie de tous les plans de marketing.

Alors que l’on décrit Olivier Choinière comme une des figures montantes du milieu théâtral montréalais, il y a pourtant longtemps qu’il sévit dans la ville en présentant des pièces sous diverses formes exploratoires : déambulatoires, théâtre à domicile, prestations parasites. Il aspire à trouver de nouvelles pratiques théâtrales en effectuant le détournement, parfois de façon irrévérencieuse (par exemple avec le Projet blanc), sans trop se soucier de l’establishment du milieu ni des critiques, voire parfois même sans ménager son propre auditoire. Pourquoi dans un tel cas en demande-t-on encore? Peut-être parce que Choinière marque un point : le théâtre a besoin de se faire sortir de sa cage traditionnelle, le public a soif d’inédit, voire même d’être bousculé un peu, et l’auteur le fait avec esprit. Chante avec moi : une expérience à la fois troublante et exaltante, à coup sûr nécessaire pour activer une réflexion autocritique de l’individu face à la société du spectacle actuelle.

27-05-2012