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18 novembre 2016, 20h
Thérèse et Pierrette à l'école des Saints-Anges
Texte : Michel Tremblay
Adaptation théâtrale et mise en scène : Serge Denoncourt
Avec : Josée Beaulieu, Catherine De Léan, Isabelle Drainville, Muriel Dutil, Sébastien Huberdeau, Lynda Johnson, Danielle Lépine, Manon Lussier, Marie-Ève Milot, Sylvianne Rivest-Beauséjour et Geneviève Schmidt

Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges est une tragi-comédie mettant en scène des personnages plus grands que nature. Tirée des Chroniques du Plateau Mont-Royal, oeuvre de Michel Tremblay. Thérèse et Pierrette, forment avec Simone, un trio inséparable. Elles se préparent avec enthousiasme et nervosité pour la parade de la Fête-Dieu. Ayant obtenu de bons résultats en classe de religion, elles pourront participer à cette manifestation, sous l’oeil vigilant de la directrice de l’école des Saints-Anges, Mère Benoîte des Anges, une religieuse autoritaire et sans pitié. Cette pièce dépeint magistralement les exaltations et les tiraillements du passage à l’adolescence, l’emprise de la religion sur l’éducation et les tourments de la classe ouvrière à l’aube des années 40, dans la grisaille de la guerre.


 

Tarif : 50$

Productions Jean-Bernard Hébert


Théâtre Desjardins
Cégep André-Laurendeau
1111, rue Lapierre, LaSalle
Billetterie : en personne au sur Admission

Dates antérieures (entre autres)

Du 5 au 26 novembre 2010, Théâtre Denise-Pelletier
Du 12 septembre au 20 octobre 2012 - DUCEPPE

 
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Critique

critique publiée en 2012


Crédit photo : François Brunelle

Quel chemin les femmes ont-elles parcouru depuis les années 1940, quand l’Église avait la mainmise presque complète sur la société québécoise et que le modèle patriarcal régnait, lui, en maître? Quel chemin semé d’embûches, et quelle évolution depuis cette époque pas si lointaine! C’est ce que Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges, présentée ces jours-ci chez DUCEPPE, fait découvrir aux plus jeunes, qui n’ont pas connu ces années-là. Pour les plus vieux, la pièce invite à un retour dans le temps qui sent les vieux pupitres en bois, la craie et la crainte d’être puni. Tout un groupe d’anciens élèves de l’école des Saints-Anges était présent dans la salle au soir du 20 septembre et, pour beaucoup, la représentation a été l’occasion de rouvrir un vieil album souvenir.

C’est avec plaisir qu’on retrouve certains personnages des Chroniques du Plateau-Mont-Royal, Thérèse et Pierrette, encore jeunes, mais aussi leurs mères, dont la déjà très amère Albertine. Et puis il y a le quartier, la pauvreté aussi matérielle que culturelle, la rage contenue des femmes, leur enfermement et leurs espoirs, des thèmes chers à Michel Tremblay. Serge Denoncourt propose une lecture très fidèle de l’œuvre, très respectueuse aussi, et plutôt réussie. Il a choisi de transposer littéralement le roman sur scène, avec ses dialogues sensibles, mais aussi ses descriptions inspirantes. Suivant le rythme d’une symphonie en quatre mouvements, de l’adagio à l’allegro, la pièce se morcèle en plusieurs tableaux qui montrent l’évolution des personnages, depuis le tranquille quotidien jusqu’aux prémisses de la révolte.

Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges parle de toutes ces jeunes filles qui ont grandi sous la houlette des religieuses. La pièce parle aussi de ces religieuses qui, échappant aux obligations de la vie de mère au foyer, se retrouvaient enfermées dans une autre prison, celle régie par les lourdes règles de la communauté. Sous leur cornette, elles vivaient une vie pas si différente de la nôtre, avec ses jalousies, ses sentiments amoureux et ses vaines querelles.

Denoncourt fait éclater la forme littéraire pour dynamiser le récit, ne gardant que certains passages narratifs, qui s’insèrent entre les tableaux. Un changement de rythme et de ton accompagnent ces citations intégrales du roman de Tremblay; les comédiens délaissent l’accent prononcé de leurs personnages pour un registre plus neutre. Les transitions se font sans accrocs. Néanmoins, il y a lieu de se demander si la projection des citations sur le cyclorama en fond de scène apporte réellement quelque chose à la pièce; elle détourne surtout l’attention du spectateur, alors porté à lire plutôt qu’à écouter.


Crédit photo : François Brunelle

La scénographie imaginée par Louise Campeau illustre efficacement le peu de liberté accordée aux femmes à l’époque. Les comédiens déplacent au gré des scènes des très hautes clôtures, figurant la cour d’école, le bureau de la directrice ou la cuisine, un espace toujours clos. Ces clôtures, qui rappellent bien plus une prison qu’une cour d’école, sont aussi les murs qui cantonnent les femmes à la vie de famille ou à la vie religieuse. Elles maintiennent les femmes à l’écart du monde.

Dans cet espace trop exigu, étouffant, quoi de plus normal qu’une jeune fille brillante comme Thérèse cherche à s’échapper par tous les moyens? Catherine de Léan s’en tire merveilleusement bien dans le délicat rôle de Thérèse, parvenant à jouer la sensualité insouciante de la jeune fille de 11 ans, presque 12. Pour sa part, Lynda Johnson insuffle une grande sensibilité à sœur Sainte-Catherine, rebelle à la discipline ferme prônée par mère Benoîte des anges, solidement interprétée par Sophie Clément. Le reste de la distribution tire également son épingle du jeu, notamment Josée Beaulieu,  en attachante sœur Saint-Georges, et Isabelle Drainville, qui incarne la mère de Simonne, révoltée par sa pauvreté. Celle-ci fait une véritable scène dans le bureau de la directrice, un des meilleurs passages du spectacle.

Humour et émotions se partagent la scène pour ce voyage dans le passé duquel le public revient bien remué.

22-09-2012


par Olivier Dumas (2010)


Crédit photo : Valérie Ouellet

À la scène, les transpositions de romans populaires donnent souvent des résultats peu concluants: cette écriture narrative ne s’harmonise pas toujours au vocabulaire théâtral. Heureusement, il existe des exceptions, comme en témoigne cette adaptation de Serge Denoncourt de Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Ange. Sans surpasser l’original, l’une des plus grandes réussites romanesques de Michel Tremblay, la production présentée ces jours-ci au Théâtre Denise-Pelletier constitue une réjouissante réussite.

Ce deuxième tome des Chroniques du Plateau-Mont-Royal demeure également l’une des œuvres préférées des admirateurs du dramaturge des Belles-sœurs et autres Vrai Monde. Jonglant entre l’humour et le drame, il laisse présager les tragédies et les déchéances que vivront des personnages marquants de l’imaginaire collectif québécois.

L’histoire se déroule sur quatre jours en juin de l’année 1942. Elle raconte les tribulations de trois fillettes du Plateau Mont-Royal: Thérèse, Pierrette et Simone, trois amies inséparables. Elles fréquentent l’école des Saints-Anges, dirigée par la despotique mère Benoîte-des-Anges. La pièce nous dévoile également la vie des religieuses enseignantes qui peinent à lui tenir tête. Les trois fillettes voient leur existence bouleverser d’abord par la chirurgie plastique de Simone pour effacer son bec-de-lièvre et par les préparatifs de la Fête-Dieu, un événement important pour la paroisse. C’est sans compter l’attirance troublante de Thérèse pour Gérard, le gardien du Parc Lafontaine beaucoup plus âgé qu’elle.

Dans cette tragi-comédie, Michel Tremblay dépeint avec une acuité remarquable les bouleversements du passage à l’adolescence, l’éveil de la sexualité, l’emprise de la religion sur l’éducation et les tourments de la classe ouvrière à l’aube des années 40. L’œuvre témoigne avec sensibilité d’une société gangrenée par la pauvreté physique, morale et culturelle. Le Québec d’alors peine à s’affranchir de son élite dirigeante. Son portait de la situation des femmes, confinées au foyer ou consacrées à la vie religieuse, maintenue dans l’ignorance quant aux questions sexuelles et politiques, porte une charge explosive qui trouve encore un écho dans la société d’aujourd’hui.

Serge Denoncourt réussit le pari de transposer à la scène le livre tout en conservant intacte la verve du prodigieux conteur qu’est Michel Tremblay. En raison des coupures et des raccourcis nécessaires à ce genre d’exercice, la structure du roman a été néanmoins respectée. Elle conserve les quatre parties ou mouvements comme dans la Quatrième symphonie de Brahms qui semble avoir servi de modèle. Plusieurs passages et personnages, particulièrement les figures masculines, ont été éliminés pour resserrer l’action sur les trois héroïnes. Avec une touche de féminisme revendicateur avant l’heure, la mise en scène rend bien l’atmosphère, le souffle littéraire et le ton caustique du texte original.

À plusieurs reprises, sur le ton de l’aparté, les comédiens récitent des extraits du roman que le metteur en scène a inséré afin de guider le public à une meilleure compréhension du déroulement de l’action. Tout compte fait, cette manière de passer du roman au théâtre n’ajoute que très peu d’éléments éclairants sur les tourments des protagonistes. Par ailleurs, ces moments d’arrêts ne donnent pas toujours des résultats heureux. Certains des interprètes parlent dans un français « littéraire », alors que d’autres gardent l’accent joual de leurs personnages. Lors de l’avant-première à laquelle j’ai assisté, les quinze premières minutes ont été trop précipitées, probablement en raison de la nervosité. Il a fallu un bon quart d’heure avant que le spectacle trouve son rythme de croisière entre tension et humour.

Plusieurs actrices se démarquent par la qualité de leur prestation. La Lucienne de Geneviève Schmidt se révèle particulièrement allumée et énergique, laissant un peu dans l’ombre le trio Catherine de Léan, Marie-Ève Milot et Sylvianne Rivest-Beauséjour, pourtant toujours juste entre la ferveur et le doute. Pour les rôles de religieuses, la Sœur  « Pied-Botte » de Josée Beaulieu apporte une touche d’humour contagieux. La mère de Simone, incarnée par Isabelle Drainville, livre un monologue très poignant lorsqu’elle va défendre sa fille devant la Mère directrice.

L’adaptation théâtrale de Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Ange vaut le détour pour ses indéniables qualités artistiques et sa peinture vivante des années1940. Avec son équilibre entre le rire et les larmes, elle témoigne de la richesse de l’œuvre de Michel Tremblay.

08-11-2010