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20 janvier 2017, 20h
Encore une fois, si vous permettez
Texte : Michel Tremblay
Mise en scène : Michel Poirier
Avec : Guylaine Tremblay et Henri Chassé

Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges est une tragi-comédie mettant en scène des personnages plus grands que nature. Tirée des Chroniques du Plateau Mont-Royal, oeuvre de Michel Tremblay. Thérèse et Pierrette, forment avec Simone, un trio inséparable. Elles se préparent avec enthousiasme et nervosité pour la parade de la Fête-Dieu. Ayant obtenu de bons résultats en classe de religion, elles pourront participer à cette manifestation, sous l’oeil vigilant de la directrice de l’école des Saints-Anges, Mère Benoîte des Anges, une religieuse autoritaire et sans pitié. Cette pièce dépeint magistralement les exaltations et les tiraillements du passage à l’adolescence, l’emprise de la religion sur l’éducation et les tourments de la classe ouvrière à l’aube des années 40, dans la grisaille de la guerre.


Durée: 1 h 30 sans entracte

Tarif : 53,50$

Sera aussi présenté à la Salle Pauline-Julien le 27 janvier 2017

Duceppe en tournée


Théâtre Desjardins
Cégep André-Laurendeau
1111, rue Lapierre, LaSalle
Billetterie : en personne au sur Admission

Dates antérieures (entre autres)

Du 6 avril au 14 mai 2016 - DUCEPPE

 
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Critique

Tremblay par Tremblay

Encore une fois, si vous permettez, c’est deux monuments. D’abord, Michel Tremblay et ses mots. Dans ce texte, il fait revivre sa mère, sa Nana décédée trop jeune, mais qui a cependant eu le temps de marquer sa plume à jamais. Il s’offre le luxe de redonner corps et voix à cette femme très vive et au caractère bien trempé. Un sacré personnage.


Crédit photo : Caroline Laberge

La pièce s’ouvre sur une belle introduction qui fait un clin d’oeil à de nombreux monuments de théâtre, avant d’annoncer Nana, cette mère et femme «toute simple», qui n’a rien - et pourtant tout - d’un personnage de théâtre. À travers cinq tableaux de dialogues mère-fils étalés sur une dizaine d’années, de l’enfance à la fin de l’adolescence de Tremblay, on découvre une mère aimante, une femme pleine de mauvaise foi et qui aime les commérages. Une femme cultivée aussi, qui se plonge volontiers dans les romans.

Des dialogues qui sont plutôt des monologues, où Nana sermonne son fils qui a fait une bêtise, où elle critique sa belle-sœur et son beau-frère, où elle parle des actrices de télé qui la font rêver, où elle évoque ses livres préférés… Cette mère, c’était une actrice, qui se mettait sans cesse en scène. Virevoltante, présente, elle coupe la parole, exagère, mime, décrit ses anecdotes avec force mimiques et grands gestes.

Nana fait beaucoup rire la salle et raconte ses histoires comme dans du stand-up, au milieu de cette mise en scène minimaliste qui figure une cuisine des années 50. Face à ce personnage plus grand que nature, Henri Chassé, le narrateur, est presque invisible : il écoute, relance parfois, mais semble plutôt regarder vivre sa Nana de loin, avec nostalgie. Cette mère très théâtrale et au sens dramatique prononcé, qui exagérait, adorait raconter, lisait et regardait beaucoup la télé.

L’autre monument de cette pièce, c’est Guylaine Tremblay, élégante dans sa robe rouge très fifties. Maîtrisant à la perfection sa partition, elle se l’approprie avec technique et émotion, donnant vie à son personnage tout en lui infusant sa propre couleur. Elle la différencie ainsi sensiblement de la Nana interprétée par la grande Rita Lafontaine - décédée plus tôt dans la semaine et à qui la première de la pièce a d’ailleurs été dédiée sous un tonnerre d’applaudissements.

Guylaine Tremblay prend toute la place sur la vaste scène de la salle Jean-Duceppe, déclamant ses répliques avec un accent québécois prononcé et saupoudré de joual. C’est un beau retour sur les planches de l’actrice, absente depuis quelque temps des théâtres et qu’on voyait plutôt sur le petit écran. Et c’est réussi : elle porte ici les mots de son homonyme avec brio, captivant le public par son verbe et sa présence qui en impose.

Seul bémol, on regrette un peu le tableau final, où le narrateur-Michel Tremblay offre à sa mère un départ digne du théâtre. Apparaît un paysage de plaines de la Saskatchewan, puis un soleil géant qui amène Nana au ciel au milieu des nuages et de répliques comiques. Alors que le dernier dialogue tranchait avec les précédents en sortant du registre humoristique pour amener une certaine gravité et un aspect plus dramatique - Nana est malade -, on part sur une note loufoque et inattendue qui nous laisse perplexes.

Encore une fois, si vous permettez, c’est surtout la naissance d’un auteur, d’un monument du patrimoine littéraire québécois qui a puisé beaucoup de son inspiration dans cette mère très théâtrale et dramatique. Cette femme, qui a un peu de toutes les mères, femmes, belles-sœurs et cousines de ce monde, et que l’on retrouve par touches plus ou moins diffuses dans les personnages des œuvres de Tremblay. Encore une fois, si vous permettez est un hommage : au théâtre, à la mère et à cette femme incroyable.

10-04-2016