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Du 3 au 5 mai 2017, 19h, 6 mai 16h
Bailarinas
Chorégraphie Sònia Gómez
Interprétation Marc Béland, Sònia Gómez

Huit consignes pour créer une danse « unplugged ». Marc Béland réinterprète ici le solo Bailarina de la Catalane Sònia Gómez.

Depuis 2015, Sònia Gómez propose à d’autres artistes de créer de nouvelles versions de son solo Bailarina. C’est au tour du danseur et comédien Marc Béland de se l’approprier, sous le regard artistique de la metteure en scène Alix Dufresne. Dans cette transmission de danseuse à danseur, de nouveaux enjeux surgissent : le corps du danseur changeant, la dualité entre force et sensibilité, entre puissance et délicatesse, la place d’un danseur sur la scène culturelle quand il a plus de 50 ans.

Sònia Gómez est une figure importante de la scène alternative catalane. L'Agora de la danse l'avait présentée en 2008 lors des « destinations danse : Catalogne ». Formée en interprétation et en chorégraphie de la danse contemporaine à l'Institut del Teatre de Barcelone et au P.A.R.T.S. (Performing Arts Researchand Training Studios) de Bruxelles, elle a par la suite toujours travaillé avec des compagnies de théâtre ou à des projets qui approchaient le mouvement de manière non chorégraphique. Elle a entre autres collaboré avec General Elèctrica, La Carnicería Teatro, La Fura dels Baus, Joan Morey, Juanjo Sáez, Chicks on Speed et Sergi Faustino. En 2000, elle commence un travail plus personnel et fonde sa propre compagnie. Ses spectacles se situent à un point indéterminé entre la danse, le théâtre et la performance et sont, comme elle-même, indéfinissables.


Section vidéo


Conseillère artistique Alix Dufresne
Photo Stephane Najman

Durée 60 minutes

Tarif de 22$ à 35$

Coproduction Agora de la danse, Mercat de les Flors
Résidence de création El Graner


Édifice WILDER
1435, rue De Bleury, Montréal
Place-des-Arts
Billetterie 514 525-1500 - achat par Internet sur la page officielle de Agora Danse
 
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Critique

Depuis deux ans, la chorégraphe et danseuse catalane Sònia Gómez invite des artistes à proposer une nouvelle version de son solo Bailarina, créé en 2014. Puisque l’esthétique de ce spectacle se situe à la frontière du théâtre, de la danse et de la performance, Marc Béland – qui a amorcé sa carrière comme danseur moderne au sein de la compagnie La La La Human Steps – était l’interprète tout indiqué pour relever le défi ludique que lui lançait Gómez. Le résultat est très original et fort divertissant!

Bailarinas prend place sur une scène pratiquement vide, si ce n’est d’un banc de bois placé au fond de la scène, d’un petit coffre posé sur le sol et d’un ordinateur portable auquel est branché un casque d’écoute. Alors que le spectacle débute, Marc Béland entre en scène et vient s’asseoir dans la salle au côté des spectateurs. Sònia Gómez entre à son tour et performe son solo original en énonçant en catalan les huit consignes à enchaîner pour exécuter la chorégraphie : « tu marches comme un pingouin », « tu t’attardes longuement sur un objet particulièrement petit », « tu voles », etc. Plusieurs fois, elle exécute les mêmes mouvements. Elle quitte ensuite la scène et Béland commence le même enchaînement d’actions. Toutefois, à plus de cinquante ans, le danseur n’a pas les mêmes réflexes ou le même contrôle de son corps que la danseuse. Avec beaucoup d’humour, il tente sans succès de remplir la deuxième consigne de la chorégraphie, soit « bouger de manière intéressante », jusqu’à ce que Gómez le rejoigne pour exécuter une consigne supplémentaire : « découvrir les possibilités de son corps ». Cette nouvelle demande amène les danseurs à expérimenter différents mouvements évoquent l’amitié, la sexualité et la fratrie. Parmi les moments savoureux du spectacle, mentionnons la répétition d’une scène romantique où Béland doit pleurer la mort de sa compagne qui vient de s’effondrer devant lui, et que Gómez ne cesse de lui rappeler certaines considérations moyenâgeuses liées à des maladies ou à la bienséance dont il doit tenir compte dans son interprétation. Le texte occupe effectivement une place importante dans le spectacle. Il prend la forme d’un témoignage lorsque Marc Béland se confie sur sa mère malade, d’un mode d’emploi lorsque Gómèz énonce le déroulement de la chorégraphie, d’un échange lorsque les deux interprètes interagissent pour bouger ensemble.

Sònia Gómez est très charismatique et témoigne d’une grande maîtrise de ses mouvements. Elle mélange des gestes précis et saccadés qui rappellent ceux d’une poupée de boîte à musique, ainsi que des mouvements fluides et improvisés. Elle enfile tour à tour une robe vintage blanche, bleue et rouge, un maillot  en velours, une robe de ballerine, et un habit une pièce rose. Elle va même jusqu’à utiliser comme accessoires deux rubans à mesurer en métal semi-rigide qu’elle fait tournoyer dans les airs. Même dans les scènes les plus déjantées du spectacle, elle fait preuve d’une conscience remarquable de son corps dans l’espace. Si l’énonciation des consignes annonce d’abord une pièce conceptuelle mettant de l’avant de la non-danse, les talents de danseuse de Gómez sont constamment mis à contribution. De son côté, Béland constitue un partenaire exemplaire qui met son imagination et sa candeur au service de l’expérimentation que commande le spectacle. Alors que le public le connaît davantage pour ses rôles au théâtre et à la télévision, Béland renoue avec le premier amour que constitue pour lui la danse. Bailarinas se clôt d’ailleurs sur un duo magnifique lors duquel les deux interprètes performent côte à côte une danse endiablée sur une musique rapide et percussive. Lorsque les lumières s’éteignent, c’est avec une petite déception que l’on se résout à voir le spectacle se terminer.

Bailarinas entraîne un plaisir contagieux, autant sur scène que dans le public. Sònia Gómez arrive avec une rare efficacité à combiner au sein d’un même spectacle la mise en valeur de la virtuosité des deux danseurs et leur sensibilité qui leur permet de mener une recherche chorégraphique en direct sous les yeux des spectateurs.

06-05-2017