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29 octobre 2014, 20h - Salle Pauline-Julien
L'afficheL'affiche
Texte et mise en scène Philippe Ducros
Avec Sylvie De Morais, Denis Harvey, Justin Laramée, Michel Mongeau, Marie-Laurence Moreau, Étienne Pilon, Dominique Quesnel, Richard Thériault et une comédienne à confirmer

À travers la télévision, le conflit israélo-palestinien nous semble bien loin. Philippe Ducros, auteur et metteur en scène, s’est inspiré de ses nombreux voyages dans l’État d’Israël et en territoires occupés pour témoigner, avec L’AFFICHE, de ces anonymes qui subissent cette guerre. Abou Salem est imprimeur d’affiches de martyrs. Un jour, il se retrouve à imprimer celle de son seul fils, Salem, mort lors d’un affrontement avec les soldats qui hantent leur camp de réfugiés. Oum Salem, la mère du martyr ne voit rien d’autre que la haine, elle souffre. De son côté, Itzhak, le soldat responsable de la mort de Salem, se retrouve submergé par la violence de son geste et par l’impitoyable cruauté de l’occupation. En marge, Shahida, la sœur de Salem, essaie tant bien que mal de rêver son amour… On y décrit la violence insupportable d’un impossible quotidien. Une pièce qui bouscule portée par des comédiens de grand talent qu’il faut voir à tout prix. 


Section vidéo


Assistance et régie : Maude Labonté
Direction de production Catherine Lafrenière
Scénographie Magalie Amyot
Costumes Nadia Bellefeuille
Assistance à la mise en scène et régie Charlotte Ménard
Direction technique Samuel Patenaude
Musique Ludovic Bonnier
Éclairages Thomas Godefroid
Vidéo Philippe Larocque

Billets :
Salle Pauline-Julien : 32$

Production de Hôtel-Motel


Salle Pauline-Julien
15 615 Boul. Gouin Ouest, St-Geneviève
Billetterie : 514-626-1616 Facebook
 
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 Critique
Critique

Crédit photo : Frédérico Ciminari

par Olivier Dumas

Avec L’affiche, Philippe Ducros écrit et dirige un spectacle inspiré par des séjours prolongés dans les territoires occupés palestiniens. Œuvre personnelle et dense à la fois, la pièce demeure malgré tout trop cérébrale. Bien que le spectacle évite les clichés et lieux communs, il lui manque une ferveur pour véritablement happer le public devant cette tragédie humaine incommensurable.

Texte touffu avec son nombre élevé de courtes scènes et de personnages, L’affiche s’adresse surtout à un public le moindrement averti du contexte sociopolitique du conflit israélo-palestinien. L’histoire s’amorce avec Abou Salem, un imprimeur d’affiches de martyrs qui se retrouve un jour à imprimer celle de son fils unique Salem, mort par balle lors d’un affrontement. Oum Salem, la mère du martyr, ne vit rien d’autre qu’une profonde haine envers les assassins de son fils. Par ailleurs, Itzhak, le soldat responsable du meurtre de Salem, s’interroge sur la violence de son geste. Tout au long de la pièce, on passe sans cesse d’un camp à l’autre des drames qui se jouent des deux côtés de ce mur de huit mètres de haut construit par Israël.

Le plateau, presque vide avec en évidence à l’arrière-scène le mur de béton du théâtre, prend une dimension symbolique de ce qui sépare physiquement et psychologiquement les protagonistes. Les comédiens se retrouvent toujours sur scène, soit dans le feu de l’action, soit en attente sur les chaises placées des deux côtés de l’espace de jeu. Avec seulement quelques objets, le metteur en scène réussit à recréer assez habilement les différents lieux de l’action dans une atmosphère imprégnée de tensions et d’urgence. Parmi les moments forts à souligner, il y a l’expression du désespoir de la mère de la victime (une solide et émouvante Isabelle Vincent), la révolte du soldat Itzhak (un surprenant François Bernier) et les simulations d’attaques terroristes. Sans être exceptionnelle, la crédible distribution permet tout de même, en plus des deux comédiens mentionnés plus haut, à Denis Gravereaux et Michel Mongeau de se démarquer, le premier dans le rôle du père éprouvé, le second dans le double emploi du barbier islamiste et du rabbin orthodoxe.


Crédit photo : Frédérico Ciminari

Dans les entrevues publiées les jours précédant la première, Philippe Ducros exprimait son désir de traiter l’occupation palestinienne par l’émotion afin de comprendre les effets dévastateurs des événements sur les êtres humains. Et l’émotion est peut-être le sentiment qu’une bonne partie du public aurait aimé davantage ressentir durant ce long parcours de deux heures. La construction du texte, avec ses innombrables actions et ses multiples personnages, laisse voir un éparpillement qui dilue la compréhension de l’histoire. La plume de Ducros, pourtant plein de poésie à certains moments, parvient peu à nous faire ressentir la souffrance, le désespoir et les dilemmes profonds vécus par les personnages. Nous nous retrouvons souvent en surface, en périphérie comme si l’auteur n’avait pas puisé suffisamment dans ses tripes, ou fouetté son sujet pour en livrer un témoignage personnel d’une troublante vérité. On se rappellera qu’avec Incendies, Wajdi Mouawad traitant d’un conflit similaire, avait atteint un sommet théâtral dans sa manière de raconter, de faire ressentir de l’intérieur et de transcender une tragédie meurtrière et sanglante.   

Bien qu’évitant le larmoiement et le convenu, le spectacle de Philippe Ducros ne répond pour autant aux attentes du spectateur. Avec un canevas aussi intéressant, L’affiche aurait dû se frayer un chemin aussi près du cœur que de l’esprit.

05-12-2009