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Du 13 au 21 février 2014, 20h - 22 février à 16h et 20h
ChâteauxChâteaux/Exacto
Lisez l'entrevue que David Strasbourg a accordé à Gabrielle Brassard
Programme double
Châteaux
Texte et mise en scène de Benjamin Déziel
Avec Alex Martel, Maxime René de Cotret
Exacto
Texte et mise en scène de Sébastien Tessier
Avec Benjamin Déziel, David Strasbourg, Sébastien Tessier

La compagnie propose un diptyque théâtral hors du commun : Château/Exacto. Fortement inspiré du phénomène « Grindhouse » de Tarantino et Rodriguez, ce programme double vous donnera l’occasion de plonger dans l’univers décapant du Théâtre du Papier sec.

CHÂTEAUX propose une guerre moyenâgeuse et intestine transposée dans les bureaux d’une compagnie de construction un peu spéciale... Éric et François, amis de longue date, tentent de démarrer leur entreprise, Portes et Châteaux, malgré les obstacles qui leur tombent dessus l’un après l’autre. Cette aventure, bien que faussement médiévale, se terminera-t-elle dans un bain de sang?

EXACTO convie le spectateur dans un zoo. Plus exactement dans la salle des employés. Vincent, Nicolas et leur superviseur, Mathieu, font partie de l’équipe d’entretien de nuit. Lors d’un quart de travail bien ordinaire, Vincent et Nicolas commettent l’irréparable. Arriveront-ils à cacher l’évidence à leur superviseur? Ce huis clos absurde vous présente trois bêtes, trois animaux en cages prêts à s’entredévorer.


Section vidéo


Direction de production : Charles-Antoine Bertrand
Conception Costumes/Décor : Jasmine Wannaz
Éclairages : Gabriel Duquette

Production du Théâtre du papier sec


Studio Jean-Valcourt du Conservatoire
4750 rue Henri-Julien
Billetterie 514 873-4031 # 313 ou Admission 1-855-790-1245
 
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 Critique
Critique

par David Lefebvre


Image de la pièce « Exacto ». Crédit photo : Renaud Robert

Un programme double : voilà une tendance peu répandue dans les salles québécoises. C’est ce que propose la troupe du Théâtre du Papier Sec avec deux courtes pièces d’un peu moins de 40 minutes chacune, Châteaux et Exacto. La compagnie dit s’être inspirée du Grindhouse de Tarantino et Rodriguez, un « double feature » sorti dans les salles en 2007 qui rendait hommage aux projections, dans les années 70, de films de type « (s)exploitation »  et d’horreur, en programme simple, double ou alors durant toute la nuit. Malheureusement, de l’univers de ce duo à l’imagerie sanglante n’est restée que l’idée du doublé. En fait, Châteaux/Exacto emprunte davantage au style de Neil LaBute, célèbre auteur américain pour ses courtes pièces, qu’à ce bon vieux Quentin.

En première partie, Châteaux nous entraîne dans un bureau d’architectes qui se spécialise dans le remodelage de maisons en châteaux de type Moyen-Âge. Un tragique accident chez un ancien client, dû au laxisme du copropriétaire et ouvrier de la compagnie, vient alourdir celle-ci d’un règlement à l’amiable valant 500 000$. Mais comment trouver ce montant? Les deux hommes, amis de longue date, iront jusqu’à penser à un projet de détournement de fonds loufoque. Mais la solution, pour au minimum ne pas perdre la compagnie, pourrait se trouver au cœur de l’émission « L’Iris du faucon » (joli clin d'oeil à l'émission de Radio-Canada), qui leur assurerait un investissement important des entrepreneurs vedettes, s’ils réussissent bien évidemment à les convaincre, ce qui n’est pas gagné d'avance.

Simple et plutôt prévisible, le texte de Benjamin Déziel, qui signe aussi la mise en scène, soutire quelques sourires grâce à l’utilisation à tout moment de proverbes moyenâgeux et aux deux personnages au tempérament opposé. Le gag de briser momentanément le quatrième mur avec des monologues/apartés qui présentant au public l'histoire et l'amitié des deux hommes, qui ira d'ailleurs jusqu’à les voir se chamailler pour se placer sous le projecteur, tombe totalement à plat. Si le ridicule n’arrive pas à trouver ses marques lors de la première scène, il explose en deuxième partie lors de la fameuse émission, une scène qui déclenche finalement les rires de la salle par son côté kitsch et légèrement grotesque, voire pathétique.

Châteaux met en fait la table pour le plat de résistance, Exacto, qui est supérieure à sa première partie, mais sans grande surprise non plus ni éclat de génie. Pendant le changement de décor, la troupe a la brillante idée de faire la lecture d’un extrait de sa « prochaine pièce », intitulée La cloche. Après quelques secondes à entendre les deux comédiens ne faire que des bruits et des cris, on comprend de quoi il s’agit, et les rires se font rapidement entendre. Un joyeux moment de folie bien trouvé pour une transition en douceur.

Commence alors Exacto. On se retrouve dans la salle de repos d’un parc zoologique, la nuit. Deux employés entrent en trombe, après ce qui semble être un meurtre à l’exacto. Paniqués, ils tentent de réfléchir à des solutions pour se sortir de ce merdier. Arrive sur le fait leur gérant, qui a une bonne nouvelle à leur apprendre : sa promotion. Il veut célébrer la nouvelle, mais l’ambiance n’est pas trop à la fête. Étant intimement lié à la victime, ce dernier ne doit rien savoir, et les deux comparses ont de la difficulté à cacher leur jeu. Une cage qui se referme et une vérité qui éclate : que peut-il arriver ?

Tout comme Benjamin Déziel, Sébastien Tessier s’amuse avec un genre plutôt usé, mais qui fonctionne encore assez bien si l’on en respecte ses règles. Son écriture sombre davantage dans l’absurde, occasionnant quelques petites répliques au comique imparable. L’absurde semble atteindre son point culminant lors d’une danse frénétique « pour changer le mood », sur l’air de Somebody That I Used to Know du chanteur australo-belge Gotye ; pourtant, la finale vient en tout point la déclasser, avec l’arrivée de la victime – qui n’est évidemment pas qui l’on croit – et un ennemi juré, bouclant la boucle avec Châteaux. Pour être déconcertante et absurde, elle l’est, mais est-ce que cette finale, au gag confus, est l’aboutissement d’une écriture gamine ou simplement d’un manque d’inspiration ?

Au cœur de ces deux récits, le Théâtre du Papier Sec explore un peu maladroitement et sans grande originalité l’amitié masculine, les magouilles honteuses de « chums de gars » et la violence à l’intérieur de soi. Malheureusement, les répliques manquent de punch, de cynisme et d’acidité pour réellement marquer l’imaginaire. Par contre, il faut mentionner l’effort que la compagnie déploie pour monter des textes originaux (imparfaits, certes, mais non dénués d’intérêt), pour expérimenter certaines formes théâtrales et, surtout, pour s’amuser sur scène, entre gars.

Soyons honnêtes, on ne va pas voir Châteaux/Exacto pour être soufflé par le jeu profond et intense des comédiens ou pour le côté spectaculaire de la mise en scène : on y va par plaisir coupable que ce genre de soirée procure, à rigoler sans se prendre la tête, et pour assister au délire – et, du coup, l’encourager – de cette jeune troupe qui pourrait certainement surprendre lors de ses prochains projets.

..13-02-2014