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20-21-22 février 2013, 20h, 23 février 2013, 14h et 20h
EncoreEncore
Texte Marc Prescott
Mise en scène de Louis-Philippe Labrèche
Avec Kim Cormier et Ghislain Roberge

Dans Encore, un homme et une femme se sont déjà rencontrés dans le bar d'un hôtel. L'homme et la femme se rencontre de nouveau pour revivre le moment de cette rencontre. Lors de cette rencontre, l'homme et la femme recréent à nouveau la scène de leur rencontre. Cette rencontre, l'homme et la femme la revivent année après année, après année... Encore va bien au-delà de la comédie romantique, c'est le lieu du glissement de la reprise. La pièce esquisse l'éternel retour du désir et de l'imagination, éléments essentiels de toute création; elle reprend la réplique qui est la base du dialogue et nous rappelle que tout lieu est une scène qui se joue. Une pièce sur l'être humain et son théâtre.


Scénographe David Poisson

Générale / Regular : 23.00$
Membres du Cartel : 17.00$

Retardataires non admis

Une production Cartel du Tréteau - événement Facebook


MainLine Theatre
3997, St-Laurent
Billetterie : (514) 849-3378

 
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 Critique
Critique

par David Lefebvre

Une femme décide de célébrer le premier anniversaire de sa rencontre avec son mari (ainsi que tous les suivants) en tentant de recréer ce moment magique où elle a été charmée. Romancière, ayant un faible pour Kundera, elle réécrit cette scène de séduction avec beaucoup de poésie, à la limite du fantasme, que son homme et elle devront réciter année après année. Le but de l’exercice : se rappeler dans 50 ans, une fois ratatinés et séniles, les raisons pour lesquelles ils sont toujours amoureux et se « distinguent des autres couples blasés ». Louable, certes, mais est-ce que répéter une première fois est suffisant? Est-ce même sain de tenter de garder intact ce moment éphémère qui a su tout allumer, au lieu de le réinventer?

C’est en 2004 que l’auteur franco-manitobain Marc Prescott signe Encore, après avoir connu deux grands succès, soit Bullshit (lauréat du Masque de la meilleure production franco-canadienne en 2001) et Sex, Lies et les Franco-Manitobains, qui fit scandale. Avec Encore, Prescott explore la vie d’un couple, de ces premiers moments fébriles, puis du premier soir sans le poupon ; viennent ensuite les remises en question, les doutes, le départ, puis le désir de reconquérir, et enfin la quasi-perte, causée par une mémoire défaillante, malade, qui en dira pourtant plus long que toute une vie ensemble. Au travers de six tableaux, Prescott s’amuse avec les répliques écrites par la jeune femme en les remaniant selon les situations, leur faisant prendre une tout autre tournure ou une autre signification dans la bouche des protagonistes – possiblement l’intérêt principal de cette pièce. Mais la répétition de ces rencontres et de certains passages au cœur des dialogues créent des longueurs parfois assommantes ; peut-être que sous la forme d’une courte pièce, ce texte aurait pu avoir une plus grande portée. De plus, cette version, produite par le Cartel du tréteau et présentée au MainLine, est scindée en deux par un entracte – relativement inutile – d’une dizaine de minutes, qui vient couper le rythme dramatique et amputer l’intérêt du public.

La mise en scène de Louis-Philippe Labrèche navigue toujours en surface, entre l’humour et le drame, sans arriver à réellement atteindre l’un ou l’autre. Si l’on esquisse quelques rires ici et là, l’ironie de certaines situations ne fait guère broncher, tout comme les moments plus touchants ; on reste relativement de marbre devant la tristesse et la mélancolie de cette femme, ou devant cet homme qui touche le fond, discutant avec sa bouteille, ou lorsqu’il atteint la vieillesse et ne reconnaît même plus l’amour de sa vie. Du côté des comédiens, Kim Cormier manque souvent de naturel, créant un rôle hybride, froid, plutôt que sensuel et engageant, mais arrive tout de même à proposer une belle présence en scène. Son compagnon, Ghislain Roberge, s’en tire beaucoup mieux et arrive en grande partie à être juste et convaincant, de 20 à 70 ans. Le ton faux et très « français normatif » qu'ils empruntent lorsqu’ils « jouent » le texte de leur première rencontre peut irriter, mais l’on s’y fait ; si Roberge maîtrise bien les niveaux de langage, entre l'accent québécois et celui plus appuyé, sa collègue y arrive plus difficilement, les faisant se chevaucher constamment.

La scénographie de David Poisson est on ne peut plus simple, mais amplement suffisante : une porte d’arche, une table, deux chaises, et des coupes de vin qui représentent les différentes années de mariage, de Papier à Or – un repère temporel bien trouvé. Les éclairages viennent malheureusement trop appuyer les moments de jeu et ceux plus naturels du couple, comme pour les identifier, les surligner, créant une ambiance artificielle, trop théâtrale. La trame sonore, ni racoleuse, ni terne, propose une musique de type easy listening, accompagnant bien la plupart des scènes de la pièce, à l’exception de la fin de l’une d’elles, venant atténuer, même briser l’émotion qui aurait pu s’y dégager.

Manquant sensiblement de cynisme et d’émotion pour accrocher véritablement le public et lui faire vivre tous les aléas de l’amour d’une vie, cette production du Cartel du tréteau s’avère tout de même une honnête proposition, malgré sa saveur « aigre-douce ».

20-02-2013