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20 janvier 2012, 20h
Appartement BManga
Texte Jocelyn Sioui et Belzébrute
Mise en scène Belzébrute
Avec Éric Desjardins, Caroline Fortin, Amélie Poirier-Aubry et Jocelyn Sioui

Depuis sept ans, Ritsuko prépare soigneusement sa vengeance et la voici enfin aux portes de sa libération… Voilà une audacieuse histoire épique délicieusement ingénieuse. Un délirant voyage au cœur d'un japon médiéval déjanté. Vous en perdrez votre japonais!

À mi-chemin entre la bande dessinée et le cinéma d’animation japonais, Manga est une succession ininterrompue de tableaux qui composent une trame narrative mystérieuse, poétique et où l’image prime sur la parole. Mais Manga n’est pas une pièce de théâtre Zen et méditative! Au contraire! Dans ce spectacle, le band de théâtre Belzébrute explose dans une énergie rassembleuse et dans un rythme et un esprit complètement fous.

À travers ses créations, Belzébrute explore, avec une folie lumineuse et une désinvolture contagieuse, le théâtre d’objets, la marionnette, le jeu masqué, la poésie de l’image et le théâtre d’ombres. Une approche audacieuse qui lui a permis de recevoir de nombreuses critiques élogieuses et plusieurs distinctions.


Section vidéo
une vidéo disponible


Scénographie Mathieu Poirier-Galarneau
Musique Amélie Poirier-Aubry
Costumes et accessoires Caroline Fortin
Vidéos Jocelyn Sioui
Éclairage et régie Clémence Doray

BILLETS : 17.00$ pré-vente jusqu’au 23 décembre
22$ prix régulier/17.00$ groupe de 10 et +

Une création de Belzébrute


Gesù
1200 de Bleury
Billetterie : (514) 861-4036 ou le réseau Admission au (514) 790-1245 ou au www.admission.com

Dates antérieures (entre autres)

18 au 30 janvier 2011 - Mainline

 
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 Critique
Critique

par David Lefebvre

Deuxième volet de la trilogie sur la vengeance de la compagnie Belzébrute, Manga revient un an, presque jour pour jour, après ses débuts dans la petite salle du MainLine avec une version approuvée et améliorée. Ayant joué à La Chapelle en juin 2011, puis à Windsor, c'est au Gesù que le band de théâtre posait ses pénates, pour un soir seulement.

Le spectacle avait réussi à décrocher plusieurs bonnes critiques à l'époque, dont celle de MonTheatre que vous pouvez lire plus bas et qui est encore tout à fait d'actualité. Mais comme la troupe se plait à le dire, ses projets ne sont jamais figés et évoluent continuellement. C'est le cas avec Manga : alors que la première mouture était plus dramatique, flirtant avec une facture se rapprochant du Nô, on retrouve ici, peut-être, un style plus près encore que ce que les concepteurs voulaient proposer, soit une pièce définitivement plus « bédéesque », ou « animée ». Le rythme y est plus soutenu, et quelques ajouts sont particulièrement réussis et éclaircissent considérablement la compréhension, dont des repères temporels, quelques nouvelles images projetées décrivant mieux l'état de l'action et une marionnette supplémentaire, un joli dragon au corps formé par des bols de riz. On devine aussi plus de mots français, qui font s'esclaffer immanquablement l'auditoire, au travers de ce langage pseudo-japonais très précis – rappelons que les comédiens n'improvisent pas, ou si peu, Jocelyn Sioui ayant écrit une partition presque harmonique qui rend admirablement bien les émotions ressenties par les personnages. Sans mot, on connecte pourtant avec eux, surtout avec la jeune Ritzuko et son désir insatiable de vengeance.

La musique composée et interprétée en direct par Amélie Poirier-Aubry est toujours une puissante trame narrative. C’est en assistant à la pièce plus d’une fois qu’on comprend toute sa charge émotive et son importance. Inspirée et inspirante, la musicienne et comédienne parvient à créer plusieurs atmosphères et à les intégrer de superbe manière au récit, si bien qu'on l'oublie, tout en la percevant comme un personnage fantôme toujours présent sur scène - une rare qualité. Alors que nous nommions tambours, bol chantant, luth japonais, shamisen et flûtes dans notre plus récente critique, il est amusant de voir que les instruments utilisés sont pour la plupart conçus avec des objets usuels : un cul de poule pour le bol, un shamisen fait totalement maison ; une autre impressionnante réussite à ajouter à la liste.

Les influences semblent encore plus présentes dans cette version : on ne peut nier Les sept samouraïs, mais aussi Karate Kid, Kill Bill et compagnie. Si Manga peut prétendre à quelque chose, c'est bien d'être un produit d'une vision très occidentale de la culture japonaise par le kaléidoscope de la bande dessinée et de l'art populaire. Sans contredit, le travail est accompli.

Après la représentation au Gesù, une discussion très intéressante a eu lieu entre les spectateurs et Belzébrute. Une réponse en particulier est venue jeter une lumière nouvelle sur la pièce. Si le thème de la vengeance est au coeur de Manga, on y parle aussi de rédemption. La troupe aurait ainsi avantage à clarifier ce point du récit, possiblement en définissant mieux la nature du remerciement, à la toute fin, que Ritzuko offre à l'assassin de ses parents, pour ainsi mieux comprendre son geste et sa pensée. Pour percevoir que la vengeance devient en elle non pas une motivation, mais un cancer qui la ronge de l'intérieur.

Alors que Manga part possiblement en tournée et fera bientôt RIDEAU, on parle déjà de la troisième partie de la trilogie, soit un western, possiblement en 2013. Ça promet, beaucoup.

20-01-2012

 

par David Lefebvre


Crédit photo : Marc-André Bouvier-Pelletier

Le mot «manga» est utilisé au Japon principalement pour désigner une bande dessinée. Dans la société occidentale, sa définition prend un sens beaucoup plus large, englobant la plupart des produits visuels dessinés nippons (bd, dessins animés et romans graphiques). Ses origines sont millénaires, et les catégories qui le composent sont très diversifiées. Il serait erroné de considérer ce genre littéraire comme mineur, ou marginal. Le manga est extrêmement populaire : on comptait, en 2008, 3,2 milliards de publications vendues au Japon, et 40% des bandes dessinées achetées en France étaient des mangas.

Le band de théâtre Belzébrute, qui nous avait offert il y a quelque temps Shavirez le Tsigane des mers, l'un des meilleurs spectacles au Fringe édition 2008, revient avec un projet qui s'inspire très ouvertement du monde de l'imagerie japonaise et du manga. Avec des perruques rappelant les chevelures des Naruto ou Dragon Ballz, des costumes traditionnels riches en couleur et en texture, des maquillages blancs aux lèvres rouges, Manga puise ses idées dans toutes les sources possibles du pays du soleil levant, du moins celles connues en Occident.

Second volet de la Trilogie sur la vengeance entamée par Belzébrute, Manga raconte l'histoire de la jeune Ritzuko, témoin chez elle de l'assassinat de ses parents des mains du Shogun. Sur les traces de grands maîtres, elle lutte, tel un bushido, et parvient jusqu'au général ; mais combien de fois devra-t-elle le tuer pour que sa vengeance soit totalement assouvie? Quelle histoire se cache réellement sous les traits de ce Shogun?

La mise en scène imaginée par le band réunit ingénieusement plusieurs influences artistiques, du kabuki à l'art clownesque, de la marionnette au théâtre d'ombres, jusqu'aux projections vidéo des plus modernes. On ne fuit pas le cliché, on l'utilise, on l'amplifie, on s'amuse avec lui. Plusieurs références cinématographiques s'immiscent subrepticement : Karate Kid, Shogun, Kill Bill, Godzilla, Ringu (Le cercle), même Batman, grâce à quelques pancartes de bruit. Les ombres et les projections animées se marient fort bien, formant de jolis tableaux projetés sur un triple paravent. La marionnette vient aider certains mouvements des comédiens - les jambes de Caroline Fortin sont manipulées pour une scène d'arts martiaux des plus rigolotes - ou ajoutent un personnage amusant, comme un ninja apparu de nulle part qui ne garde pas sa tête très longtemps, sang en prime.


Crédit photos : Marc-André Bouvier-Pelletier

L'une des belles réussites du spectacle est sans contredit le langage pseudo japonais qu’usent les interprètes Caroline Fortin, Éric Desjardins et Jocelyn Sioui. Travaillés avec soin, on peut facilement se faire berner par les dialogues incompréhensibles, mais crédibles ; par contre, si notre oreille est attentive, on perçoit ici et là certains mots qui n'ont aucun rapport dans la conversation (sudoku, kamikaze, Sapporo) ou, encore, quelques rares phrases en français ou en anglais, ce qui déclenche invariablement le rire de l'auditoire. Manga est une pièce qui expérimente et met de l'avant la poésie visuelle, le jeu de l'acteur et la volonté de raconter une histoire qui fait sens, plus complexe qu’elle n’y paraît, sans utiliser la langue française comme principale assise. Par contre, dû essentiellement à l'espace de jeu et au budget, le concept atteint rapidement ses limites, malgré une certaine ingéniosité. De plus, un rythme légèrement plus soutenu et plus précis serait bénéfique lors de quelques scènes chorégraphiques, la rapidité d’exécution étant l’une des caractéristiques reconnues des personnages de mangas.

La musique, omniprésente, est l'un des atouts du spectacle. Composée et interprétée admirablement bien par Amélie Poirier-Aubry, elle accompagne les émotions et les actions de chaque personnage lors des différents tableaux de la pièce. Tambours, bol chantant, luth japonais, shamisen, flûtes, c'est une véritable trame sonore complexe et mélodieuse, jouée en direct, qui nous est proposée.

Imaginatif et sans prétention, Manga propose une histoire de vengeance aux péripéties multiples, dans laquelle on plonge avec plaisir et qui donne envie de découvrir ou redévorer les classiques du genre.

19-01-2011