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Du 28 février au 3 mars 2017, 20h
Mercurial George
Danse
Création et interprétation Dana Michel

Unique et à part, Dana Michel incarne dans ses pièces des personnages étranges et touchants qui lui permettent d’explorer les contours de la marginalité. Son corps ne danse pas, il vit devant nous une expérience pleine et dangereuse. Avec Mercurial George, Dana Michel explore l’archéologie de son héritage culturel et fouille dans les recoins les plus troubles de ce qui la constitue. Enfilant avec candeur les différentes peaux, tenues et idées qui lui appartiennent, elle use de son imagination franchement décalée pour amener son public à regarder autrement.

Ex-sportive professionnelle, Dana Michel est diplômée du programme de danse contemporaine du BFA de l’Université Concordia. En 2013, elle signe Yellow Towel, un solo acclamé par la critique qui a reçu un prix spécial au prestigieux festival ImPulsTanz de Vienne pour souligner l’excellence de sa production artistique. Michel a aussi été nommée dans le palmarès des meilleures performeuses en 2014 par le New York Times. Ses productions ont été présentées dans plusieurs villes d’Amérique du nord, d’Europe et du Royaume-Uni. Elle est artiste en résidence à l’Usine C pour 3 ans, et a été présentée à Actoral Marseille en 2014.


Lumières Karine Gauthier
Élan artistique Martin Bélanger, Peter James, Mathieu Léger, Roscoe Michel, Yoan Sorin
Conseil sonore David Drury
Photo Sammy Rawal

Discussion avec le public après la représentation du jeudi 2 mars

Tarifs : Rég. 30$ | Ainé 27$ | Réduit 25$

Création au FTA, Montréal, le 2 juin 2016

Coproduction Festival TransAmériques, Tanz im August (Berlin), CDC Atelier de Paris-Carolyn Carlson, ImPulsTanz Vienna International Dance Festival, Chapter (Cardiff)
Résidences de création Usine C, Dancemakers – Centre for Creation (Toronto), ImPulsTanz Vienna International Dance Festival, Actoral – La Friche Belle de Mai (Marseille), CDC Atelier de Paris-Carolyn Carlson, Woop (Douarnenez)


Usine C
1345, avenue Lalonde
Billetterie: 514-521-4493

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Dates antérieures (entre autres)

2 et 3 juin 2016, 21h, 4 et 5 juin 2016, 16h - FTA (La Chapelle)

 
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Critique

Crédit photo : Sammy Rawal

Avec Yellow Towel, son précédent solo créé au FTA en 2014, Dana Michel se jouait des stéréotypes associés à la négritude, en se penchant notamment sur les clichés des publicités et les danses africaines telles que représentées en occident. Avec Mercurial George, elle poursuit sa démarche identitaire, partant encore une fois de malaises ressentis (telle sa peur des singes, venue de son enfance) et d’une curiosité bien personnelle. Les deux spectacles se travaillent et s’apprécient dans une grande lenteur qui les rapproche de la performance. Une performance ancrée, encore plus précisément dans le cas de Mercurial George, dans un corps qui semble par moments échapper au contrôle de son possesseur.

Dans la salle du théâtre La Chapelle, on entend bien avant de voir ce corps, celui de Michel, à demi nu. On entend les frottements de tissu contre le sol, les mouvements désordonnés du corps qui se traîne, tout tendu pour atteindre un matelas et quelques maigres possessions, dont trois grands sacs de plastique dans lesquels elle se glisse ou desquels elle tire différents objets. Très rapidement, la chorégraphie erratique, mais superbe et parfaitement maîtrisée, évoque les gestes saccadés et répétitifs de l’autiste ou de certains itinérants atteints de maladies mentales. Michel place son corps, parcouru d’un réseau de tics impressionnant, dans  toutes sortes de positions, jamais satisfaite, jamais confortable.

Tout en occupant une portion réduite de l’espace, l’artiste parvient à concentrer tous les regards sur elle, par ses gestes, ses vocalises (desquelles surgit à l’occasion un mot distinct, vif comme l’éclair) et les différents sons produits par les objets qu’elle déplace. Amplifiés et magnifiés par micro, ils fascinent le personnage, qui les répète à plusieurs reprises, jusqu’à créer un effet hypnotique sur le public et lui-même. Cette identité s’efface tandis que l’artiste disparaît presque en coulisse pour revêtir un grand manteau de fourrure. Toute la gestuelle de Michel se modifie alors, et on tangue avec cette femme, sorte de petite reine de la rue. Puis, l’identité évolue encore, et on la suit dans un cocon, sorte de tente étroite, où elle s’enferme pour faire un discours. Mercurial George nous fait ainsi côtoyer une faune hétéroclite, une foule de corps aux mouvements bizarres, que l’artiste fait naître avec une fluidité admirable. Quelques éléments de costume très simples (des bas collants blancs, un manteau qui avale tout son corps, un bonnet, des souliers de course bien trop grands) rappellent l’allure des marginaux que Michel côtoie chaque jour dans le quartier qu’elle habite, Centre-Sud, et qui, selon son propre aveu, la fascinent et l’inspirent.

Tout en ne parlant pour ainsi dire pas de toute la performance, sinon par mots épars dont le sens ne semble pas avoir tant d’importance, Michel offre une prise de position politique et poétique, vibrante et assumée, en nous faisant voir un pan marginalisé de la société. En dépit de quelques longueurs, qui incitent l’esprit à vagabonder, Mercurial George est l’œuvre d’une artiste en maîtrise de son sujet, consciente de son corps, de son identité ethnique et culturelle, de sa différence aussi.

03-06-2016