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12-13-14-15 février 2014, 20h
L'homme AtlantiqueL'homme Atlantique (et La maladie de la mort)
Textes Marguerite Duras
Adaptation et mise en scène Christian Lapointe
Avec Jean Alibert, Anne-Marie Cadieux et Marie-Thérèse Fortin

Encensée ou conspuée, sacralisée ou parodiée, l’écriture de Marguerite Duras ne cesse de fasciner. Christian Lapointe met en scène deux textes de l’écrivaine, L’homme atlantique et La maladie de la mort, et s’empare de la voix durassienne. Comment arracher Marguerite Duras à son mythe ? Comment faire entendre le silence entre les mots et toutes les images qu’il convoque ? Comment raconter ce qui est inénarrable ? Pour ce faire, Christian Lapointe pénètre cette brèche fragile entre le fictif et le réel qui s’ouvre sur le plateau. Par l’emploi des procédés du théâtre – répétition, improvisation – et du cinéma – le metteur en scène déconstruit la représentation pour l’incarner dans la chair des comédiens Marie-Thérèse Fortin, Anne-Marie Cadieux et Jean Alibert. En joignant sa vision à la voix hantée de Marguerite Duras, Christian Lapointe entraîne le public dans une mise en abyme fascinante de la création et magnifie la quête déchirante de l’amour entre les hommes et les femmes.

Le Théâtre Péril, dont Christian Lapointe est le directeur artistique, a gagné sa réputation avec des spectacles inclassables, exigeants et pluridisciplinaires. Qu’il monte ses propres textes, ceux d’auteurs symbolistes (Yeats, Villiers de L’Isle-Adam) ou du mouvement britannique “in-yer-face theatre” (Sarah Kane, Mark Ravenhill), Christian Lapointe favorise la prise de risque, l’invention de langages théâtraux et l’intervention du réel dans le dispositif scénique. Parmi ses dernières créations, citons L’enfant matière, de Larry Tremblay et Outrage au public, de Peter Handke.


Section vidéo
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Scénographie Jean-François Labbé
Vidéo Lionel Arnould
Lumières Martin Sirois
Musique et environnement sonore Mathieu Campagna
Assistance à la mise en scène Alexandra Sutto
Costumes Mylène Chabrol
Dramaturgie Sophie Devirieux
Programmation de logiciel vidéo Pierre-Olivier Fréchet-Martin
Direction technique Mathieu Thébaudeau
Direction de production Catherine Desjardins-Jolin
Photo et vidéo promotionnelle Sylvio Arriola Production Théâtre Péril
Crédit photo Yan Turcotte

Régulier 35$ / Ainés 32$ / Réduit 28$
Durée 80 min

Coproduction du Festival Transamériques, Recto-Verso, Théâtre français du Centre National des Arts
Résidence de création Place des Arts
Présentation Usine C


Usine C
1345, avenue Lalonde
Billetterie: (514) 521-4493

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Dates antérieures (entre autres)

31 mai 2013, 1er et 2 juin 2013, Festival TransAmériques
7 et 8 juin 2013, 21h, Carrefour

 
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 Critique
Critique

par Geneviève Germain


Crédit photo : Yan Turcotte

Prendre le public à partie, susciter l’imaginaire, créer un univers statique qui laisse place aux écrits évocateurs et parfois déroutants de Marguerite Duras : L’homme atlantique (et la maladie de la mort) réunit tous ces éléments. Le metteur en scène Christian Lapointe, reconnu pour ses pièces denses, radicales et parfois hermétiques, s’arme de la lourde symbolique de l’écrivaine française pour donner vie à un acte de création. Utilisant comme prémisse un plateau de tournage durassien, la voix de l’auteure soutenue par celles des deux personnages dudit film anime ce cinéma où la gestuelle est quasi-inexistante. Les mots qui sont offerts aux spectateurs demeurent suspendus dans le temps, dans une intrigante absence d’action.

Face à une caméra, les deux personnages (Jean Alibert, Anne-Marie Cadieux) doivent oublier qu’ils sont filmés. C’est la voix de la narratrice (Marie-Thérèse Fortin) qui impose cette condition. Elle les guide également dans leur récit, instructions auxquelles ils répondent, créant un dialogue à trois voix. S’attaquant aux thèmes récurrents de l’œuvre de Duras, soit l’attente, l’amour et la sensualité, les personnages ne laissent pourtant transparaître que des parcelles de ce qu’ils ressentent. Tout est dicté, laissant la tâche aux spectateurs de décortiquer les textes qui leur sont offerts. L’homme ne voit rien, tout comme le public n’est pas témoin de l’action qui se trame. L’homme tente de connaître l’amour physique en payant une femme pour qu’elle lui accorde sa présence plusieurs nuits de suite et leur absence de réelle relation découlerait de la maladie de la mort dont l’homme est atteint. Dans ce cinéma qui n’en est pourtant pas un, l’œil cherche et ne trouve pas.

La mise en scène reprend en partie celle du moyen métrage de Marguerite Duras (L’homme atlantique, 1981) où la moitié du film est habitée par un écran noir. Les personnages se retrouvent emmurés et donc coupés de la vue des spectateurs. Seule la caméra peut encore les voir. Reprenant ces images par la suite pour les projeter sur ces murs, la pièce invite à être témoin de sa propre création. Dans ce récit qui témoigne de l’impossible rencontre entre l’homme et la femme, le public se retrouve lui aussi propulsé à l’avant-scène. Un esthétisme minimaliste et froid habite la scène, rehaussé par la voix grave et posée de Marie-Thérèse Fortin qui ajoute au ton sombre de la présentation.

La démarche artistique exploite habilement le symbolisme omniprésent dans l’écriture de Duras, non pas en le couvrant d’images fortes, mais bien en lui cédant toute la place. Tout comme l’auteure qui dit « J’ai fait un film de votre absence », le public vit et contribue à cette action inexistante en devant lui-même définir les limites entre le réel et l’imaginaire qui est évoqué. L’homme atlantique (et la maladie de la mort) offre un théâtre exploratoire et détaché qui réussit tout de même à recréer l’univers tendu et singulier de Marguerite Duras.

01-06-2013