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Du 14 mars au 8 avril 2017, supplémentaires 9 avril 14h, 11 avril 19h30, 12 et 13 avril 20h
Caligula
Texte Albert Camus
Mise en scène et dramaturgue René Richard Cyr
Avec Chantal Baril, Éric Bruneau, Louise Cardinal, Normand Carrière, Jean-Pierre Chartrand, Sébastien Dodge, Benoît Drouin-Germain, Milène Leclerc, Jean-Philippe Lehoux, Macha Limonchik, Benoît McGinnis, Frédéric Paquet, Étienne Pilon, Denis Roy, Rebecca Vachon

Albert Camus, avant de devenir l’un des penseurs les plus lumineusement intègres du 20e siècle, a été un jeune homme épris d’absolu. Avec la fougue d’un héros romantique qui aurait volé à Nietzsche l’envie impérieuse d’aller voir au-delà du bien et du mal, il entreprend à vingt-cinq ans l’écriture d’une pièce où il prête au personnage historique de Caligula une volonté folle: celle de s’affranchir de toute entrave à ses désirs. Et comme Camus souhaitait que l’on évite le « style romain», le metteur en scène René Richard Cyr situe la fiction de Camus dans le légendaire contexte de sa création: le Paris existentialiste des années quarante, là où est née la pensée contemporaine et où l’on croyait que tout était possible.

Caligula, le jeune empereur de Rome, a disparu. On s’inquiète: la mort de sa sœur et amante Drusilla l’a-t-elle poussé au désespoir ? Mais le voici qui revient clamant que « ce monde, tel qu’il est, n’est pas supportable ». Il met alors tout son pouvoir et toute son intelligence à faire advenir l’impossible ; obsédé par la médiocrité des vies ordinaires et fasciné par l’horreur arbitraire des catastrophes, il se lance dans la perversion systématique de toutes les valeurs afin de comprendre jusqu’où peut aller l’exercice absolu de la liberté. Déterminé à vivre sans aucune contrainte, que découvrira-t-il au fond de lui-même ?

Autour de l’exceptionnel Benoît McGinnis en Caligula, René Richard Cyr a réuni une assemblée d’actrices et d’acteurs qui sait faire résonner le verbe de Camus, où l’on retrouve entre autres l’admirable Macha Limonchik.


Musique Michel Smith
Assistance à la mise en scène et régie Marie-Hélène Dufort
Décor et accessoires Pierre-Étienne Locas
Conception des costumes Mérédith Caron
Éclairages Erwann Bernard
Maquillage Angelo Barsetti
Photo Jean-François Gratton

Durée 2h

Production TNM


Section vidéo


TNM
84, rue Sainte-Catherine Ouest
Billetterie : 514-866-8668

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Critique

Après avoir prêté ses traits à Néron (Britannicus), Hamlet et Bérenger (Le roi se meurt), Benoît McGinnis incarne Caligula dans la pièce éponyme d’Albert Camus. Appartenant à ce que l’auteur français a qualifié de cycle de l’absurde – cycle dans lequel nous retrouvons L’étranger, Le mythe de Sisyphe et Le malentenduCaligula retrace la vie et le règne de l’empereur romain Caius César et dépeint l’absurdité au fondement de la condition humaine. En effet, suite à la mort de sa sœur et amante Drusilla, Caligula prend conscience du caractère éphémère du chagrin qui le dévaste et de l’impuissance qu’il ressent face à sa mort inéluctable. Réputé comme étant un souverain bon et respecté au début de son règne, il devient alors un tortionnaire sanguinaire qui se plait à mesurer sa totale emprise sur son entourage.




Crédit photos : Yves Renaud

La pièce commence alors que Drusilla meurt brusquement sous les yeux de Caligula, sur une musique rock cacophonique conçue par Michel Smith. Le sang qui ruisselle de la bouche de la femme brise la pureté de la scénographie et des costumes d’un blanc immaculé, créant ainsi une image qui donnera le ton au spectacle. Caligula conservera d’ailleurs son chandail taché de sang durant toute la pièce, trace indélébile de l’événement à la source de sa détresse.

Le décor conçu par Pierre-Étienne Locas se présente sur deux niveaux. Le début et la fin de la pièce se déroulent sur une plateforme blanche et lumineuse qui rappelle l’univers céleste. Mis à part lors de ces deux moments clés du spectacle, cet espace est accessible au regard du public essentiellement de manière fragmentaire par différentes petites trappes qui s’ouvrent dans le mur et par lesquelles Drusilla multiplie les apparitions spectrales et oniriques tout au long de la représentation. Toutefois, l’essentiel du spectacle se déroule sous cette plateforme, dans un espace sombre divisé par des poutres métalliques, entre lesquelles circulent les personnages. En plus de la force symbolique qu’il connote, le décor tout en sobriété a l’avantage de maintenir l’attention du spectateur sur le texte et l’interprétation des comédiens, qui constituent le plus grand intérêt du spectacle. Décrit par René Richard Cyr comme un «thriller philosophique», Caligula dépasse le simple portrait de la folie d’un homme de pouvoir pour faire plutôt ressortir ses questionnements philosophiques.

Le jeu magistral de Benoît McGinnis donne une profondeur et une certaine humanité au personnage de Caligula. Aussi crédible dans sa démesure que dans son chagrin, il offre une des plus belles performances de sa carrière. McGinnis semble complètement envouté par son personnage et par la folie mégalomane qui le ronge. Méconnaissable avec sa perruque brune et sa peau vieillie, Macha Limonchik incarne aussi avec brio Cæsonia, la fidèle femme déchue de Caligula. Prête à tout pour rester auprès de lui, même à lui offrir sa vie, elle accepte tous les abaissements qu’il lui fait subir.

Avec sa mise en scène de Caligula, René Richard Cyr montre encore une fois son talent de metteur en scène et de directeur d’acteur, ainsi que sa polyvalence à monter autant des créations que des grandes œuvres du répertoire. Dans le contexte actuel, le texte de Camus conserve une grande pertinence et permet de renouveler le regard que l’on peut poser sur le comportement de certains dirigeants politiques.

18-03-2017