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Du 4 au 29 octobre 2011, du mardi au vendredi 20h, jeudi 6 octobre 19h, samedi 15h et 20h
Supplémentaires 2-3 novembre, 20h
L'École des femmesL'École des femmes
Texte de Molière
Mise en scène Yves Desgagnés
Avec Jean-Philippe Baril Guérard, Henri Chassé, Pierre Collin, Louison Danis, Sophie Desmarais, Mathieu Handfield, Raymond Legault, Miro, Guy Nadon

Arnolphe, à un âge déjà bien mûr, s'apprête à réaliser son rêve : épouser la toute jeune Agnès qu'il a fait élever dans l'ignorance et l'isolement afin d'avoir une femme qui ne troublera pas sa quiétude par son indépendance d'esprit et ses idées nouvelles. Avec cette pièce où pour la première fois, au grand scandale de ses contemporains, un auteur de théâtre décide de se mêler de l'éducation et de l'autonomie des femmes, Molière est devenu Molière, faisant par ce coup d'éclat entrer la critique sociale dans le champ de la comédie.

Pour inaugurer la saison de ses 60 ans, le TNM se tourne de nouveau vers son plus fidèle complice, vers celui qui, depuis le tout début en octobre 1951, s'est joint de façon permanente à notre équipe sans jamais cesser de nous inspirer par son esprit de troupe, sa lucidité et son génie : Molière.

Quand le TNM présente L'École des femmes la vérité humaine de la pièce crée toujours un impact mémorable : les mises en scène de Jean Gascon en 1965 et de René Richard Cyr en 1990 ont marqué notre histoire. Depuis des années, l'exceptionnel Guy Nadon attendait le bon moment pour aborder Arnolphe – sûrement le plus pathétique des personnages moliéresques. Quant au rôle d'Agnès, que l'on offre depuis plus de trois cents ans à une jeune comédienne dont on veut révéler le talent, il est cette fois-ci offert à Sophie Desmarais dont la sensibilité à fleur de peau sied admirablement au rôle. À la mise en scène, Yves Desgagnés, qui a enchanté notre public avec ses superbes comédies shakespeariennes, aborde enfin Molière !


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Équipe de concepteurs : Claude Accolas, François Cyr, Martin Ferland, Daniel Fortin, Catherine Gadouas, Claude Lemelin, Valérie Lévesque, Julie Measroch

L'ÉCOLE DES FEMMES en sorties (2011)

Production TNM
TNM
84, rue Sainte-Catherine Ouest
Billetterie : 514-866-8668

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 Critique
Critique

par Olivier Dumas

Le Théâtre du Nouveau Monde amorce brillamment sa soixantième saison avec L’école des femmes de Molière, probablement l’un des auteurs les plus souvent joués sur ses planches. Cette pièce du répertoire, Yves Desgagné l’a dépoussiérée dans une relecture où l’esprit classique et l’intemporalité du théâtre s’épousent souverainement.

Sous plusieurs aspects, L’école des femmes demeure l’une des meilleures pièces de Molière. Elle se démarque par l’intelligente construction de son intrigue, la profondeur psychologique des personnages, les brillants dialogues et le rythme mené tambour battant. Curieusement, peu de metteurs québécois s’y sont frottés au fil du temps, on ne compte que deux productions antérieures au TNM en 1965 et 1990, signées respectivement par Jean Gascon et René Richard Cyr.

Créée en décembre 1662, l’œuvre dévoile sans pudeur les travers et la bêtise humaine d’une société prise dans l’engrenage de l’orgueil, de l’apparence et de l’obscurantisme idéologique. Fidèle à lui-même, l’auteur de L’avare et des Précieuses ridicules trace le portait du pathétique Arnolphe, un homme d’âge mûr qui veut conditionner Agnès, sa future femme, pour qu’elle lui jure une fidélité absolue. Arnolphe a placé sa pupille Agnès à l’âge de quatre ans chez un couple de paysans pour la maintenir dans l’ignorance. L’autorité et l’inquisition impitoyable demeurent ses gages pour assouvir ses fantasmes de servilité et éviter ses craintes de devenir cocu. Malgré tout, l’astucieuse Agnès, maintenant âgée de seize ans, ne sera pas dupe de ce manège tout en laissant croire à Arnolphe qu’elle lui appartient. Elle s’est éprise de passion pour le jeune et fougueux Horace. Cependant, lors du retour inattendu de son père, Agnès découvrira qu’Horace lui était destiné depuis longtemps comme époux. Par conséquent, Arnolphe se retrouve condamné par la société qui le couvre de ridicule.

Près de 350 ans plus tard, le texte qui a enflammé les passions à son époque n’a pas pris une seule ride. L’acuité demeure palpable, notamment dans un climat politique actuel où la droite morale et conservatrice a pris du galon partout en occident. Par ailleurs, il est remarquable de voir à quel point Molière fut un précurseur d’une pensée féministe. Le personnage d’Agnès parvient ici à déjouer la fourberie et le mensonge, en plus de « choisir » l’homme qu’elle aime.

Pour sa mise en scène, Yves Desgagné ne s’est pas encombré d’une vision muséale de la pièce. Ici ne se retrouve aucune trace de perruques poudrées, d’habits luxueux ou de décors baroques. Un dépouillement qui se traduit par des costumes simples et réalistes, une bonne élocution sans excès de voix. Le spectacle se retrouve donc plongé dans les racines intrinsèques du théâtre. Les mises en abîme (des scènes de théâtre reproduites sur le plateau du TNM) confèrent justement cette volonté de retrouver l’essence même du jeu. Par ailleurs, cette théâtralité mise à nue se retrouve dans les enchaînements entre les scènes de la pièce, alors que des comédiens jouent au régisseur ou à l’éclairagiste de plateau.

Dans la peau d’Arnolphe, Guy Nadon est prodigieux de justesse alors que l’Agnès de Sophie Desmarais se révèle remarquable de (fausse) naïveté et d’espièglerie dissimulée. Jean-Philippe Baril-Guérard se démarque également par la fougue de son Horace, tout comme le Chrysalde d’Henri Chassé. Mentionnons le couple attachant de paysans, les impayables Louison Danis et Pierre Colin.

Yves Desgagné avait déjà brillé de mille feux au TNM avec ses mises en scène des comédies de Shakespeare (dont La nuit des rois). Pour son baptême dans l’univers de Jean-Baptiste Poquelin, L’école des femmes constitue un modèle par sa passion de revisiter le répertoire sans le dénaturer. Un spectacle éclaté, d’une grande maîtrise, qui se regarde avec bonheur.

11-10-2011