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Du 22 octobre au 2 novembre 2013, mardi au samedi à 20h15, mercredi 19h15, samedi 16h15
HiverHiver
LISEZ L'ENTREVUE QU'A ACCORDÉE AGLAIA ROMANOVSKAIA À NOTRE JOURNALISTE OLIVIER DUMAS - en cliquant ici
Texte de Jon Fosse
Traduction de Terje Sinding
Mise en scène Aglaia Romanovskaia
Avec Milaine Deroy, Kim Henry, Oliver Koomsatira et Alec Serra-Wagneur

Un homme se fait aborder par une femme, comme ça, sans raison, sans but précis. Elle joue avec lui, tisse un dialogue, tricote une histoire, où quoi qu'il fasse, il ne reste que l'observateur - d'elle, d'elles, de tous ces visages qui habitent un être humain. Avec qui est-elle en dialogue vraiment? Avec lui ou avec une multitude de soi? Ensuite, la situation se renverse – une femme se fait aborder par un homme et ainsi de suite. Chaque rencontre permet de revisiter le soi face à l'autre, et la façon de dialoguer. Ce spectacle s'interroge sur la possibilité d’une rencontre avec l'Autre, les langages et les formes de dialogues. Et si l'on regarde de plus près – est-ce qu'on ne dialogue pas qu'avec le Soi, usant l'Autre comme un mur de projection?

Hiver nous plonge radicalement dans l’univers froid et glissant de l’auteur norvégien Jon Fosse dont le style épuré n’a d’égal que la densité de ce qu’il évoque.

Aglaia Romanovskaia propose un spectacle ludique et formaliste, à partir d’un texte résolument contemporain, où le corps et la voix sont traités comme autant de systèmes, tels les mots sous la plume de Fosse.


Dramaturgie Sophie Devirieux
Scénographie Sylvianne Binette
Éclairages Jean-François Bernier
Photo DuoB

Une production de la Compagnie Rosdramexport


Salle intime du Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : (514) 526-6582

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 Critique
Critique

par Pascale St-Onge


Crédit photo : Duo B

Thème résolument contemporain chez plusieurs auteurs actuels, la rencontre avec l'Autre est également le centre de Hiver, texte du Norvégien Jon Fosse, que la metteure en scène Aglaia Romanovskia redécouvre et fait exploser en morceaux au théâtre Prospero.

Une rencontre, celle d'un homme et une femme. Dédoublant les deux personnages, on nous propose une mise en scène pour deux danseurs et deux acteurs, ce qui vient ainsi complexifier les rapports dépeints par Fosse, mais aussi notre vision des rapports humains qu'on croyait simples. Ici, la quête des corps s'oppose à celle de la parole et les quatre interprètes, tels les morceaux d'un casse-tête impitoyable, tentent de se retrouver, de se remettre en ordre, ensemble, et ne plus se lâcher. Lorsque l'un des acteurs parle, son alter ego danseur vient exprimer tout l'inverse et vice-versa, soulignant le mensonge, ou plus simplement, ce qu'on refuse de dire ou de montrer.

Scéniquement parlant, une ambiance planante s'installe rapidement dans cette presque trop petite salle intime du Prospero. L'hiver sans doute, le froid et le besoin de rationaliser chaque sentiment, de le disséquer patiemment devant nous. Tout ce qui se déroule semble trop gros pour la salle, ce malaise à être avec l'Autre devient ainsi un éléphant dans la pièce ; il nous semble à nous, le public, de se sentir presque de trop. Heureusement, une fine toile pour les projections nous sépare, nous protège, en créant une distance entre nous et les interprètes, leur univers et les conventions qu'il implique. Impossible de nier qu'avec la direction d'acteurs qu’impose et la lecture que pose Aglaia Romanovskaia sur ce texte, Hiver se démarque de ce qu'on a pu voir jusqu'ici dans cette saison théâtrale montréalaise.

La production s'entoure de jeunes interprètes qui pourraient même être trop jeunes pour les personnages qu'ils portent. Ce choix donne pourtant un vent de fraîcheur ; pensons notamment à la performance d'Alec Serra-Wagneur, lui qui nous fait cadeau d'une interprétation très mature, malgré sa jeune expérience scénique depuis sa sortie de l'école.

Cette pièce, qui fragmente un événement qui peut sembler anodin, nous secoue et nous sort de nos habitudes de spectateur au Québec. Ce n'est pas du théâtre comme le reste, ce froid norvégien nous parvient, la couleur du texte est conservée tout en osant une voie nouvelle pour la mise en scène. En dessinant ce rapport complexe et contradictoire entre le corps et la parole, en assumant la théâtralité, mais tout en questionnant également les didascalies et ce qu'elles imposent à une équipe de production, Aglaia Romanovskaia crée ici un spectacle insolite. Elle nous initie à cet auteur, trop peu joué chez nous, et le remet déjà en question et le secoue devant nous au même moment. À voir, tout en se laissant surprendre.

27-10-2013