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Du 12 au 29 septembre 2012
...et autres effets secondaires
Création collective
Mise en scène de Marie-Josée Bastien et les comédiens
Avec Marc Auger Gosselin, Hubert Bolduc, Joëlle Bourdon, Lorie Caron, Jean-Pierre Cloutier, Jean-Philip Debien, Matthew Fournier, Myriam Huard, Catherine Hugues et Stéphanie Perreault

La pièce nous plonge dans le monde de Benoît, un sans-abri aux prises avec des délires psychotiques et qui a fui le monde en raison d’un crime dont il ne garde aucun souvenir. Il sait qu’il a besoin d’un pardon pour avancer, mais à qui le demander ? Il décide de revivre en compagnie d’amis imaginaires quelques moments de son passé, jusqu’au 18 mai, jour fatidique qui le hante littéralement. Il revoit les instants marquants de son enfance et les répercussions de sa maladie sur son entourage. Quel est donc cet événement qui a bouleversé le fragile équilibre que Benoît avait réussi à préserver  jusque là avec ses proches et avec lui-même ? Ce spectacle raconte l’homme dans toute son authenticité, lorsqu’il cherche à comprendre et nommer sa blessure.


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Scénographie Valérie Cantin et Daphnée Lemieux Boivin
Bande son Josué Beaucage
Lumières Christian Garon
Assistance à la mise en scène Jean-Michel Girouard

Une production Des miettes dans la caboche


Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : (514) 526-6582

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Dates antérieures (entre autres)

Du 15 au 26 septembre 2009, du 23 novembre au 4 décembre 2010, Premier Acte (Québec)

 
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 Critique
Critique

par Ariane Cloutier


Crédit photo : Louise Leblanc

Bienvenue dans l’univers de Benoît, jeune itinérant schizophrène. La pièce ...et autres effets secondaires nous le présente d’abord sous sa forme actuelle, personnage errant dans les rues, mendiant des réponses aux passants anonymes. Une série de flash-back, réels ou imaginaires, s’enchaînant à un rythme déferlant, nous permet de reconstruire par fragments la chronologie de sa déchéance : délire d’adolescent, perte d’emprise progressive sur son esprit, isolement, choc du diagnostic, traitements, et pour finir, la fuite suite à un acte dont il n’arrive pas à se souvenir. Nous découvrons aussi le jeune Benoît, celui qu’il était avant cet événement.

Dix comédiens interprètent tour à tour des personnages réels et d’autres, issus des hallucinations de Benoît. Comme beaucoup d’enfants, celui-ci a des amis imaginaires, à la différence que lui les entend et les voit réellement. Il possède de surcroit une créativité si débordante qu’il croit vraiment avoir des pouvoirs de super héros, ce qui en fait la risée de son école secondaire.

Entre quelques fragments de lucidité, les moments de délires s’enchaînent : délires télévisuels, métrologiques, psychanalytiques, prescriptions chantées, parsemés de quelques informations factuelles. La mise en scène de Marie-Josée Bastien sert très bien le propos. Les tableaux s’y suivent rapidement, ponctués d’une musique techno ou semi-électronique (Radiohead, par exemple) qui nous permet de plonger totalement dans l’univers de Benoît. Dans une approche très chorégraphique, les différents personnages se croisent, et les mondes parallèles (réalité, souvenir, délire, psychose…) du protagoniste sont présentés en surimpression.

Deux petites estrades et un couloir central séparent la foule. Les meubles sur scène sont mobiles et modulaires : la table de cuisine, par exemple, est divisée en quatre, et permet, entre autres, de créer soit l’espace de consultation, soit le bureau du professeur. Le rythme de la mise en scène et la scénographie très dynamique illustrent le chaos inhérent à l’univers intérieur de Benoît. Les accessoires de jeux sont le plus souvent dessinés par Benoît lui-même, marquant sa distanciation face au réel. Les costumes sont plutôt réalistes, dans des teintes froides, mais toujours avec un petit quelque chose qui dépasse la réalité, comme si celle-ci était déformée juste un peu par l’imagination d’un jeune super héros.

S’attaquant à l’univers méconnu des maladies mentales, la jeune compagnie théâtrale Des miettes dans la caboche aborde le sujet avec adresse. La profonde recherche entreprise par Marie-Josée Bastien et la troupe se reflète tout au long de la pièce, qui prend parfois une tournure plus factuelle tout en restant ludique, et confère au propos une sensibilité sincère. Jamais on ne sent le jugement peser sur le personnage principal ou son entourage ; le traitement est plutôt axé sur la compréhension et l’information. On y aborde le problème vécu non seulement de l’intérieur (isolement, honte, dégoût de soi, perte de contrôle), mais aussi de l’extérieur, à travers la difficulté de parents et de proches à accepter la situation.

Saluée lors de sa sortie à Québec en 2008, cette pièce issue d’expérimentations d’un groupe de deuxième année du Conservatoire de Québec a été rejouée à plusieurs occasions depuis, et ne manque pas de s’attirer le respect tant de la presse que du public. Dans la version présentée actuellement, bien que quelques-uns des comédiens originaux aient été remplacés, la pièce conserve sa force de frappe et ses interprétations rigoureuses, notamment celles des deux Benoît (Jean-Pierre Cloutier et Matthew Fournier).

Fait à noter, lors de la première, et ce, juste avant le spectacle, Christian Saint-Pierre, au nom de l’Association québécoise des critiques de théâtre (AQCT), a saisi l’occasion pour remettre à Marie-Josée Bastien un prix soulignant la force de son interprétation dans la pièce Temps de Wajdi Mouawad. Nous la félicitons pour ce prix amplement mérité.

15-09-2012