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Du 8 au 23 septembre 2011, mercredi à 17 h
Matinée spéciale, dimanche le 18 septembre à 15 h
Blackbird
Texte de David Harrower
Mise en scène de Téo Spychalski
Traduction Étienne  Lepage
Avec Gabriel Arcand, Marie-Eve Pelletier et Rebecca Vachon

Dans une cantine jonchée de déchets, à l’image sans doute du passé qui hante les personnages de ce duel, une jeune femme entre inopinément pour se confronter à l’homme avec lequel elle a eu une aventure quinze ans plus tôt, à un âge beaucoup trop jeune pour que cela reste sans conséquences graves. Aujourd’hui, s’agit-il de retrouvailles ou d’un règlement de comptes ? Est-ce le temps pour Una de se dévoiler, de se montrer telle qu’elle est maintenant, grande et mûre ? Leur échange déclinera toutes les facettes de cet événement qui a marqué à jamais leurs vies respectives. Mais rien de définitif ne pourra être conclu. Il demeurera à jamais impossible d’en sceller la signification avec les mots.


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Scénographie Véronique  Bertrand
Lumières Mathieu Marcil
Costume de UNA Marie-Noelle Klis

Une production de La Veillée


Prospero
1371, rue Ontario est
Billetterie : (514) 526-6582

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 Critique
Critique

par Olivier Dumas


Crédit photo : Dominique Lafond

Avec la reprise de Blackbird du dramaturge écossais David Harrower, le Théâtre de la veillée nous convie à un intense début de saison au Prospero.

En 2009, deux productions différentes de la pièce avaient envahi les scènes de la métropole. Avant celle de La Veillée, mise en scène par Téo Spychalski, une compagnie lyonnaise avait foulé les planches quelques soirs au TNM. La version québécoise s’était démarquée par son ton plus cru, moins portée sur les dilemmes psychologiques.

La pièce plonge dans sujet brûlant de controverse que les réseaux sociaux aiment alimenter: une relation sexuelle entre un pédophile dans la quarantaine et une adolescente de douze ans. Quinze ans après l’acte consommé, Una retrouve Ray. Retrouvailles innocentes, hasard ou règlements de compte? Pendant près d’une heure trente, l’histoire s’amuse à brouiller les pistes et les recoins inexplorés où aucun des deux protagonistes ne sortira indemne. La résurgence du scandale exalte toujours son odeur de soufre malgré le poids des années.

La grande force de la plume de David Horrower demeure son aptitude à occulter toute trace de manichéisme ou de sirupeux jugements moraux. Dans ce huis clos, ni l’homme, devenu un travailleur d’usine meurtri, ni la jeune femme qui s’adonne à la prostitution ne sont deux blocs monolithiques. Ils dévoilent peu à peu leurs zones ténébreuses, leurs inconforts et leurs contradictions dans un jeu du chat et de la souris qui oscille entre attirance physique et répulsion morale. L’auteur sait retenir l’attention par des revirements inattendus très réalistes symboliques de notre société contemporaine. Même les figures évoquées par les personnages, comme les parents de la victime ou les psychologues, deviennent des participants au drame par leur attitude fuyante vers le calme plat des apparences plutôt que d’affronter la douloureuse réalité. Par leur déni hypocrite, les véritables bourreaux demeurent souvent plus nombreux et pernicieux que les prétendus accusés.

Pour sa mise en scène, Téo Spychalski a réussi un amalgame entre les moments de tensions vives et des relâchements où le silence devient un prétexte à de prochaines flèches de cruauté. Comme des bombes sur un champ de bataille, les brusques lancers de chaises et de poubelles viennent ponctuer cet état d’esprit. La traduction du dramaturge québécois Étienne Lepage (L’enclos de l’éléphant) transpose parfaitement cette violence dans une langue quotidienne sans fioritures. Un petit bémol toutefois : le dénouement de l’intrigue se ferme sur un sentiment d’inachèvement et de confusion. La progression laissait présager une tombée du rideau plus saisissante.

La portée dramatique du spectacle donne surtout l’occasion à de véritables « numéros d’acteurs », ici électrisants de tension entre Gabriel Arcand et Marie-Eve Pelletier. Par sa révolte impuissante, le premier expose l’ambigüité sous-jacente d’un homme psychologiquement et physiquement démoli par ses penchants illicites. Comédienne remarquable par sa forte présence scénique, notamment dans L’opéra de Quat’sous au TNM l’an dernier, sa partenaire de jeu évolue tel un bulldozer entre la victime écorchée, l’allumeuse et la femme qui cherche à se venger. Ne passons pas sous silence l’apparition éclair troublante de Rebecca Vachon en jeune fille. C’est sa voix fragile qui chantonne en amorce du récit et à la tombée du rideau une mélodie intitulée Blackbird.

Pour les passionnés de théâtre provocant, la pièce Blackbird demeure un grand cru par sa teneur psychologique, en plus de faire découvrir au Québec un auteur écossais qui reviendra hanter certainement d’autres scènes. Pour les autres, il s’agit certainement d’une amorce de vives discussions sur un thème qui suscite toujours la polémique et les jugements antagonistes.

16-09-2011