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Du 5 au 22 novembre 2015 - supplémentaires mardi 17 novembre 13h et dimanche 22 novembre 11h
CoeurLe coeur en hiver
LIRE L'ENTREVUE QU'A ACCORDÉE CATHERINE VIDAL À MONTHEATRE
pour les 6 à 10 ans
Texte : Étienne Lepage
Mise en scène : Catherine Vidal
Avec Nicolas Germain-Marchand, Pierre-Louis Renaud, Estelle Richard, Karine Sauvé

« Est-ce que tu aimerais ne plus avoir froid ? » Si on avait le choix, on accepterait sans grande hésitation, tout comme le jeune Kay, cette proposition de la reine. Mais si ne plus sentir le froid impliquait aussi de ne plus ressentir ce qu’on aime ? La petite Gerda, de son côté, ne se laissera pas duper aussi facilement. La reine des neiges en prend pour son rhume dans cette pièce mordante librement inspirée du conte classique d’Andersen et incarnée par les magnifiques marionnettes du réputé Théâtre de l’Œil.

Ce spectacle touchant, rempli de rebondissements et de personnages fabuleux, met en scène la courageuse quête de Gerda pour retrouver Kay. Sa volonté de vivre à plein, envers et contre tout et tous, nous interroge avec lucidité sur notre manière de réagir face aux difficultés de l’existence. Toutes ces péripéties s’avèrent aussi de la belle matière dramatique et artistique pour de grands créateurs.

La compagnie

Théâtre de l’Œil

Selon le directeur artistique André Laliberté, cette 26e création du Théâtre de l’Œil est une nouvelle occasion d’élargir notre point de vue sur la marionnette. Depuis 1973, sans formule ni recette, la compagnie veut diversifier et enrichir cet art millénaire en privilégiant l’alternance ou le mélange de divers types de marionnettes dans ses créations. Elle développe avec des créateurs d’ici, d’ailleurs, d’autres disciplines ou d’une nouvelle génération, une dramaturgie jeune public originale diffusée au Québec et dans le monde. Ses scénographes ingénieuses et les thèmes abordés dans ses spectacles lui ont aussi valu prix et reconnaissance..

Aller à la rencontre des jeunes spectateurs avec passion et intelligence, proposer et faire apprécier des univers variés en misant sur la force de l’image théâtrale, raconter des histoires qui trouvent une résonance dans l’imaginaire des enfants, les faire rêver, rire et réfléchir sont les objectifs de la compagnie.

Fondé en 1973 par Francine Saint-Aubin et André Laliberté, actuel directeur artistique, le Théâtre de l’Œil compte aujourd’hui vingt-cinq productions. Compagnie de tournée, depuis ses débuts elle diffuse largement ses spectacles au Québec, au Canada et à l’étranger. Grâce au travail et à la créativité de 350 artistes et artisans, la compagnie a rejoint plus de 1,2 million de spectateurs lors des quelques 5000 représentations données sur quatre continents.


Section vidéo

    


Scénographie et marionnettes : Richard Lacroix
Conception sonore : Francis Rossignol
Éclairages : Alexandre Pilon-Guay
Conseiller artistique : André Laliberté

Durée 55 minutes

Une création du Théâtre de l'Oeil


Maison Théâtre
245, rue Ontario Est
Billetterie : 514-288-7211

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Critique

Crédit photo : Michel Pinault

Alors que l’arrivée des premiers vrais froids se fait attendre, le Théâtre de l’Oeil présente ces jours-ci à la Maison Théâtre (Montréal) et aux Gros Becs (Québec) en décembre prochain un conte qui saura réchauffer bien des cœurs d’enfant... et de grands!

Les enfants connaissent à présent tous la Reine des neiges, revisitée et rendue mondialement célèbre par le grand succès de Disney, mais le Théâtre de l’Oeil et l’auteur Étienne Lepage sont, eux, retournés au conte écrit par Hans Christian Andersen pour nous en offrir une version colorée qui n’en garde par moins son aspect un peu inquiétant et ses moments de cruauté… comme la vie!

Gerda et Kay sont heureux comme des enfants pauvres ignorant qu’ils sont pauvres, mais qui savent apprécier les petites joies qui les entourent, même ce rosier qui pique les doigts. Mais un soir de tempête de neige, Kay se retrouve dehors sans manteau et croise la route de la Reine des neiges, celle qu’on doit tous rencontrer un jour ou l’autre. D’un grand coup de froid, Kay sent sont cœur geler et accepte de suivre la reine au cœur de l’hiver pour ne plus jamais avoir froid.

À son habitude, le Théâtre de l’Oeil déploie sa fine magie sur scène avec une ribambelle de marionnettes adorables, signées Richard Lacroix (aussi à la scénographie). Gerda et Kay sont particulièrement attachants, eux qui empruntent quelques traits à leurs interprètes, excellents Pierre-Louis Renaud et Karine Sauvé. Celle-ci, dont on avait pu apprécier l’énergie dans Les grands-mères mortes aux Écuries la dernière saison, insuffle une grande vivacité à sa Gerda. La fillette aux boucles blondes pose un regard émerveillé sur le monde qui l’entoure et les personnes qu’elle rencontre dans son voyage. Sa naïveté même est charmante, soulignée par un habile coup de plume d’Étienne Lepage et par l’interprétation ingénue de la comédienne.


Crédit photo : Michel Pinault

Les irrésistibles créatures du Cœur en hiver viennent peupler les paysages du conte, joliment éclairés par Alexandre Pilon-Guay. Le plateau tournant sur lequel sont montés les décors dévoile de nombreuses surprises au public pendant la quête de Gerda. Une colline de déchets se transforme ainsi en robe fleurie de magicienne, une montagne de neige cache un vieil ermite, et une rivière maligne s’étale de tout son long, telle une sirène… Idée ingénieuse aussi  que de ne jamais montrer la Reine des neiges dans cette production ; les enfants l’avouent d’emblée en quittant la salle, ils l’auront tout de même imaginée sous les traits que lui ont donnés les studios Disney. La metteure en scène Catherine Vidal évite l’écueil en ne faisant qu’entendre la voix de la reine et accentue ainsi l’aura de mystère l’entourant, elle qui n’est finalement ni tout à fait méchante, ni tout à fait gentille, mais seulement égale à la nature de l’hiver (et de la vie?).

Le texte de Lepage mise avant tout sur une narration forte, en totale complicité avec le jeune public, et multiplie les adresses et les clins d’œil pleins d’humour. Et ça fonctionne à merveille, bien que certaines répétitions finissent par agacer. Lepage, qui avoue ne pas avoir écrit cette histoire en pensant aux enfants ou même à la marionnette, a lancé de beaux défis à la metteure en scène. La narration, assurée par plusieurs personnages et par les acteurs eux-mêmes (qui se font à l’occasion promptement chasser de scène) offre plusieurs échanges franchement drôles, mais aussi des moments de réflexion plus denses sur la détermination et le courage de faire ses propres choix pour soi.

On le sait, les contes, avant de passer sous la moulinette d’Hollywood, peuvent se révéler durs et cruels. Tout ne se termine pas toujours bien. Avec Le cœur en hiver, Lepage n’adoucit nullement la leçon : « Le monde peut être dur, et c’est pourquoi il faut l’aimer durement », écrit-il dans le programme. Et c’est bien là la morale apprise par Gerda au terme de sa quête lorsqu’elle comprend que, même si elle n’a pas pu convaincre Kay de quitter son royaume de glace, où il est à l’abri de toute douleur et de toute tristesse, il y a moyen de continuer à être heureuse, ou du moins d’y tendre, petit à petit.

10-11-2015