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Du 28 janvier au 7 février 2015, 20h
PeepshowPeep Show
multidisciplinaire
Texte et mise en scène Nicolas Berzi.
Avec Livia Sassoli

Le Peep Show a complètement disparu des rues montréalaises et été remplacé par un fade successeur : les cinémas érotiques, eux-mêmes en voie de disparition. Le phénomène culturel d’épie-show, de voyeur-payeur, a été enseveli par Internet et sa porn-à-la-maison. Spectacle-installation multimédia où les frontières entre la danse et le théâtre sont embrouillées, Peep Show vous replonge dans cet univers intemporel aux néons rouges et bleus, où le déshabillement et le déhanchement bien réels de la danseuse, seule dans sa cabine, découvrent la nature de nos perversions et de nos angoisses, que la disparition du lieu n’a pas emportées avec elle. 

Artiste Inconnu est fondé en 2013 par Nicolas Berzi qui en assure depuis la direction artistique et générale.La compagnie, qui perpétue une recherche artistique de plus de 10 ans pour l’auteur-metteur en scène, développe des laboratoires de création autour de la marginalité, s’intéressant aux défaillances humaines, dans le but de stimuler la création en produisant des spectacles atypiques, mais accessibles, où les interstices entre les médias en direct favorisent une expérience théâtrale « enrichie ».


Scénographie et conception multimédia Jean- François Boisvenue.
Musique en direct Dominic Marion.
Musique enregistrée Jan Siemaszkiewicz.
Lumières Nicolas Berzi, Jean-François Boisvenue
Photo Justine Latour

Une présentation et une production Artiste Inconnu


La Chapelle
3700, rue Saint-Dominique
Billetterie : 514-843-7738

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 Critique
Critique

par Pascale St-Onge


Crédit photo : Justine Latour

Chacun connaît le passé du Red Light et de la Main, à Montréal. L’illustre rue St-Laurent, célèbre pour ses divers lieux de promotion de l’industrie sexuelle a drôlement perdu de son éclat et ne porte aujourd’hui que peu d’indices de son passé. Dans les derniers temps, certains musées ou événements ont revisité ce qui a animé le boulevard pendant que Nicolas Berzi, fondateur de la compagnie Artiste Inconnu, a choisi d’axer son spectacle Peep Show sur ce phénomène bien précis ainsi que ses déclinaisons et évolutions plus contemporaines, dans une démarche entre danse, théâtre et technologie en direct.

Sur scène, derrière un cadre rappelant à la fois la cabine de danse et l’écran d’un ordinateur, une seule comédienne, Livia Sassoli, nous offre en début de spectacle ce qui semble être carrément un peep-show, sans aucune convention, artifice ou mécanique théâtrale. Sur une musique électronique évocatrice, ce geste nous apparaît d’abord gratuit, vulgaire, mais c’est l’un des talents de Berzi, puisqu’il nous piège en nous entraînant où il veut. En deuxième partie, le public est confronté à la comédienne, hors de son personnage. Elle nous met face à ce piège tendu d’avance, nous explique comment nos réactions face à son petit numéro ont toutes été prédites et désirées. En troisième et dernière partie, finalement, la même danseuse, habituellement protégée par sa cabine où elle danse machinalement, puisque c’est son job, se prête au jeu de danser devant sa webcam pour plaire à plusieurs clients impatients. Le message est clair, cette innovation de l’industrie du sexe permet aux filles de travailler dans le confort de leur demeure, mais ne lui offre plus la protection contre les commentaires dégradants et exponentiellement insultants des hommes qui usent de cette plateforme comme défouloir.

Développant une démarche autour des médias en direct et de l’interdisciplinarité, le créateur nous propose un spectacle aux discours multiples. Si, d’une part, le spectacle expose le statut (et ce qu’il implique) de la danseuse dans les différentes évolutions de l’industrie sexuelle, il questionne aussi le corps nu dans l’art contemporain (performance, danse ou théâtre) et comment il ne dérange presque plus, face au tabou du corps nu de l’effeuilleuse ou autre, malgré la clientèle énorme de la pornographie, par exemple. 

C’est avec une poésie inégale, mais parfois assez lumineuse, que Berzi tente de décrire la relation entre la danseuse de peep-show et son client, le voyeur duquel elle est séparée par une vitre et qui lui témoigne son désir pour elle en (se) payant une danse. Ou plusieurs. Seulement, c’est ici que se trouve la faille du processus fort intelligent du créateur. Si tout au long de Peep Show les prises de position sont fort claires, l’humanité de cette danseuse, porte-parole de toutes les danseuses depuis l’existence des danses en cabines au siècle dernier, semble beaucoup plus floue. Ce qu’on retient des paroles de la comédienne, ce n’est qu’une inconfortable dépendance au regard du client, proposition très discutable. Finalement, c’est ce qui nous manque dans l’expérience : derrière la poésie et tout le dispositif multimédia, la femme nous atteint bien peu.

Nicolas Berzi réussit tout de même un pari risqué : il nous offre une réelle démarche interdisciplinaire et parvient à intégrer son dispositif scénique multimédia en le mettant parfaitement au service de son propos. Exactement le type de spectacle qu’on s’attend à voir dans les murs de La Chapelle.

03-02-2015